Lorsque l’on pêche souvent les carnassiers, surtout aux leurres, aussi bien du bord qu’embarqué, nous avons parfois une sorte de sixième sens, une petite voix qui nous dit que la journée sera belle et que les touches seront nombreuses. La couleur de l’eau, un petit vent qui ride la surface et incite les carnassiers à chasser, des nuages qui modifient en permanence la luminosité peuvent mettre les brochets en activité. Avec un peu d’habitude et sans être devin, on peut même prédire la veille qu’il faut tout lâcher pour aller pêcher, quand on le peut bien sûr ! C’est aussi l’avis de Gaël Even qui précise : « Tous les ans, je croise des pêcheurs au bord de l’eau qui me disent : “Les brochets quand ils chassent, ils prennent n’importe quoi !” je ne partage pas du tout cet avis car j’ai bien trop d’exemples qui me viennent à l’esprit qui prouvent le contraire. Cependant, je dois admettre que dans certaines conditions, ces derniers peuvent vraiment être complètement fous et se jeter sur les leurres avec une intensité et une agressivité assez impressionnante. »
Température en hausse au printemps
Gaël, qui passe énormément de temps à la pêche, soit en guidage soit en test et présentation de matériel a relevé des facteurs climatiques intéressants. Ces journées ne sont pas très nombreuses dans l’année et elles correspondent bien souvent à des conditions bien particulières. « S’il est difficile d’anticiper ce phénomène, en observant la météo en fonction des saisons, il est possible de viser assez juste. En début de printemps par exemple, si la météo reste plusieurs jours au beau fixe avec des vents d’ouest sud-ouest et que les températures sont en hausse constante, la température de l’eau augmente gentiment et avec elle l’activité des poissons. Si vous avez la chance d’être au bord de l’eau les premières fois, que cette dernière passe la barre des 17-18 degrés, la sortie devrait être fructueuse ! Ce phénomène est valable en rivière, à condition que l’eau soit claire, comme en plan d’eau. »
Après l'orage
« Un peu plus tard, au printemps, les premiers coups du soir orageux sont aussi des créneaux à ne surtout pas manquer. Ces lumières basses couplées aux températures importantes de la journée donnent lieu à des moments de grande activité notamment en surface. Pendant la période estivale, le coup du matin qui suit le premier orage concluant une période assez longue de forte chaleur (cette année ce n’est pas vraiment gagné…) permet de reprendre des brochets qui se faisaient désirer depuis un bon moment. Vous ne ferez jamais de pêche aussi intense qu’au printemps, mais peut-être votre plus jolie pêche de l’été. »
Avec ou sans vent
L’automne est une période propice en règle générale à la pêche des carnassiers et donc du brochet. En plan d’eau, la période correspondant au changement de couleur des feuillages et aux températures qui tombent franchement la nuit est vraiment une des meilleures. Gaël avoue avoir un faible pour les journées vraiment venteuses en octobre pour ses pêches au swimbait. « En novembre, s’il y a un petit redoux avec une belle journée ensoleillée sans vent, alors je sais qu’avec des petits leurres métalliques je vais réaliser une très belle pêche de brochets au milieu des perches. Pendant cette période, il convient de bien surveiller le débit des rivières. En effet, le début de la première crue automnale ne doit être manqué sous aucun prétexte. Quand le niveau de la rivière monte et qu’elle se teinte légèrement, l’ensemble des brochets du cours d’eau va entrer dans une frénésie qui peut durer deux heures comme une semaine. Tant que l’eau n’est pas trop trouble, ils vont chasser activement. Pour les fans de prospection rapide au spinnerbait, c’est le rendez-vous à ne pas manquer ! »
Regroupements hivernaux
« Pendant la période hivernale, il est à mes yeux plus compliqué de pronostiquer une grosse pêche de brochet. En plan d’eau les sorties sont assez régulières avec des journées meilleures que les autres bien entendu mais faire vraiment du nombre reste compliqué. En rivière, il y a un créneau à ne surtout pas manquer en particulier s’il y a eu une crue persistante. Si la rivière est restée teintée plusieurs semaines, surveillez bien la décrue. Quand vous commencez à voir un leurre blanc immergé sous 40 cm d’eau, les brochets vont alors recommencer à se nourrir intensivement et il vous sera possible de réaliser une très belle pêche avec de gros poissons dans le tas. Dans ces conditions, la verticale est souvent la technique la plus productive. Plus la fermeture du carnassier approche, plus les poissons sont regroupés. Ces moments particuliers dans l’année sont à surveiller mais n’oubliez jamais que pour attraper des poissons il faut être au bord de l’eau. Alors allez à la pêche quand vous le pouvez même si les conditions ne semblent pas parfaites. Je suis certain que de belles surprises seront au rendez-vous en dépit de tous vos pronostics. C’est aussi ça la magie de la pêche. »
Jérémy Vienne : le vent est capital
Lorsque nous avons un vent du sud supérieur à 30 km/h avec un ciel voilé/nuageux, il s’agit pour moi des meilleures conditions possibles pour traquer le brochet. Il n’est pas rare d’augmenter considérablement le nombre de touches dans ces conditions, avec souvent, en prime, l’entrée en activité des beaux sujets. Un ciel couvert, voire une journée grise avec une faible luminosité sont des éléments favorisant une belle pêche également. Mais si nous devions garder en tête un élément météorologique permettant de faire basculer l’activité des poissons, il s’agit pour moi du vent. Il est important et abaisse la transparence de l’eau en surface, rendant les brochets moins méfiants et les faisant évoluer dans une couche d’eau supérieure à celle habituelle sans vent. J’ai également pris l’habitude de surveiller les pressions atmosphériques qui ont une influence sur l’activité des poissons. J’ai remarqué une baisse de celle-ci quand nous passons dans des pressions atmosphériques de faible intensité, d’une dépression en allant vers un temps calme. Ceci est valable pour la pêche en France. A contrario, il n’a pas été rare en Irlande de faire des pêches exceptionnelles lorsque nous avions un grand soleil et pas de vent. Les poissons ne sont peut-être pas habitués à ces conditions-là dans ce pays, ce qui les fait entrer en activité plus facilement ?
Numa Marengo : pressions et températures
Que veut-on dire par un « temps à brochet » ? Une météo propice à la capture de ce carnassier, nous sommes d’accord. Nous avons alors en tête ces ciels déchirés obombrant une surface d’eau torturée. Ce qui n’est à mon avis pas faux du tout, et d’une manière générale, les brochets préfèrent les phases dépressionnaires aux hautes pressions atmosphériques. Mais une fois cela dit, une dépression peut être aussi un puissant front froid, auquel cas les brochets, incapables d’accrocher l’optimum thermique, ralentiront leur activité alimentaire. Ces poissons ne peuvent ni réguler leur température interne ni enfiler une veste ! Ils sont donc très sensibles aux influences. C’est pourquoi il arrive que les touches ne reviennent qu’une fois le vent dépressionnaire retombé, quand le beau temps revient. Il faut enfin souligner des différences intraspécifiques. Les gros sujets n’ont pas les mêmes habitudes que les petits ou moyens, et il suffit de jeter un regard en arrière sur sa vie de pêcheur pour repérer que nous attrapons souvent les plus gros brochets en plein après-midi, sous le soleil et en l’absence de vent, précisément quand ça ne mord pas tellement.
Cédrik Djélassi : en fonction de la profondeur
Dans les grands lacs aux eaux claires et profondes, contrairement à ce qu’on pourrait penser, un temps ensoleillé avec des vents forts à modérés de 20-30 km/h représente des conditions idéales. Par contre, dans les lacs aux eaux plus troubles et moins profondes, un vent fort de 40-50 km/h et un temps très couvert seront mes meilleurs alliés.