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Renouvellement des baux : du riffifi dans le Jura

La fédération du Jura a procédé à de nombreux échantillonnages par des pêches au filet ou à l’électricité sur le Doubs, en été comme en hiver. C’est une entreprise suisse qui a dirigé le diagnostic mais, malgré une méthodologie exemplaire, la préfecture n’a pas jugé ce travail suffisamment fiable. 

Crédit photo FD 39 - DR
Dans toute la France, les baux de pêche sur le domaine public sont en cours de renouvellement pour la période 2023-2027. Pêcheurs professionnels et de loisir s’opposent souvent et les polémiques vont bon train. Exemple dans le Jura, où la tension est montée d’un cran ces dernières semaines.

Deux AAPPMA jurassiennes, celle de Fraisans-Ranchot-Dampierre et la Gaule du Bas Jura, ont souhaité alerter notre magazine, estimant que «le président de la fédération de pêche du Jura veut donner le poisson du Doubs à la pêche professionnelle contre l’avis des pêcheurs». Les cinq lots visés au moment de renouveler les baux se trouvent en effet sur leurs parcours: une vingtaine de kilomètres, entre Dole et Besançon.

Le Doubs, sur l’un des biefs en question, au niveau d’Orchamps, entre Dole et Besançon. 
Crédit photo : FD 37 - DR

L'historique

Pour bien comprendre la nature du problème, il nous a fallu remonter jusqu’en 2004, le préfet du Jura demandant alors qu’une étude scientifique soit réalisée dans les trois ans sur le Doubs, pour préciser l’état des populations piscicoles. Par principe de précaution, il suspend alors la pêche professionnelle. Mais le conseil d’administration de la fédération démissionne, la DDT en assure la tutelle. Rien n’est fait et des pêcheurs professionnels s’installent donc en 2007. Des études sont finalement mandatées en 2011 et 2015, sur le Doubs jurassien, pour un coût de 250000€ (138 pages en téléchargement libre sur le site de la fédération de pêche du Jura). Résultats : la ressource est estimée très faible, l’exploitation par un pêcheur professionnel serait très difficile. «En dix ans, la population de poissons a été divisée par dix en raison de la dégradation des milieux aquatiques et par quarante du fait de la pêche professionnelle», précisent les associations de pêche. D’ailleurs, preuve de cette rareté, un seul pêcheur professionnel exploite un lot sur les cinq qui sont autorisés, c’est-à-dire à peu près deux kilomètres de rivière.

La cohabitation entre pêche professionnelle et pêche de loisir fait débat, ça n’est pas nouveau. On attend la décision du préfet.
Crédit photo : FD 37 - DR

Surprise, surprise !

Mais le 26 avril dernier, lors de la réunion préparatoire (fédération, DDT, pêche professionnelle, chambre d’agriculture) au renouvellement des baux, surprise : la fédération apprend qu’un pêcheur professionnel vient de se porter candidat pour exploiter les lots du Jura. Son profil est atypique : il s’agit de Jean-Claude Walter, un restaurateur bien connu du département limitrophe du Doubs, installé au bord de la Loue (voir encadré).

Le restaurant Chez Gervais, dans le département voisin
Crédit photo : DR

Un moratoire ?

« Nous avons émis les mêmes réserves qu’il y a cinq ans, déplore Mehdi El Bettah, le responsable du pôle technique à la fédération de pêche du Jura. Mais on nous a répondu que le protocole d’échantillonnage réalisé ne suffisait pas pour évaluer correctement le stock de poissons. » Notre interlocuteur rappelle que le rôle de la fédération est de défendre les pêcheurs et les AAPPMA, mais qu’elle n’a pas le dernier mot sur ce dossier. Si elle s’estime lésée, si le cahier des charges ne répond pas à ses attentes, elle peut attaquer au tribunal administratif. Elle avance la solution d’un moratoire et, en cas d’installation d’un nouvel exploitant, souhaite avoir accès aux déclarations de ses prélèvements, tout en promettant la mise en place d’un carnet de capture pour les pêcheurs de loisir. « Nos pêcheurs doivent comprendre, insiste Mehdi El Bettah. Nous ne sommes pas au service de l’État, nous faisons vraiment tout notre possible !» La politique de la fédération semble être, en définitive, de vouloir ménager la chèvre et le chou : il y a bien d’autres problématiques importantes, elle ne souhaite sans doute pas se mettre à dos la préfecture… pour mieux avancer sur d’autres dossiers. Elle dit ne pas comprendre la démarche des deux AAPPMA (sur les 27 du Jura). «C’est une cabale, va même jusqu’à dénoncer le président Roland Brunet dans la presse locale. Ils voulaient obtenir le poste de président de la fédération. Ils ont essayé d’empêcher ma réélection lors de la dernière assemblée générale, mais ils n’y sont pas parvenus ! »

Clap de fin

Tous ces désaccords entre les deux parties se sont en outre étalés en long et en large dans la presse locale et sur les réseaux sociaux… Ils ont fini par tomber dans l’oreille du préfet du Jura, David Philot. Ce dernier sera le seul décisionnaire fin juin, après avoir pris connaissance de la consultation publique de ving et un jours qui touche à sa fin. Cette procédure est d’ailleurs en place dans tous les départements concernés par la pêche professionnelle, les pêcheurs étant invités à se mobiliser pour donner leur avis Les AAPPMA de Fraisans-Ranchot-Dampierre et de la Gaule du Bas Jura ont d’ores et déjà lancé une pétition, obtenant un millier de signataires. Pas sûr que cela pèse beaucoup dans une modification du cahier des charges et de la décision de l’État. De son côté, la fédération de pêche semble avoir obtenu des concessions de la part du restaurateur, notamment celle de ne pas exploiter le lot placé en no-kill brochet et sandre. Réponse sans doute dans notre prochain numéro.

Les arguments de Jean-Claude Walter

À Chenecey-Buillon, le célèbre hôtel-restaurant Chez Gervais est une institution. On y sert du brochet, du sandre, de la friture, du silure. Le restaurateur, Jean-Claude Walter, se dit consterné par cette situation. « Je passe pour une espèce de criminel, comme si j’avais un bateau-usine pour faire de la conserverie. Ils montent tous au créneau pour rien du tout. Le Jura, c’est 3500 hectares de rivières et de lacs! (NDLR: en fait, 500km de rivières et 6000 hectares de plans d’eau et de lacs artificiels) Et là on ne parle que de quelques kilomètres… J’étais prêt à faire des concessions, à ne pêcher que trois ou quatre lots. Je vais pêcher avec des grosses mailles de 75, ne prélever que les gros poissons. Les gros silures font plus de dégâts que moi. En aucun cas je n’ai intérêt à porter atteinte à la rivière. J’ai appelé tout le monde pour discuter autour d’une table. Les responsables de la fédération sont venus, pas les associations. On aurait bu un coup, ils auraient vu que je ne veux pas faire n’importe quoi. Ils montent tous au créneau mais ne viennent pas discuter. Je vais poser mes filets le soir et les relever le lendemain matin. Moi ce qui m’importe, c’est de servir des produits locaux. Je ne vais pas aller livrer des marchés ni ouvrir une boutique en ligne. Je vais faire des produits de qualité, j’aime mon métier, je suis un cuisinier, pas un criminel! » Notons pour conclure que Jean-Claude Walter a cédé sans la moindre contrepartie financière l’exploitation d’un bon kilomètre de berges sur la rivière la Loue, à proximité immédiate de son établissement.

MISE A JOUR 02 JUILLET
Le cahier des charges a finalement été validé par le préfet. Au total à la fin de la consultation publique, la préfecture a comptabilisé 1163 signatures de la pétition, 60 avis par voie électronique et un courrier de l'UFC Que Choisir. La fédération va mettre en place un suivi des captures sur les lots concernés par la pêche professionnelle, avec une réunion de suivi à mi-parcours (2025). Sur le pacours no-kill brochets et sandres, des filets spécifiques seront utilisés pour ne cibler que les silures et les ablettes. Plus d'infos sur le site de la préfécture.

MISE A JOUR 05 SEPTEMBRE
Suite à la décision de la préfecture du Jura d’accorder au pêcheur professionnel des baux de pêche pour la période 2023-2027 sur le Doubs, entre Dole et Besançon, les deux associations de pêche et l’UFC Que Choisir ont déposé un recours gracieux contre l’arrêté préfectoral le 19 août dernier. Avec un argumentaire détaillé de 6 pages, les contres-attaquants démontrent que la ressource piscicole n’est pas compatible avec la pêche professionnelle, dénoncent des possibles conflits d’intérêts entre la fédération et le pêcheur, et mettent en avant un risque sanitaire lié à la commercialisation du poisson. Leur courrier est à retrouver ici : 

Recours arrêté

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