Pêche au Ned rig : tout l'art de la lenteur avec cette technique venue des Etats-Unis

"Encore un anglicisme !" diront certains lecteurs, amoureux de la langue française. Et oui, comme beaucoup de techniques modernes de pêche des carnassiers, le nom donné à ce mode de pêche nous vient des États-Unis. Rig signifiant montage, c’est donc le montage de Ned. Mais qui est Ned ? il s’agit de Ned Kehde, un pêcheur et journaliste halieutique américain, né le 27 avril 1940 à Saint Louis dans le Missouri, et toujours en vie ! En réalité, si cette technique porte le prénom de ce passionné qui a rédigé des centaines d’articles, notamment pour In-Fisherman, elle est aussi connue sous le nom de « Midwest Finesse Fishing ». Pas mieux côté compréhension, je vous le concède…

Un peu d'histoire

C’est plus une philosophie qu’une technique à part entière, une pratique très répandue dans le Kansas pour la pêche du black-bass et du walleye, le cousin américain du sandre. Les origines de ce mode de pêche sont très anciennes, on dit que les premiers montages similaires auraient été créés vers 1957 pour leurrer des truites en lac, avec des fibres de marabout fixées sur une tête plombée aplatie. Cette association fonctionna aussi sur le black-bass à petite bouche. Une couenne de lard noircie donna aussi de bons résultats avant l’avènement des leurres souples et en particulier des worms, comprenez les vers, très utilisés par les pêcheurs de black-bass d’outre-Atlantique. En réalité, une douzaine de pêcheurs de l’est du Kansas et du Missouri ont apporté chacun leurs façons de faire et ont contribué à l’essor de cette pratique plutôt lente, comme nous le verrons.

La technique originelle

Le célèbre pêcheur américain Guido Hibdon écrivait en 1991 que les pêcheurs ont tendance à utiliser des têtes trop lourdes pour cette technique, alors qu’en fait, il ne faut presque rien ressentir au bout de la ligne. Vous avez ici l’essence du Ned Rig ! C’est une pêche lente, insistante, très efficace en eau froide, discrète, que l’on pratique avec un ensemble léger de type spinning et une tête plombée en forme de champignon, c’est-à-dire arrondie sur le devant et plate à l’arrière. Ce dessin original du lest permet de pêcher très doucement à la descente du montage et de bien coller le leurre contre la face plate de la tête. L’idée est de séduire des poissons dès la phase de chute du leurre dans la colonne d’eau. Certains vont alors s’en saisir avant même qu’il ne touche le fond, d’autres vont attendre qu’il soit posé pour l’observer et l’avaler d’où, là encore, l’importance d’avoir une tête plombée légère afin de ne pas nuire à l’aspiration du montage par le poisson. Ce lest aplati permet aussi au leurre de tenir à la verticale au fond de l’eau, surtout avec les leurres flottants modernes, et d’être plus visible par le poisson. Notez que la pointe de l’hameçon est un peu protégée des accrocs. Il existe même des modèles équipés d’un « gard », une tige métallique protégeant la pointe dans les zones encombrées. Les têtes Ned rig sont normalement assez légères, jusqu’à 7 g. Des fabricants proposent des plus lourdes aujourd’hui, mais est-ce encore la même technique ? L’hameçon est normalement assez fin de fer, toujours pour une pêche légère. Certaines productions actuelles sont vraiment plus solides !

Des tâtonnements

Vous vous doutez que de nombreux tests furent nécessaires afin de trouver le montage idéal, aujourd’hui encore en évolution. C’est l’avantage de la pêche : s’approprier une technique et l’adapter si besoin. De nombreux fabricants proposèrent de nouveaux leurres, des têtes aux formes variées… Ned Kehde travailla énormément sur le sujet, mais avant lui, Chuck Woods, un autre passionné de ces pêches fines, avait eu l’idée de couper un ver en plastique afin de proposer une bouchée plus petite et compacte aux carnassiers. La suite de l’histoire est le fruit du hasard, ou du destin. Au gré de concours et de rencontres, Ned croisa la route d’un compétiteur japonais en 2006 qui utilisait des vers Gary Yamamoto, il les testa alors lui-même avec succès. Puis, ce fut Kevin Van Dam qui lui donna quelques pochettes d’un nouveau leurre de chez Strike King, en réalité fabriqué par Z’man. Les résultats furent extraordinaires, déclenchant l’engouement des pêcheurs et surtout des compétiteurs ! Ned obtint quelques records de captures dont celui, en 2012, de 120 black-bass pris en quatre heures avec son cousin. Efficace !

Pour quels poissons ?

Nous avons déjà mentionné les black-bass à grande et petite bouche et le walleye. Citons également les crappies, des crapets ressemblant un peu à notre perche soleil, en plus gros. Le Ned rig est très utilisé, tant en compétition qu’en pêche de loisir pour capturer ces poissons sur les nids. Et oui, comme quoi, l’éthique peut changer d’un pays à l’autre ! Si en France cette technique est mal vue, voire prohibée, il n’en est rien aux US. Les pêcheurs utilisent même des bathyscopes, des sortes de cônes permettant de voir sous l’eau afin de repérer les plus gros sujets et faire descendre le montage pile au milieu de l’espace protégé par le poisson. Touche assurée, on s’en doute !

Et en France ?

Cette technique Ned rig a véritablement explosé aux États-Unis dans les années 2010 lorsque de nombreux concours furent remportés grâce à cette présentation. Toutes les marques se sont emparées de ce montage et proposent intelligemment des variantes. Les réseaux sociaux et le bouche-àoreille ont expatrié ce mode de pêche au Japon, en Europe, en Afrique… Mais en France, ce ne fut pas un gros boom. À tort ! le Ned rig doit être un peu considéré comme le drop shot, pour pêcher lentement et précisément des postes connus. Ce n’est pas une technique de prospection et cette tête n’est pas conçue pour pêcher en linéaire ou en verticale par exemple, mais bel et bien pour présenter hyper précisément un petit leurre au pied d’une pile de pont ou de ponton, sur un tas de caillou ou pour descendre une digue rocheuse tout doucement. Les black-bass n’y résistent pas, observant le leurre presque à la verticale un long moment avant de le gober, de même que les très grosses perches, souvent méfiantes. Les sandres sont également friands de cette présentation discrète. Quant aux brochets, c’est bien le problème par rapport aux États-Unis, ils ne se font pas prier pour monter cueillir le leurre dans la couche d’eau lors de sa lente descente. Voilà une corde de plus à votre arc, testez le Ned rig et utilisez-le à bon escient !

Témoignage - Sylvain Legendre

"Je réserve quasi exclusivement le Ned rig aux pêches de murets et d’éboulis lorsqu’il s’agit de traquer le sandre. En effet, il s’agit d’une technique plutôt précise de structures, et ce montage cadre très bien avec le comportement de ce carnassier sur les cailloux, qui picore des écrevisses. Le Ned permet de présenter de manière insistante des imitations d’écrevisses, en restant efficace à la pose. J’utilise aussi avec succès les Rage Ned Bug et Ned Ocho".

Témoignage - Ludovic Pinchède

"J’utilise le Ned rig principalement sur des pêches hivernales en eaux froides pour la traque des grosses perches et du sandre. Les brochets se font prendre également au piège, mais en général, ils sont de petite taille. J’utilise des têtes plates afin que le leurre reste à la verticale comme une bête qui fouille sur le fond. J’essaie toujours de pêcher le plus léger possible, à la limite de sentir le fond pour faciliter l’aspiration du poisson. Je sélectionne des leurres flottants avec une présentation verticale. Mes favoris sont des imitations de vers avec une gomme tonique, comme le Ned Zone de X Zone. J’aime aussi les écrevisses Adrénaline Craw de X-Zone et les Crecraw creaturebait de Westin. Lorsque la pêche est difficile et que j’ai bien localisé les poissons, j’utilise un tube de Keitech ou Reins. J’utilise une canne assez longue (2,27m) d’une puissance de 15 grammes avec une action de pointe. Elle est munie d’un moulinet de 2500 contenant une tresse fine de 0,10 mm avec une pointe en fluorocarbone de 0,21 mm. La tête plombée est liée par un nœud. Pour le lest, je prends des coloris naturels noirs ou marron. Je choisis des couleurs de leurres sombres: marron/capuccino/rosé ou parfois chartreuse, mais jamais de flashy. J’utilise une pêche simple au moulinet avec de petites récupérations suivies de pauses. En seconde animation, je réalise des petits tressautements avec la canne que je fais suivre de longues pauses. Enfin, j’utilise une animation ultralente. Le but est de ne presque pas décoller le leurre du fond. Il suffit de le faire gratter avec de longs arrêts. Attention, les touches peuvent être très discrètes! Les poissons attaquent à la redescente du leurre ou lorsqu’il est immobile par une aspiration. C’est une pêche fine à utiliser lors de journées calmes, sans vent. Cela fonctionne aussi bien en eau claire qu’en eau teintée, mais elle est redoutable lors des crues sur les fleuves".

Les bons leurres

Vous l’avez compris, à l’origine de la technique, c’est un demi-ver de type Senko qui était utilisé. Les fabricants proposent désormais de nombreux modèles dédiés au Ned Rig. J’ai pu en tester plusieurs avec succès.

Chez Strike King, citons les Rage Ned Bug, une sorte de petite écrevisse, le Rage Ned Cut-r Worm, un demi-ver avec une petite queue plate et surtout le Ned Ocho, une sorte de frite très tonique. La forme est étonnante, mais très efficace! Ils sont coulants.

X zone Lures propose des vers assez longs et très souples, 7,5 cm, avec un petit renflement terminal. Il est très mobile dans l’eau. Il est très mobile dans l’eau et flottant.

Enfin Z’man, l’un des fabricants leader dans le domaine avec ses fameux leurres en ElaZtech, sans plastique, flottants et vraiment très solides. Les records de capture sont incroyables avec un seul leurre ! Il y a plusieurs modèles qui m’ont rapporté du poisson : TRD TicklerZ, un ver avec des tentacules à l’extrémité et TRD CrawZ, une écrevisse aux pinces flottantes.