Chevesne aux leurres : vive les beaux jours !
Le chevesne est l’une des espèces les plus abondantes du réseau hydrographique français et sa cote de popularité ne cesse de grimper auprès des pêcheurs aux leurres. L’été est une excellente saison pour traquer ce cyprinidé facile à repérer et actif toute la journée, notamment en surface. Du bord, ou à partir d’une embarcation, Thierry Bruand nous livre tout son savoir-faire pour les approcher, les séduire et les capturer.
En pratiquant à pied, configuration la plus fréquente quand on recherche les chevesnes, on peut bien évidemment prendre un beau sujet en pêchant l’eau. Cependant, pour réaliser de belles sorties et enchaîner les gros poissons, il est infiniment plus rentable de les pêcher à vue. C’est-à-dire de les repérer avant de lancer son leurre. Traquer des chevesnes, surtout en surface, sans les avoir aperçus au préalable, équivaut un peu à chercher des brochets en pélagique sans sonde Live. Possible, mais hasardeux. L’adaptabilité environnementale du chevesne lui permet de coloniser des milieux très variés: petites et grandes rivières, canaux de toutes sortes, certains lacs ou gravières. C’est toutefois dans les eaux courantes et relativement claires de la zone à barbeau ou à ombre (voire à truite) que l’on a le plus de chance de l’apercevoir et de le capturer. C’est là qu’il convient de concentrer ses efforts lors de vos sorties estivales.
Localiser
Or, ça tombe bien puisqu’à la belle saison, ces milieux offrent des eaux régulièrement basses et éclaircies. Et cela, même alors que notre cyprinidé-carnassier favori se tient fréquemment près du bord, le nez en l’air, prêt à intercepter les mousses dérivantes, les fruits ou les insectes tombant de la végétation. Équipé d’une incontournable paire de lunettes polarisantes, c’est alors facile, avec un peu d’habitude, d’identifier sa silhouette longue et cylindrique ainsi que ses nageoires sombres. La stratégie consiste à longer la berge à bonne distance et vers l’amont, lentement et si possible en se courbant jusqu’à apercevoir un individu, ou, mieux encore, une petite colonie.
Sur les cours d’eau très larges ou entourés d’un mur de végétation, il est aussi envisageable de prospecter dans l’eau avec des waders ou un short. Il faudra adopter alors la « marche du héron » pour limiter les ondes. Parfois, il peut être aussi intéressant de se tenir sur des points hauts, ponts ou digues, pour prélocaliser les fameux chubs, nom régulièrement donné à ce poisson par les pêcheurs aux leurres, avant une approche plus incisive. La discrétion est toujours de mise.
À pas de loup
Selon le peuplement du parcours, il faudra couvrir plus ou moins de terrain et le vélo sera éventuellement une bonne option si les postes occupés sont très espacés. Une fois le ou les sujets repérés, il faut alors s’immobiliser et réfléchir. Si le bon leurre est déjà sur la ligne et que le poisson est en maraude, un tir express peut être décoché pour le surprendre avant qu’il ne disparaisse du champ de vision. Quand il est à l’affût et peu mobile, il est souvent préférable de s’approcher encore. En gardant toujours le poisson en visuel, avancez alors furtivement, sans geste brusque, parfois en faisant des pauses, de manière à vous positionner idéalement pour réussir le premier lancer si décisif.
La végétation rivulaire, abondante à cette période, peut compliquer la tâche mais aussi être un atout pour voir sans être vu, ce qui, avec ces satanés « cabots », n’est pas une mince affaire. Ceux qui les traquent régulièrement connaissent bien l’incroyable capacité des meuniers à repérer un individu se déplaçant sur la berge. On a même parfois l’impression qu’ils ont des yeux derrière la tête! Or, un sujet dérangé, qui, contrairement à une fario, ne détale pas comme une fusée mais se met simplement à nager un peu plus rapidement, est très rarement prenable. Il est préférable alors de ne pas le tenter et de revenir plus tard. Sur les cours d’eau où la pression de pêche est forte, mais aussi sur ceux qui sont longés par une promenade très fréquentée, une approche, même ultra-discrète, ne permet parfois pas de les localiser sans être vu. J’ai donc développé pour ces parcours spécifiques une technique d’approche particulière redoutable et transposable un peu partout.
La technique du marquage
Elle s’appuie sur deux comportements estivaux du chevesne. Le premier réside dans leur aptitude à déclencher des attaques reflexes – mais pas forcément rapides comme les farios – quand ils sont en confiance et détectent une source de nourriture tombée dans l’eau. Le second est leur propension à occuper toujours à moyen terme, un ou deux mois si le temps est stable, les mêmes tenues préférentielles sur un cours d’eau donné: branchages surplombants, embâcles noyés, couloirs de végétation, etc. La tactique consiste alors à faire, en préambule de la session de pêche, disons au moins trois heures avant (une journée est encore mieux), une séance de signalisation de ces postes. Sans canne, mais muni d’une craie, d’un crayon gras ou de tout autre élément bien visible, on « inscrit » sur le chemin, la route ou la végétation une marque à chaque fois que l’on repère un individu ou un petit groupe. Lors des parties de pêche qui vont suivre sur le tronçon, on n’a donc plus besoin du travail de repérage (chronophage) et celui d’approche si délicat. On peut alors lancer son leurre sur les points chauds sans être vu, en semi-aveugle peut-on dire, et valider l’adage selon lequel « un chevesne surpris est bien souvent pris ».
À partir d’une embarcation
Que ce soit en float-tube, en kayak, en paddle ou en bateau, la problématique de l’approche n’est pas radicalement différente de celle du bord. Il s’agit absolument de ne pas arriver trop vite et trop près des meuniers pour ne pas les alerter. Il faut davantage deviner les poissons que les apercevoir et, parfois, il est même préférable de descendre de l’embarcation bien avant le hot spot pour les prendre. Une pêche complètement à l’aveugle sous les frondaisons est toutefois un peu plus envisageable, car la vitesse de prospection est plus rapide, surtout lorsque l’on possède un moteur. En général, ils sont moins sollicités et donc plus faciles à capturer.