C'est lors d’une visite de découverte des nouveautés de la saison 2024 dans les locaux de la marque Caperlan à Cestas que j’ai eu vent de cette canne hors norme. Les fidèles lecteurs se souviendront sûrement de l’article dans lequel Thierry Bruand décrivait les combats dantesques menés par Sébastien Diard qui pêche le silure à la roubaisienne sur les quais de Lyon. La technique n’était pratiquée que par quelques passionnés. L’affaire risque de changer !
De vrais spécimens
« Un de nos responsables de rayon avait utilisé une canne Carpover 100 Caperlan pour aller pêcher des esturgeons en Italie, il y a quatre ans, se souvient Frédéric Richard, chef de produit pêche au coup de Caperlan. Il voulait démontrer que l’on pouvait prendre de gros poissons avec du matériel peu coûteux. Forcément, la vidéo a fait le buzz sur les réseaux sociaux et de nombreux pêcheurs ont acheté ce modèle. Il y a eu pas mal de bidouillage des cannes, scions recoupés pour plus de puissance, attaches de lignes bricolées. Ce n’était pas qualitatif, et surtout mettait à rude épreuve une canne qui n’est pas conçue pour cela ! C’est de là qu’est née l’idée de la SPCR 500. L’acronyme vient de Specimen Ultra à l’origine. Mais tout comme les cannes Wixom sont marquées WXM sur le blank, nous avons retenu quatre lettres seulement : SPCR. Quand on parle de spécimen, pour un pêcheur de carpe, c’est un poisson de 15 à 20 kg. Là, nous sommes tout de suite partis sur la notion de sujet hors norme! Un passionné qui s’attaque à des esturgeons de 50 kg ou des silures de 2 m ne doit pas se poser de question avec cette canne pour savoir si ça passe ou ça casse! Il doit pouvoir capturer le poisson qui mord à l’appât, quelle que soit sa taille. »
Du très costaud !
« Fabriquer le blank n’a finalement pas posé trop de souci, précise Alan Griffon, ingénieur produit dans le même secteur de la pêche au coup. Nous maîtrisons bien la technologie des cannes puissantes pour la pêche de la carpe. Donc nous sommes rapidement arrivés à des prototypes solides et fiables. C’est après, au fur et à mesure des tests, que nous avons peaufiné les détails », précise le jeune ingénieur passionné. Et des détails, il y en a, et ils sont importants ! « La canne est hyper renforcée, prévient Frédéric. Au niveau du scion bien sûr et de la tulipe qui protège le gros et double élastique de 5 mm qui encaisse les rushs du poisson piqué, mais aussi au niveau des éléments, sur plus de 50 cm. Le blank est super solide sur toutes les zones d’emmanchement, c’est notre concept XXX50. »
Une gaine en mousse
Ainsi que vous avez pu le constater dans l’article d’octobre dernier, la position de combat du pêcheur de spécimen au coup est un peu atypique. Il est « assis » sur la canne, ou plutôt, il se sert du poids de son corps pour contrer le poisson en passant l’extrémité du talon sous les fesses et en luttant canne en main. « La pression et la force d’un poisson de cette taille sont colossales, reprend Alan. Le pêcheur doit avoir une prise ferme sur le talon, d’où le fait des portions de mousse EVA qui offrent un grip parfait, même les mains mouillées. » Une sorte de gaine thermorétractable en mousse EVA est enfilée sur le dernier élément de la canne puis collée. C’est moins fragile que d’enrouler une plaque de mousse autour du carbone. La durabilité est le maître mot de cette SPCR ! « Même si nous disposons de tous les composants en SAV, moins nous avons de retour qualité, plus nous sommes heureux », sourit Frédéric.
Le défi interne
Si réaliser la canne fut assez simple, concevoir le système d’accroche de l’élastique et de la ligne demanda beaucoup plus de temps ! « Nous sommes sur ce projet depuis trois ans, avoue Frédéric. Dès le début, en regardant les bricolages des pêcheurs, je me suis rendu compte que l’enjeu était là ! Réaliser un système simple à mettre en place au bord de l’eau, sécurisant et qualitatif. C’est ici que l’aide de Mathieu Guibert, notre designer, est importante. C’est le maillon entre mes idées de vouloir innover sur ce produit et les contraintes techniques gérées par Alan. Mathieu nous propose des solutions. C’est un triptyque important composé de métiers différents pour résoudre les challenges techniques de ces innovations! Il esquisse des projets, les reprend ensuite en dessin 3D sur ordinateur et réalise les premiers prototypes grâce à une imprimante 3D pour se rendre compte du volume, de la fonctionnalité et commencer les tests. »
ABS ou aluminium ?
« L’Elastic Block, nommé EBLOCK a nécessité 15 versions différentes pour aboutir à la formule définitive », se souvient Mathieu. l’équipe a ensuite opté pour une pièce en aluminium bien que la même, conçue en plastique de type ABS, avait la même résistance. « Le client a une impression de solidité plus grande avec cette pièce métallique, souligne Alan. Lors des tests, nous nous sommes rendu compte que ce crochet interne devait être amovible. En fonction de la profondeur d’eau mais aussi de la taille et du poids des poissons visés, le pêcheur peut ainsi accrocher le double élastique sur le quatrième ou le cinquième élément. Cela permet d’ajuster la longueur et la puissance. »
Des tests de terrain
À l’image de très nombreux produits fabriqués par l’enseigne Decathlon, cette canne fut testée avant d’être commercialisée. Lorsque la discussion glisse sur le sujet, les trois gaillards ont le sourire aux lèvres. « Il n’est pas facile de pêcher le silure au coup partout en France. Il y a de gros poissons en Loire par exemple, mais peu de secteurs où l’on peut installer une station de pêche et avoir suffisamment de profondeur pour espérer faire venir de très gros poissons sur le bord. L’Adour le permet et nous avons régulièrement été pêcher sur ce fleuve pour tester les différents prototypes au fur et à mesure de la conception, reprend Frédéric. Nous avons eu de la chance et nous avons très rapidement capturé un très gros poisson. Le test de puissance de la canne s’est donc bien passé. » À force de questions sur les mensurations de ce silure, le chef produit lâche enfin l’information. « 2,28 m. Nous ne l’avons pas pesé mais il était énorme, affirme-t-il. Mais le pire, c’est lors de notre dernière session en Italie! Nous avons capturé plus de quatre-vingts esturgeons avec cette canne, à trois pêcheurs, ce qui permet d’avoir différents ressentis et des manipulations diverses de la canne. Le plus gros poisson capturé pesait 108 kilogrammes et mesurait plus de 2,50 m. » Qui dit mieux ?
Pêcher et protéger
En plus de la canne SPCR 500, vendue au prix modique de 299 € pour le niveau de qualité et de robustesse, les trois inventeurs ont aussi mis au point un système de fixation de l’élastique et de la ligne, vendu séparément (39 €). Et ils ont aussi travaillé sur un tapis de réception permettant de poser au sol ces poissons hors norme. « C’est une histoire de respect et d’image, ajoute Frédéric Richard. Si nous voulons relâcher silures et esturgeons comme il faut pour espérer les capturer à nouveau plus tard, nous devons les préserver sur le bord de l’eau. » Ce tapis mesure 250x88x2 cm. Il est flottant et il est vendu à 95 €.