Certains leurres sont spécialement conçus pour ça, mais des techniques plus classiques permettent également de pêcher efficacement dans ce secteur de la couche d’eau à partir du moment où la mise en œuvre est adaptée. Pour être précis dans la notion de « proche de la surface », je propose de définir cette couche d’eau comme les 20 à 30 premiers centimètres. Plus profond, ce n’est plus du « sub-surface ». Les conditions imposent parfois de passer très près de la surface pour déclencher des touches. La solution la plus simple, qui vient immédiatement à l’esprit, est d’utiliser des topwaters, mais il arrive bien souvent que les poissons ne soient pas enclins à « sortir » de l’eau pour se saisir d’une proie. Je dirais même que, régulièrement, sur les brochets du moins, les poissons ne se saisiront pas de votre leurre si celui-ci ride la surface. C’est ainsi le cas dans les eaux froides du début de saison. Mais ça l’est aussi à la belle saison. Je pense par exemple à la Hollande, où je n’ai presque jamais réussi à déclencher de touches sérieuses au leurre de surface, alors que les poissons étaient très actifs dans les herbiers juste en dessous. J’ai également vu l’inverse (en Suède notamment, où les brochets ne prenaient presque que les leurres des surfaces au détriment des autres…).
Une question de biotope
La première raison qui oblige à garder son leurre dans les couches d’eau supérieures vient souvent du biotope en lui-même. Je pense bien entendu aux zones shallows dans lesquelles les herbiers arrivent presque jusqu’à la surface. C’est également vrai dans certains secteurs plus profonds où les herbiers, potamots ou élodées par exemple, montent très haut en ne laissant qu’une petite couche d’eau libre. Pour passer efficacement sans rider la surface, il faudra alors opérer dans les premiers décimètres, ou en tout cas suffisamment haut pour ne pas toucher les herbiers. La seconde raison peut être entièrement liée aux poissons qui focalisent leur prédation sur des proies qui évoluent près de la surface. Si les poissons blancs sont actifs et gobent à tout va, ou se prélassent simplement au soleil, il y a fort à parier que les brochets peuvent se focaliser sur ces proies bien visibles sous le miroir de la surface. Les éclosions sont des moments particulièrement favorables à l’activité des beaux gardons ou autres poissons blancs qui peuvent « gober » avec plus ou moins de gloutonnerie. Si les brochets regardent vers le haut, inutile de chercher à faire passer votre leurre à leur palier, vous ne déclencherez rien…
Un crank à petite bavette
De nombreux leurres sont conçus pour évoluer juste sous la surface. Les crankbaits à petite bavette verticale évoluent à faible profondeur et peuvent rendre de grands services sur une zone étendue et peu connue. Ils permettent de prospecter efficacement de grandes surfaces et font bouger la plupart des poissons actifs. J’ai pris l’habitude de remplacer le triple ventral par un triple à palette. Ce petit accessoire rajoute un signal lumineux très intéressant, en particulier lors des pauses. Je trouve qu’il y a clairement plus de touches avec cet accessoire. En pleine eau ou pour prospecter des bordures herbeuses (beaucoup de rivières recèlent de poissons camouflés dans les herbiers près des berges), les cranks, qui ne sont peut-être pas la première idée que l’on peut avoir, sont ludiques et efficaces. Ils auront en plus l’avantage de ne pas se cantonner aux brochets et de faire monter à peu près tout ce qui a des dents… Dans la famille des leurres durs, certains jerkbaits évoluent facilement dans très peu d’eau. Avec une animation rapide et des pauses courtes, ils imitent à merveille un poisson en maraude sous la surface. Contrairement aux animations longues et lentes des eaux froides, favorisant les « long slides » et les pauses allongées, la belle saison est la période des animations saccadées et énergiques. Les petits jerks en bois – je pense bien sûr au magique Twitchin Rap, à qui je dois un nombre incalculable de beaux poissons – sont parfaits pour cela.
Pensez aux Buster Shallow
Certains jerks, comme les Buster Shallow sont justement faits pour évoluer dans la première couche d’eau. Ils sont flottants et remontent à la pause. Vous pourrez donc abuser de celles-ci si les poissons sont « difficiles ». Mieux, ils seront indispensables si les poissons sont focalisés sur les proies qui gobent en surface. J’ai vu à de nombreuses occasions des conditions où les brochets refusaient les « proies » qui s’enfonçaient à la pause. Ils ne prenaient que celles qui remontaient doucement vers la surface. Et les attaques ne se faisaient pas en douceur. Les fameux Sliders de chez Salmo sont également déclinés en une version flottante absolument redoutable quand il faut jouer au milieu des herbiers. À utiliser sans modération en alternant petits twitch et récupération à la manivelle. C’est un leurre redoutable sur lequel il faut compter. La famille des gliders (leurres en deux sections) est également pourvue de nombreux modèles « slow sink ». En pêchant canne mi-haute, il sera facile de les faire évoluer dans très peu d’eau à vitesse réduite. Ils sont alors parfaitement imitatifs d’un poisson cherchant une petite proie en surface. Insupportable pour un brochet qui mettra fin rapidement à cette provocation en bouchant par la même occasion un petit creux. Personnellement, je n’ai jamais couru après ces leurres que je trouvais assez inefficaces sur le brochet. Il n’y a que les ânes qui ne changent pas d’avis et je suis revenu sur ma position ces derniers temps. Je les anime au moulinet plus qu’à la canne et j’alterne de longues périodes d’animation très lente avec une subite accélération. Ils m’ont valu pas mal de poissons ce printemps et pas des moindres. Je ne les négligerai plus.
La grosse artillerie…
Sorties de ces leurres assez conventionnels, les pêches de sub-surface peuvent également compter sur la grosse artillerie. Les Mustache Rig, Miuras Mouse et autres gros leurres souples sont des machines à gros poissons et sont parfaitement adaptés à la pêche dans cette couche d’eau. Mustache et Miuras sont deux incontournables des pêches très shallow et de la recherche des gros spécimens. Si c’est votre quête, ne cherchez plus. Elles coulent très lentement et si elles n’ont pas été alourdies par un sinker, alors elles évolueront très facilement dans cette couche d’eau. Au pire, vous serez obligé de pêcher avec une canne tenue parallèle à l’eau. La force de ces leurres est de déplacer beaucoup d’eau et de provoquer de grosses vibrations, même à très faible vitesse. Cette opportunité alimentaire laisse rarement de marbre un gros poisson. En pêchant davantage canne haute, vous pourrez même encore ralentir la vitesse de récupération et c’est souvent un facteur de réussite. Il vous faudra jouer sur les coloris pour trouver la bonne combinaison du jour. Le noir, le violet et le rouge fonctionnent bien par temps clair. Le blanc se voit très bien dans les faibles luminosités, alors que l’orange est un incontournable du coup du soir. Concernant les trailers, j’aime les curltails dans des eaux calmes et des météos peu mouvementées. Les shads les remplacent avec efficacité les jours de vent et de pluie ou de frénésie alimentaire. N’hésitez pas à mettre des modèles de 20 ou 25 centimètres. Les grosses bouchées ne font pas peur aux gros poissons, ni aux plus petits d’ailleurs. Je n’hésite pas à équiper ces combos de gros hameçons. Un 3/0 en tête et un 2/0 sur le ventre du trailer seront parfaits. Il arrive souvent que les gros poissons suivent le leurre le nez collé au trailer. Ils mettent des petits coups de nez dans les flagelles, mais ne se décident pas. Il faut alors avoir le réflexe de ne pas ferrer jusqu’à la vraie touche… Pas facile.
Montages texans
Les gros leurres souples de type Dexter Shad 250, Peto 25 ou Mc Rubber se prêtent aussi très bien à ce petit jeu, de même que les gros curltails ou les grosses grenouilles. Montés sans plomb avec un montage screw rig, ils nagent eux aussi près de la surface en bougeant beaucoup d’eau. Les coloris et les modèles sont innombrables et ils sont tout indiqués pour cet exercice. Les coloris transparents à paillette ou Motor Oil sont adaptés aux jours ensoleillés alors que les coloris orange, Fire Tiger, blancs ou perche fonctionnent bien les jours sombres. Ces gros leurres souples sont assez versatiles. Ils peuvent être ramenés vite ou beaucoup plus lentement selon l’humeur des poissons. Pour ceux qui ne veulent pas s’encombrer d’une canne bigbait et qui préfèrent pêcher plus light, les shads de tailles plus modestes font aussi le boulot. Si vous ne ciblez pas les spécimens, c’est même une excellente alternative, facile à mettre en œuvre et ludique. Les shads compris entre 12 et 16 centimètres ratisseront plus large en tailles, mais sauront aussi décider un gros poisson. À partir du moment où vous optez pour cette option, vous pourrez significativement descendre la puissance de votre canne. Une 20-80 équipée de tresse 20/100 sera parfaite pour cet exercice. Pour ce cranking shad un peu particulier, vous devrez jouer sur l’orientation de la canne et la vitesse de récupération afin de passer dans la bonne couche d’eau. Vous pourrez armer votre shad d’une tête plombée plus ou moins lourde. Plus le poids de celle-ci sera élevé et plus vous devrez récupérer rapidement pour rester dans la couche d’eau supérieure. Vous pouvez également opter pour un gros hameçon texan qui gardera le leurre bien en ligne, qui ne pèsera rien et facilitera un éventuel passage dans un obstacle végétal (herbiers ou bois mort). Personnellement, j’use et j’abuse des texans à palette, que je trouve absolument parfaits pour cet exercice. Je les utilise assez grammés afin de pouvoir descendre un peu si besoin, mais surtout de pouvoir pêcher vite. En règle générale, il ne faut pas lésiner sur la taille de l’hameçon. Plus celui-ci sera gros et moins vous aurez de ratés au ferrage. En effet, le dégagement important entre la pointe de l’hameçon et le dos du leurre sera un gage de réussite. Utilisez le plus gros hameçon possible sans « casser » la nage de la caudale. Si vous utilisez un shad assez large, rien ne vous empêche de monter votre texan de côté.
La vitesse d’exécution : l’atout maître de la réussite
Sortie des gliders et des jerkbaits, la plupart des leurres que j’ai mentionnés jusqu’ici ne s’animent pas, ou du moins très peu. Ils se ramènent de façon linéaire, en cranking. C’est donc la vitesse de récupération qui sera un élément clé de la réussite. Une récupération « normale », entrecoupée ou non de courtes pauses, déclenchera toujours un certain nombre de touches à un moment ou à un autre, mais il y a fort à parier qu’il y a mieux à faire d’un côté ou de l’autre, dans la lenteur ou dans la vitesse. Les gliders, les Miuras et les gros leurres souples peuvent gagner à être ramenés très lentement. Cette opportunité alimentaire qui passe tranquillement près de la surface est une aubaine à laquelle il est difficile de résister. Les grosses vibrations émises provoquent les prédateurs de loin et ils auront bien du mal à y résister s’ils sont en activité. En contre-partie, cette lenteur laissera du temps au brochet pour bien analyser sa proie et la moindre faute de goût en matière de coloris ou de montage pourra provoquer un refus. À l’autre bout de l’échelle, vous pouvez aussi opter pour des récupérations beaucoup plus soutenues, qui déclencheront des touches réflexes. En allant vite, voire très vite, vous ne laisserez pas le temps aux carnassiers de « réfléchir » et la séquence d’attaque sera un réflexe. Dites-vous que votre leurre ne sera jamais ramené assez vite pour qu’un brochet ne puisse pas s’en saisir… Il est possible d’aller vite, très vite. Je ne compte plus le nombre de situations où j’ai dit à mes pêcheurs d’accélérer et d’accélérer encore malgré leur regard dubitatif… et jusqu’à la touche ! Vous l’avez compris, la vitesse d’exécution est l’une des clés de la réussite. Rien ne vous empêche d’alterner vitesses lentes et rapides afin de déterminer la bonne action du jour. Vous comprendrez vite l’humeur des poissons.
Sous la surface
Les nouvelles technologies de sondeur (je pense bien sûr aux fameux Mégalive ou Livescope) ont bien mis en avant la capacité des gros poissons à nager dans très peu d’eau, même dans les grandes profondeurs. Il n’est pas rare qu’un gros sandre ou un gros brochet évoluent 1 m sous la surface dans 20 m d’eau. C’est d’autant plus vrai en été. Inutile, là aussi, de passer dans 10 m. Les poissons montent pour se saisir d’une proie. Ils descendent bien plus rarement. Voilà encore une occasion de pêcher près de la surface, surtout si vous êtes équipé de ces machines et que vous pouvez les pêcher à vue. Certains seront sans doute surpris de ne pas voir figurer les swimbaits dans les leurres que j’ai mentionnés. En fait, je m’en sers assez peu dans ce type de situation, leur préférant les Souris ou les gros LS. J’ai préféré m’en tenir aux techniques que je connais bien… Alors si, jusque-là, vous aviez des réticences à pêcher dans 20 cm d’eau, j’espère que ces lignes vous auront fait changer d’avis. Que le biotope, la tenue ou le comportement alimentaire des poissons l’imposent, il y a beaucoup de beaux sujets à prendre en pêchant peu profond. Les premières touches vous en convaincront, je l’espère !