Avant de concerner directement les poissons, la température de l’eau influence le milieu aqua tique lui-même. La présence de certains éléments est d’une importance capitale pour tout être vivant dans l’eau. C’est le cas de l’oxygène, gaz faiblement soluble dans l’eau, dont les concentrations de saturation évoluent en fonction de cette température. Plus elle s’élève, plus la saturation en oxygène diminue. C’est à 8°C que cette concentration est maximale (12 mg/l). À 25°C, elle descend à près de 8 mg/l. Or, chaque espèce possède ses exigences particulières en matière d’oxygène. S’il tend à manquer, l’impact est important sur la vie des poissons, quel que soit leur âge.
De la truite au silure
La truite par exemple (comme tous les salmonidés) est une espèce dont les besoins en oxygène sont importants. En dessous de 5 mg/l, elle est en état de stress. C’est pourquoi on la trouve dans les eaux fraîches et très saturées. À l’opposé, un poisson comme le silure est capable de coloniser des milieux aux concentrations très basses, jusqu’à 1 mg/l.
La qualité de l’eau
Si on peut considérer qu’un excédent en oxygène n’est finalement pas une mauvaise chose pour le milieu aquatique, une trop forte concentration de certains éléments peut avoir des effets néfastes sur la qualité d’eau. C’est ce que l’on observe durant le cycle de l’azote, processus très important dans le milieu aquatique que les aquariophiles connaissent bien. Une température élevée favorise l’augmentation du taux d’ammoniac (NH3) dissout, toxique pour tous les poissons.
Les aires de répartition
Contrairement à nous, les poissons sont presque tous (voir encadré) des animaux poïkilothermes (à sang froid), incapables de réguler leur température corporelle, égale à celle du milieu. Ils subissent donc directement chaque fluctuation thermique, quotidienne ou saisonnière. Suivant les espèces, les tolérances face à ces variations diffèrent considérablement. Les poissons dits eurythermes (carpe, silure, black-bass, par exemple) supportent d’importantes variations de température. À l’opposé, ceux que l’on qualifie de sténothermes (truite notamment) sont beaucoup moins tolérants. La température est en fait une véritable barrière naturelle, jouant un rôle prépondérant dans l’étendue et l’évolution de l’aire de répartition de chaque espèce. Les pêcheurs en mer connaissent parfaitement ce phénomène qui, avec le réchauffement climatique, favorise l’arrivée de nouvelles espèces sur leurs spots habituels tandis que d’autres régressent. Cette dépendance totale à la température conduit à une variation de l’activité métabolique des poissons. L’élévation thermique a pour réponse une accélération du métabolisme qui, à un certain stade, devient optimale pour la croissance. Ainsi, un poisson qui grandit plus vite digère plus vite et donc mange plus. Cela explique la saisonnalité des pics d’activité, sachant qu’on a démontré que les poissons occupent instinctivement l’habitat dont la température est la plus propice à leur croissance. Chez le brochet adulte, par exemple, la plage propice au grossissement va de 10 à 24°C. Ces valeurs évoluent et sont différentes suivant le stade d’évolution de l’individu (embryon, larve, juvénile, adulte). Dans certains cas, l’équilibre thermique peut être très fragile car l’accélération du métabolisme exige des besoins en oxygène supérieurs, sachant que sa concentration diminue avec l’élévation de la température. Pas simple, en effet…
L’incubation des œufs
D’une rivière, d’un lac ou d’une année à l’autre, l’incubation des œufs de poisson est très variable, totalement liée à la température. C’est la raison pour laquelle on compte la maturation des œufs en degré-jour. Pour ce qui concerne la truite, la durée totale d’incubation est d’environ 400 degrés-jours. Cela signifie que dans une rivière à 10°C, il faudra près de 40 jours pour observer l’éclosion des larves vésiculées. Ce temps sera doublé (80 jours) si l’incubation a lieu dans une eau à 5 °C. Pour le brochet, ce temps est beaucoup plus court, de l’ordre de 120 degrés-jours (12 jours dans une eau à 10°C). L’incubation est encore plus rapide chez de nombreuses espèces de poissons blancs, 60 degrés-jours, par exemple, pour la carpe.
La reproduction
Les poissons sont très sensibles aux variations thermiques, capables de ressentir un écart de l’ordre de 0,01 °C. Cette faculté est loin d’être un hasard puisque la température de l’eau a une influence capitale sur le cycle menant à la reproduction, processus étroitement lié aussi à l’évolution de la photopériode. Ainsi, chaque espèce est saisonnièrement réglée et se reproduit à une période précise. Quand la truite apprécie la fin de l’année, le sandre et le black-bass préfèrent le printemps. La reproduction n’est en fait que l’ultime étape d’une longue préparation engagée dès l’augmentation ou la baisse de température du milieu. Ce signal provoque des stimuli qui pourront déclencher la maturité sexuelle, la production des gonades ou, plus simplement, migrations, regroupements ou préparation d’un espace de ponte. Très souvent, chacune de ces grandes étapes, notamment celle de la ponte, est provoquée par un choc thermique.
Les maladies
Comme l’air, l’eau est aussi un vecteur de propagation de maladies, les poissons étant des cibles parfaites. Dans la majorité des cas, un individu infecté vit sans qu’aucun trouble particulier soit visible, surtout s’il est à la base en pleine santé. D’abord porteur sain donc, c’est souvent suite à une phase de stress ou de déséquilibre que l’affection se déclare. Et chaque saison a ses pathologies, sachant que la température est souvent à l’origine de l’apparition puis de la propagation d’une maladie. C’est ainsi qu’on arrive à prévoir certains épisodes chaque année. Bactérie, virus, champignon ont, comme les poissons, leurs exigences particulières, certaines températures repères dynamisant leur expansion sur l’hôte ou au sein du milieu aquatique.
A sang chaud
Les poissons sont des animaux dits à sang froid, mais on connaît quelques exceptions à sang chaud. C’est le cas, par exemple, du thon rouge ou du grand requin blanc. Selon les études les plus récentes, il semblerait que cette capacité de pouvoir réguler leur température corporelle rendrait ces prédateurs meilleurs nageurs pour leurs longues migrations et lorsqu’ils chassent.