Je parle d’expérience puisque c’est ce que j’ai fait l’été dernier, pour ne pas mourir idiot, au beau milieu de Belges et de Hollandais. Quand on discute un peu avec eux, c’est d’abord tout bénef d’un point de vue économique. À 300 euros la semaine environ c’est même moins cher qu’une chambre d’hôte avec presque les mêmes commodités : Club house, réfrigérateur, pains de glace, sanitaires, douches, chargeurs de batteries, pain frais et croissants… En plus, on peut pêcher ! L’avantage en été c’est que les privés sont généralement moins bookés, côté pêcheurs. La première raison c’est que pas grand monde ne pêche ; la moitié des travailleurs est en vacances en famille et l’autre bosse. La seconde c’est qu’on a tous plus ou moins pris l’habitude de caler ses sessions de pêche au printemps ou à l’automne. Ce sont en effet les périodes que tout un chacun met en avant en termes de résultats, et pour cause, la majorité ne pêche pas (ou peu) les autres ! C’est comme faire tous ses poissons à la flottante jaune vu qu’on ne pêche pas en dense ou avec une autre couleur. Le paradigme inverse marche aussi.
Pourquoi se faire un privé en juillet ?
Quitte à aller pêcher en famille, en couple ou juste avec un de ses enfants (ou petits-enfants), c’est quand même plus pratique, confort et « sécure » d’aller dans un privé. En général c’est peu coûteux pour les accompagnateurs (50 € la semaine) et souvent même gratuit pour les enfants. Quand j’y étais l’année dernière, un couple de Belges terminait sa session et un hollandais arrivait avec son fils de 9 ans. Pour vous dire qu’il n’y avait pas foule, seuls 4 postes étaient occupés sur un étang de 24 ha ! Je ne sais pas si le mois de juillet dernier était atypique, je veux dire par rapport aux autres mois de juillet, mais très clairement les poissons ont mangé à s’en faire péter le ventre. Jugez plutôt. Le couple de Belges a touché 85 carpes en deux semaines, à 6 cannes, soit près de 6 poissons par jour en moyenne. 22 carpes la première semaine et 63 la seconde ! Il a battu le record du nombre de prises de l’étang toutes saisons confondues, en juillet! Le hollandais qui pêchait en même temps que moi a fait sur une petite semaine (5 J) la session de sa vie avec trente poissons à 3 cannes, dont 6 de plus de vingt et a établi son PB à 25 kg. Contrairement à nos amis du Bénélux, je pêchais l’étang pour la première fois, bien qu’il soit situé à seulement trente minutes de chez moi et sans avoir d’info. Au bout d’une semaine je faisais (presque) pâle figure avec « seulement » 22 poissons. Enfin pareil que le Belge sur sa première semaine, mais moi à 3 cannes (moins en réalité vous verrez par la suite).
Pour expliquer ces rendements auxquels on n’est pas habitué en lac, il faut aussi dire que les étangs privés sont par essence en sur densité (celui-ci contient environ 800 carpes) et que l’été les pêcheurs y sont eux en sous densité. De fait et compte tenu de la surface plus restreinte, la balance penche en faveur des amorçages de ces derniers sur lesquels se fixent les carpes au bout de quelques jours. J’ouvre juste une parenthèse sur ma préférence pour juillet. Si juin a été assez sec l’année dernière, la seconde partie de juillet a été pluvieuse et les cyanobactéries ont commencé à apparaître. Quel rapport me direz-vous ? À l’approche des pluies les agriculteurs épandent de l’engrais dans les champs, pour que les pluies entraînent l’azote dans la terre. Fatalement il y a du ruissellement vers les étangs en contre-bas, ce qui contribue de fait au développement des algues et autres cyanobactéries. Néanmoins celles-ci sont moins développées en début qu’en fin d’été, fin de parenthèse.
Les approches
Le couple de Belge a eu la main lourde, très lourde même ! En quinze jours ils ont passé 300 kg de bouillettes (sic) et je vous passe le contenu de la centaine de boîtes de maïs doux. Avant de revenir sur le fait que ce n’est pas à la portée de tout le monde, prenons les choses par l’autre bout de la lorgnette pour mieux comprendre. Rappelez-vous que les carpes mangent chaque jour l’équivalent de 4 % de leur poids. 300 kg en 15 jours ça fait exactement 20 kg par jour, soit de quoi nourrir 500 kg de carpes (même si beaucoup vous diront qu’on n’est pas là pour les nourrir). Sachant que la biomasse de cet étang s’élève à environ 12 000 kg de carpes (800 carpes à 15 kg de moyenne), la quantité de bouillettes n’est pas si déconnante que cela, vu que le couple était quasi seul sur l’étang durant ces 15 jours (une aubaine !). Une autre façon de voir les choses c’est de dire que 20 kg par jour ça fait environ 3 kg par canne et par jour, j’y reviendrai et vous verrez que ce n’est pas délirant de passer 20 kg par jour quand les 6 cannes déroulent. Bref, nos Belges ne sont pas venus avec 300 kg de billes par hasard, ils savaient ce qu’ils faisaient ! Remarquez quand même l’évolution du nombre de prises entre les deux semaines : 22 la première, le temps que les poissons se fixent sur les billes, et 63 la seconde !
Coïncidence ou pas, le hollandais qui a pris la suite sur le poste limitrophe pêchait avec les mêmes billes que les Belges, même s’il en a passé beaucoup moins (30 kg tout de même). Pour ma part je n’en ai descendu que 20 kg (de toute façon je n’en avais pas emmené plus) soit au final presque autant par canne que le Belge vu que j’ai pris tous pris (21 des 22 poissons) sur une seule et même canne, « contraint » d’adapter mon approche. Pour synthétiser la canne productive a été in fine la seule à être amorcée à la bille (20 kg/7 jours = 3 kg/jour), ce qui fait déjà un billet de 150 € (3x5kg de live system CC Moore achetés, 1x5kg offert).
Les apâts
Sincèrement, je serai bien incapable de vous certifier que pêcher avec telle bouillette plutôt qu’avec telle autre change la donne. On entend souvent dire qu’on n’est pas là pour nourrir les poissons mais pour les prendre. Ce n’est pas faux. Maintenant quand on amorce c’est quand même pour que les poissons y reviennent. Quand on mesure l’évolution du nombre de prises entre les deux semaines (22 puis 63), considérant par ailleurs que le cycle de digestion est plus court en été, il est inéluctable qu’elles n’ont pas craché dessus. À l’ère des bouillettes ready-made dites d’amorçage, à 4 ou 5 euros, le kilo (qui de fait ne peuvent pas contenir un fort taux de farines de poisson de qualité par exemple), je m’interroge sur l’option économique de prendre des billes moitié moins chères pour en mettre deux fois plus… Mais il y a une autre option. Pour en revenir aux Belges ou aux Hollandais (12 heures de route pour venir) c’est clair que les frais annexes (carburant, péage autoroute) sont tels qu’ils ne peuvent pas descendre dans le Sud en dilettante, contrairement à votre serviteur et ses 20 kg de billes. Et puis eux, ce sont leurs vacances de l’année, pas comme le retraité qui vient en voisin. Bref, leur approche a rapporté, mais n’est clairement pas à la portée de toutes les bourses. Je m’en suis donc inspiré en l’adaptant avec mes moyens du moment : 20 kg de bouillettes donc, auxquels j’ai ajouté des particules flakes achetées sur place 35 € le sac de 25 kg! Notez que le prix au kilo est quasiment imbattable. Pour ceux qui ne connaissent pas, ce sont des graines toastées (elles sont sèches et déjà cuites), bien pratiques, puisqu’il suffit de les mouiller plus ou moins pour amorcer. Je mets 4 mesures d’eau pour 8 mesures de graines, ce qui permet avec 25 kg de particules sèches d’avoir « à la louche » 50 kg d’amorce, une fois mouillées et gonflées ce qui prend quelques minutes. Nota bene : le pisciculteur complémente l’alimentation de ses carpes exclusivement avec ces mêmes particules flakes, distribuées sèches.
Ma stratégie
Ne connaissant pas l’étang, je me suis laissé 3 jours pour chercher et valider les spots. Comme déjà dit je n’en ai trouvé qu’un seul vraiment chaud où je ferai finalement près de 100 % de mes poissons. J’ai démarré en amorçant moyennement lourd les 3 spots pêchés, avec des particules flakes additionnées de peu de billes et en pêchant dessus à la flottante. Ça a été un peu long à démarrer et encore sur un seul spot, bien que j’en aie cherché d’autres sur près de 3 ha. J’ai donc tout misé sur le seul spot productif en passant ensuite sur un amorçage à la bille pure (3 kg/jour, comme notre Belge) et j’ai fini par tourner les derniers jours à 5/6 poissons par 24 heures 3 kg de billes pour 5/6 poissons ça fait 500 g par touche, de quoi continuer à entretenir un peu la zone. Sur la fin, il me restait tellement peu de billes que j’ai ressorti le fil soluble pour faire des stringers de 4 ou 5 bouillettes. Par carence, j’ai continué à amorcer les autres cannes uniquement avec des particules pour tenter de marquer les spots. Je ne doute pas un instant que les gardons puis les carpes y soient venus, mais concrètement elles semblent s’être complètement désintéressées de mon esche. J’ai évidemment essayé de mettre une seconde canne près du hot spot, en vain, c’était toujours la même qui démarrait. J’ai donc réellement tout misé sur une seule canne et j’ai un peu délaissé les autres. De même je n’ai eu que deux touches de nuit, y compris sur le hot spot. Difficile de dire pourquoi. Les carpes avaient deux périodes d’activité, me tirant du duvet tôt le matin, puis reprenant le soir vers 19 heures, jusqu’à la tombée de la nuit. Finalement ce n’était pas plus mal ainsi, d’autant que j’étais seul pour faire les photos de nuit, l’utilisation du sac étant interdit. Je m’en suis servi pour monter les poissons dans le zod, en le glissant sous le poisson déjà dans l’épuisette, et de jour le temps de préparer l’appareil photo.
La technique
Bien souvent, qui dit privé dit (dans la tête des pêcheurs) montages alambiqués, fil détendu, le scion dans l’eau, les manivelles repliées, pêche à la frappe en toute discrétion, bref tout un tas de clichés au sens propre comme figuré… À vrai dire, j’ai fait comme en lac et j’y suis même allé un peu à l’arrache vu que je revenais de vacances avec mon épouse le vendredi pour repartir en session le samedi. J’ai chargé mon zod, mon fourreau de cannes 10 pieds équipées de mes vieux Shimano 8010 aéro GT garnis de nylon (la tresse est interdite), les mêmes que j’utilise pour traquer les carpettes de la rivière d’en bas de chez moi. J’ai d’ailleurs laissé les mêmes montages, conformes au règlement: spinners rigs avec des hameçons à micro-ardillon, plomb in-line avec âme en silicone permettant de rentrer en force l’émerillon coté bas de ligne et tube anti-emmêleur tungstène de l’autre, et inversement de les perdre en cas de casse. Pour le reste j’ai pêché comme d’hab : sondage, marqueur, dépose et combat en bateau… À ce sujet et pour l’anecdote, j’ai voulu combattre du bord, de nuit, le premier poisson que j’ai décroché en laissant du mou pour passer sous les cannes. Ça ne pardonne pas avec des hameçons sans ardillon, qui plus est avec des pointes droites. Je n’en ai perdu aucun autre par la suite et quel bonheur pour décrocher les poissons, quand ils ne se décrochaient pas tout seuls dans l’épuisette avec les mouvements de bouche. Comme il y avait beaucoup de vent et que j’étais seul en bateau, je vous livre une astuce pour tout mener à bien et quelque part optimiser le rendement. J’utilise un poids de 10 kg qui me sert d’une part à amarrer le zod en bordure, que j’embarque à la touche pour aller au-dessus du poisson un peu en amont du spot (sous le vent). Je descends alors le poids qui stabilise l’embarcation (il faut juste avoir assez long de corde), je n’ai plus qu’à gérer le combat depuis le bateau, sans moteur. Autre astuce : j’emmène un sling (le seul que j’ai d’ailleurs), que je glisse sous l’épuisette une fois le poisson dedans et les bras de l’épuisette déboîtés, pour embarquer plus facilement le fish (moulinet débrayé et fil détendu pour ne pas tirer sur la bouche du poisson). Je prends aussi un bas de ligne de rechange (esché) et de quoi amorcer, pour redéposer rapidement une fois le poisson décroché avant de revenir sur ma berge. Cela permet parfois de doubler rapidement les touches (en présence d’un banc de poissons) et d’économiser ainsi la batterie, vu que vous gagnez un aller et retour.
Un privé, mais pas n'importe lequel
C’est presque bizarre. Je m’attendais à prendre des poissons abîmés, la gueule défoncée, les caudales coupées… Eh bien non, j’ai observé peu de séquelles compte tenu de la pression de pêche qu’on peut imaginer. En regardant bien on peut apercevoir que quelques pectorales sont ressoudées. Ce sont les plus exposées et il n’est pas inutile de rappeler qu’il faut bien vérifier leur position avant de soulever un poisson. Même les poissons connus pour être à forte « capturabilité » (les goulues et autres…) sont nickels. Si les poissons sont en bonne santé, outre l’attention apportée par les pêcheurs, c’est peut-être aussi parce que cet étang est fermé à la pêche l’hiver, de décembre à mars inclus. Je ne sais pas si c’est une pratique très répandue dans toutes les pêcheries commerciales, en tout cas ça permet aux poissons de se refaire la cerise et de guérir les inévitables petits bobos. Enfin le monde de la carpe est petit, avec un peu de jugeotte il est assez facile pour ceux qui cherchent à pratiquer leur loisir de façon « responsable » de connaître la réputation des gestionnaires ou de comprendre leur mode de fonctionnement, de savoir qui aime recevoir et qui prend soin de ses poissons plutôt que de chercher à faire de l’argent à tout prix (un critère pour en juger pourrait être le nombre d’hectares/poste) puisqu’évidemment ça reste un business, comme d’avoir des chambres d’hôtes par exemple.
Moralité
Je ne sais pas s’il y a une morale, tout au plus quelques enseignements à en tirer. Économiquement mon approche, même si elle l’a été un peu par défaut, reste accessible pour beaucoup au moins une fois par an, en tout cas plus que celle à 150 kg de bille la semaine. Je regrette tout de même de ne pas avoir eu au moins 50 kg de billes avec moi cette semaine-là. Si j’avais pu alimenter et faire dérouler les 2 autres cannes au rythme de la première je me serais littéralement gavé. C’est aussi là qu’on se dit que c’est matériellement appréciable d’être sponso. Or le mieux est aussi l’ennemi du bien. Au moins ainsi je ne pense pas être hors-sol vis-à-vis de la majorité de mon lectorat, et puis je me suis régalé. Il ne tient qu’à vous d’essayer.
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