Produites au départ pour l’élevage de volailles, porcs et moutons, les farines de poisson ainsi que leurs huiles sont ensuite utilisées en aquaculture pour l’élevage du saumon et pour la fabrication d’aliments pour animaux de compagnie, ainsi que comme fertilisant en agriculture de par leur richesse en azote. Leur utilisation dans les appâts de pêche est très ressente.
Les premières farines de poissons produites n’étaient pas de grande qualité, puisque issues des déchets de pêche, impropres à la consommation humaine. Petit à petit, les pêcheurs se sont spécialisés dans la capture de certaines espèces non recherchées pour la consommation humaine et donc destinées à être transformées en farines à partir de poissons entiers. De spécialisation en spécialisation, on trouve aujourd’hui des farines de différents poissons comme le saumon, le thon, le hareng, sardine, anchois … ainsi que des farines de divers crustacés et autres céphalopodes.
Fabrication
Si au départ on fabriquait ces farines après un simple broyage puis séchage, leur production s’est industrialisée au fil de temps et de la demande grandissante. Les poissons sont dans un premier temps hachés entiers, ainsi que les déchets. Pour les farines plus nobles, seules les chairs sont utilisées. Puis viennent la cuisson et le pressage qui vont permettre de séparer la chair de l’huile. Enfin, le séchage à plus ou moins haute température, permet de déshydrater la chair déshuilée qui est ensuite moulue et transformée en farine. Le séchage permet d’atteindre un taux d’humidité de 10%, indispensable pour la stabilité du produit fini. Les meilleures car plus nutritives (assimilables) étant celles qui ont été déshydratées à une température basse de 70°C, bien connues chez les rouleurs sous le nom de « fishmeal LT », LT pour Low Temperature. Toutes riches en protéines et en acides aminés essentiels, les farines de poissons verront leur taux varier selon la matière première utilisée, chair, relèves ou carcasses, généralement entre 60 et 80% de protéines et 10 à 15% de lipides.
Utilisation
Très utilisées en aquaculture pour leur excellente valeur nutritive, les farines de poissons sont riches en protéines, lipides, vitamines et minéraux. C’est principalement leur profil en acides aminés qui est recherché. Comme les fishmeal contiennent les 10 acides aminés essentiels à une bonne assimilation des protéines, ils sont un aliment parfait pour la croissance des poissons et compléter une alimentation végétale systématiquement carencée en certains acides aminés essentiels, notamment lysine et méthionine, et donc non assimilable.
Une autre raison très importante pour laquelle la farine de poisson est recherchée comme ingrédient dans les régimes d'aquaculture est que la farine de poisson contient certains composés qui rendent l'aliment plus acceptable et plus agréable au goût. Cette propriété permet aux aliments d'être ingérés rapidement. On pense que l'acide glutamique ou glutamate, un acide aminé non essentiel, est l'un des composés qui confère à la farine de poisson son goût agréable. C’est le glutamate qui donne la saveur « umami », très utilisé comme rehausseur de goût dans l’industrie alimentaire, il incite à consommer toujours plus de la nourriture qui en contient.
Pour en arriver à nos bouillettes, au vu de ce que je viens d’évoquer, on voit tout de suite ce que ces fishmeal vont pouvoir apporter en terme d’attraction et de nutrition au sein d’une composition savamment élaborée. Goût, équilibre nutritionnel, attraction, solubilité, qualités mécaniques, tout ce que l’on recherche dans un bon appât.
Avant de passer en revue les différentes farines de poissons qu’on peut incorporer à un mix, je voudrais revenir sur la teneur en lipides de ces farines et des idées reçues qui sont véhiculées à ce sujet. Je lis souvent que les farines de poisson ne sont pas adaptées à la pêche en hiver du fait de leur teneur en lipides. Si on s’en tient à des farines de poisson, sans rajouter d’huile à la fabrication, on obtient des appâts avec un pourcentage de lipides très bas. La plupart des fishmeal ont entre 10 et 15% de lipides. Si on doit parler diffusion, intéressons-nous plutôt à la grande solubilité des farines de poisson et encore plus aux farines prédigérées qui elles enverront un message fort quelle que soit la température de l’eau. Ce serait vraiment dommage de se priver de ce niveau d’attraction en voulant seulement se focaliser sur ce mythe des lipides en eau froide. A ce sujet, je vous renvoie à l’excellent article de Ian Moore dans le numéro 148 de Média Carpe.
Les différentes farines de poissons
- Farine de poissons générique
Elle est composée à partir de diverses espèces et vendue sous le terme « farine de poisson » sans aucune autre précision. On y retrouve de tout, aussi bien des parties nobles que des déchets. Généralement déshydratées à haute température, les qualités nutritives de ces farines en ont pris un sacré coup. Ça reste un ingrédient peu cher par rapport aux autres fishmeals qui peut malgré tout enrichir un mélange céréalier. Ce n’est pas le produit préféré des rouleurs qui désirent un produit fini de grande qualité. Son prix est intéressant puisque souvent en dessous de 4€/kg. C’est aussi ce genre de farine de poisson qui sert de fertilisant en agriculture. Elle contient généralement 60% de protéines et 10% de lipides.
- Farine de poisson LT
Farine très réputée dans le milieu des rouleurs, elle est déshydratée à une température ne dépassant pas 70°C afin de préserver au maximum ses qualités nutritives. Elle contient plus de 70% de protéines parfaitement disponibles. C’est un excellent fishmeal à incorporer dans un mix, jusqu’à 500g/kg, même si on peut regretter, à l’instar de la faine de poissons générique, le manque de traçabilité concernant le type de poissons utilisés pour sa fabrication. Elle est vendue de moins de 4€ à plus de 8€/kg.
- Farine de sardine et anchois
On retrouve souvent ce mélange à la vente, tout simplement parce que ces deux espèces sont pêchées selon les mêmes méthodes et partent en transformation sans être triées. On trouve aussi fréquemment le mélange hareng sardine. Comme la farine de poissons blancs, on est sur une farine dont on ne connait pas le grade ni les proportions de différentes espèces présentes. C’est une farine à l’odeur forte et généralement plus grasse que les autres. Son profil en acides aminés complète bien les farines de poissons blancs et leur mélange dans un mix est à ce titre intéressant. Taux approximatifs, 60% de protéines et 12% de lipides. Son prix est aux environs de 5€/kg.
- Farine de saumon
Poisson noble il n’y a pas si longtemps, aujourd’hui produit de consommation élevé à la farine de poisson, l’ironie du sort fait qu’il se retrouve à son tour transformé en fishmeal. De couleur brune à rosée, on reconnait tout de suite la farine de saumon à son odeur. Elle contient de 60 à 70% de protéines et 15% de lipides dont une bonne part d’Omega 3 selon son origine. Elle est très digeste grâce à son excellent profil en acides aminés. Issue de restes suite à la levée des filets sur des poissons destinés à la consommation, elle fait partie des farines de poissons uniquement destinée à la fabrication des appâts. On peut l’utiliser toute l’année à hauteur de 20 à 30%. On la trouve aux environs de 5€/kg selon les fournisseurs
- Farine de thon
Poisson prédateur tout en muscles, le thon est une espèce qui tend à se raréfier du fait de la surpêche dans le monde entier. Sa farine est issue de différents thonidés et bonites, c’est encore une farine à l’odeur forte et reconnaissable. Elle contient 60% de protéines solubles et 12% de lipides et 20% de minéraux. Sa couleur foncée dominera dans un appât selon la proportion employée. Son prix varie de 4€85 à plus de 6€.
- Farine de krill
C’est la farine à la mode ! Tous les fabricants proposent une bouillette au krill, et c’est bien compréhensible ! Si on s’en réfère à Wikipédia, le krill est en fait le terme générique de petits crustacés d’eaux froides de l’ordre des euphausiacés qui de nourrit de phytoplancton. Nourriture préférée d’une foule de prédateurs dont la baleine, sa biomasse est estimée à plus de 380000 tonnes ! Ce qui en fait l’une des plus importantes de la planète ! Ou plutôt en faisait puisque la pression de pêche exercée sur cette espèce fait qu’il est de plus en plus rare et que cette biomasse s’effondre, mettant en péril tout un écosystème.
Avec un gros pourcentage en protéines solubles et un excellent profil en acides aminés, en minéraux, sa richesse en omégas 3, une parfaite digestibilité, d’excellentes qualités mécaniques c’est le complément idéal à un bon fishmeal. Très peu dense, il n’est pas recommandé d’en utiliser de trop grandes quantités. 10% est un bon départ. On la trouve de 7€ à plus de 10€/kg
- Farine de calamar
85% de protéines hautement digestibles de par son profil en acides aminés, très pauvre en matières grasse, 5%, c’est la farine championne en termes de teneur en protéines. Son prix varie du simple au double puisqu’on peut la trouver de 5€ à plus de 11€/kg, en fonction de sa qualité et de sa provenance.
- Farine de poisson prédigéré
Appelée aussi protéines de poissons solubles, hydrolysat, cette farine de couleur claire, très dense, est en fait de la chair de poisson, principalement de qualité, qui a été soumise à un traitement spécial, l’hydrolyse enzymatique, qui permet de casser les protéines en acides aminés libres. On obtient une farine très riche, puisqu’elle contient plus de 90% de protéines entièrement solubles, et ne contenant que 1% de lipides. De véritables bombes attractives indispensables dans un bon mix. On retrouve des hydrolysats de poisson, krill, calamar… Les prix varient beaucoup selon la provenance et la qualité des matières premières mais ce sont des farines assez couteuses. De 4 à 15€/kg. On les utilise généralement à hauteur de 10 à 20% dans un mix déjà enrichi en fishmeal.
-Farine d’écrevisse
Devant la difficulté grandissante de se fournir en farines de poissons, du fait de la surpêche et des prix qui de ne cessent de grimper, la farine d’écrevisse, jusque-là très peu utilisée, est peut être une solution pour l’avenir pour qui voudra continuer à pêcher avec des appâts carnés. Moins riche en protéines, elle en contient tout de même 40%, elle a la réputation de faire flotter les billes selon son taux de carapaces. Elle est vendue 8€/kg
- Farine de crabe
C’est une farine de chair de crabes, riche en protéines, 85%, très digeste, encore peu utilisée du fait de sa difficulté à s’approvisionner et assez chère puisque vendue 10€/kg.
Toutes ces farines, même si elles contiennent toutes les 10 acides aminés essentiels qui permettent une excellente assimilation des protéines, n’ont pas exactement le même profil en acides aminés. C’est pourquoi il est intéressant de les mélanger dans un mix pour obtenir une assimilation encore plus complète. A chacun de réaliser le mélange qui lui convient. De par leurs excellentes qualités mécaniques, les fishmeals peuvent être utilisés jusqu’à 50% dans un mix. Seul le coût sera un frein. De mon point de vue, rajouter 10% de fishmeal comme on le voit souvent à un mix majoritairement à base de céréales ne sert à rien. Les fishmeal ne sont pas instantanés en termes d’attraction. On est dans le conditionnement avec ce type d’appâts. Il en faut un minimum dans un mix pour profiter réellement de leur qualité nutritive. Une fois les carpes conditionnées, il sera difficile de leur faire accepter autre chose.
Même si le loisir pêche ne représente qu’une goutte d’eau à l’échelle mondiale concernant la consommation de farines de poissons, ce qui pourrait poser tout de même une question éthique, il faut se rendre à l’évidence que les fishmeals seront de plus en plus chers du fait de la surexploitation des ressources des océans. Après les protéines de lait, les fishmeals vont atteindre un coût qui sera difficilement supportable pour les fabricants d’appâts. Depuis plusieurs années, ces derniers cherchent des alternatives aux fishmeals. Les recherches se tournent vers les farines de plumes, farines de viandes, levures…D’autres s’orientent vers des mélanges à forte teneur en farines de noix tigrée et d’arachide, tout en étant conscients que rien ne remplacera une bonne composition contenant une bonne part de différentes farines de poissons en termes de fidélisation des carpes sur un amorçage, puisque c’est la grande force de ces farines. Plus les carpes en mangent, plus elles en veulent …
La référence !
Comment écrire un article sur les fishmeals sans évoquer celui qui est encore pour beaucoup, le meilleur fishmeal jamais élaboré, le BFM de Nutrabaits. Composé dans les années 90, il a fait rêver toute une génération de carpistes dont je fais partie. La recette ayant été dévoilée il y a maintenant quelques années, je vous la livre ci-dessous. Ce n’est pas une composition vouée à être utilisée pour de gros amorçages du fait de son prix de revient au-dessus de 7€/kg de mix sec. Je l’utilise pour ma part pour le fun, par nostalgie pour une époque magique à mes yeux et par passion. Et surtout pour sa grande efficacité qui a fait sa réputation. Les carpes l’adorent !!! Les adeptes du « mix de base » semoule, soja, maïs, soit disant indispensable pour rouler de bonnes billes risquent d’être un peu déroutés.
Pour 1 kg de mix sec :
- 500g de mélange de différents fishmeals
- 200g de bird food « Clo »
- 120g de caséine acide
- 20g de poudre de kelp
- 40g de robin red
- 60g de lait pour veau
- 60g de whey protéine
Le pouvoir de diffusion d’un bon fishmeal au fil des heures, sans aucun aditif, seulement la solubilité des farines de poisson. Encore faut-il en mettre plus de 100g/kg…