Débuter aux carnassiers : les pièges à éviter

L’époque où la majorité des pêcheurs faisaient leurs classes en commençant par le plus basique, à savoir pêcher la friture avec un matériel rudimentaire avant de progresser au fil des saisons, est révolue. Il est vrai que dans notre société d’hyper communication, tout est fait pour vendre du rêve de grosse prise et de résultat immédiat. Pas un poisson trophée, pas une partie de pêche réussie qui ne s’étale quelques heures plus tard sur les réseaux sociaux. Tout semble ainsi si facile, si fun…

Pas si simple

Mais la réalité est cruelle et le débutant comprend assez vite que ce qui paraît si évident sur une vidéo ou dans un article de La Pêche et les poissons s’avère bien plus compliqué dans la réalité. C’est que, même si ça ne se voit pas forcément, l’auteur de ces images ou de ce texte a peut-être des décennies d’expérience derrière lui. Sans doute a-t-il connu les mêmes difficultés à ses débuts, les mêmes bredouilles à répétition. C’est un passage quasi obligatoire, l’important étant de ne pas se décourager. Il existe certes des raccourcis (guides, clubs, écoles de pêche, mentor attentionné) mais pas de formule magique qui, en quelques mois, ferait d’un débutant un pêcheur pointu. D’où cette série de petits conseils destinés à éviter au jeune qui débute les pièges courants, avec le risque de découragement qu’ils font courir.

Le matériel

Le premier piège, très dans l’air du temps, consiste à croire que la clef du succès viendra du matériel. Qu’en s’équipant comme les pros et en appliquant les mêmes recettes, on obtiendra automatiquement les mêmes résultats. Les fabricants et des armadas de pêcheurs sponsorisés s’emploient d’ailleurs à répandre cette idée. C’est oublier qu’à la pêche, le succès c’est 80 % de connaissance des milieux et des poissons, 15 % de technique et 5 % de matériel. Autrement dit, une part très minime. Acheter ce qu’il y a de mieux, c’est facile mais ça ne fait aucune différence si on ne sait quoi en faire. Idem pour la technique : lancer un leurre à tous les coups dans un gobelet à 15 m ne change rien si, au bord de l’eau, on ne sait pas où lancer. D’autant que quand on débute, on a une vision assez vague de l’équipement dont on a réellement besoin. Le risque de se tromper (ou d’être mal conseillé) et de devoir corriger de mauvais choix est important, il est rare d’acheter l’équipement idéal du premier coup. Il ne s’agit pas de dire que tout se vaut, que n’importe quel équipement convient et qu’il faut forcément débuter avec du bas de gamme. Ni que la maîtrise technique ne sert à rien. Simplement, ça n’est pas le plus important. On peut réussir de très belles pêches avec un équipement bon marché et deux mains gauches, si l’on sait exactement quoi faire. L’inverse n’est pas vrai !

L'expérience

Ce qui importe vraiment est le savoir qu’apportent expérience et vécu. À un débutant passionné qui me demandait sans cesse des conseils sur l’achat de matériel supplémentaire pour en finir avec les bredouilles, je finis par dire qu’il ferait mieux de s’offrir quelques journées d’initiation avec un guide de pêche. Le temps passé au bord de l’eau, voilà qui fait progresser : pêcher, pêcher et pêcher encore, il n’y a pas d’autre secret.

Viser trop haut

Un autre piège consiste à se fixer des objectifs irréalistes. C’est le meilleur moyen d’échouer et de se dégoûter. Vouloir prendre des poissons trophées quand on n’arrive déjà pas à prendre les petits sujets est voué à l’échec, même si un coup de chance est toujours possible. Qu’un chasseur de trophées aguerri accepte de se contenter d’une touche de gros poisson toutes les trois sorties, parce qu’il utilise une technique très sélective qui dissuade les petits sujets de mordre, c’est une chose. C’est un choix délibéré, il sait ce qu’il fait. Mais un débutant doit éviter ce genre d’approche qui demande beaucoup de confiance en soi et d’abnégation. Du reste, beaucoup de bons pêcheurs n’adhèrent pas non plus à ce concept. Mieux vaut au début se concentrer sur un objectif plus facile et plus formateur : obtenir un maximum de touches. Plus on prend de poissons, même petits, plus on apprend à connaître l’espèce en se familiarisant avec les techniques.

Le premier

C’est la phase d’apprentissage, incontournable. Compte tenu de la pyramide des âges – beaucoup de petits poissons, peu de moyens, très peu de gros –, on comprend qu’il est plus facile de croiser un petit sujet. Encore faut-il admettre que prendre des poissons de taille modeste n’est pas dévalorisant. C’est ce que l’on peut penser en voyant un bon pêcheur afficher sa déception à la prise d’un petit poisson. Ne soyez pas dupe, tous n’ont pas toujours dit ça. Il est probable qu’à leurs débuts, eux aussi s’en contentaient allègrement. Je me souviens de mon premier brochet : il mesurait à peine 30 cm mais ça faisait tellement longtemps que je rêvais d’en prendre un que j’étais plus heureux et plus fier que quand j’en pique un gros aujourd’hui. C’était un peu comme si j’avais trouvé un fabuleux trésor !

Se faire plaisir

Ne gâchez pas ce plaisir simple par snobisme, il sera toujours temps de faire le blasé quand vous en aurez des dizaines au compteur. Il est essentiel de se faire plaisir et donc, au début, d’enchaîner les touches. C’est une condition indispensable pour persévérer. Si ça doit passer par une pêche de perchettes, faciles à prendre, eh bien qu’il en soit ainsi. Ne tombez pas dans le piège de l’élitisme. Il n’y a pas de pêche idiote ni d’espèces nobles. Toutes ont leurs subtilités. Pêcher le goujon ou le chevesne est tout aussi amusant que pêcher le sandre ou le black-bass, et parfois même plus compliqué. Ceux qui prétendent imposer une hiérarchie entre les espèces et les techniques n’ont rien compris à ce qui fait le vrai charme de la pêche. Laissons-les à leurs délires égocentriques…

Éviter la spécialisation

Quand on débute, on prend ce qu’on peut… Ce n’est que bien plus tard qu’on arrive (pas toujours…) à prendre ce que l’on veut comme on le veut. Les techniques et le matériel trop spécifiques sont à éviter. Si vous attaquez par la pêche aux big baits, par exemple, parce que vous avez vu une superbe vidéo à ce sujet, vous ne pourrez pas pêcher autrement qu’avec des leurres très lourds et gros. Le matériel bien spécifique qu’exige cette technique ne permet pas de faire autre chose, c’est très réducteur. Mieux vaut commencer avec un ensemble passe-partout (voir encadré), permettant de pêcher la plupart des espèces avec la majorité des techniques, ce qui multiplie les chances de captures. Lorsque vous aurez fait le tour de ce qu’on peut attraper ainsi, vous pourrez alors tenter de vous diversifier. Vous essayer, par exemple, aux pêches légères très fun (truite, perche, chevesne, etc.) ou au contraire bien plus lourdes, type gros leurres à brochet ou silure.