Bonjour, peux-tu te présenter aux lecteurs de Média Carpe pour ceux qui ne te connaissent pas encore ?
Bonjour à tous, pour la petite présentation, Guillaume Vial, j’ai 44 ans. Je suis le fondateur et le gérant de la société DS qui commercialise les produits et notamment les appâts : Déesse Fish Différent. Je suis passionné de pêche depuis mon plus jeune âge, truite, brochet, pêche au coup… je suis passé par toutes les pêches et évidemment la pêche des carpes depuis l’âge de 10 ans. Père de deux garçons âgés de 8 et 11 ans, qui prennent beaucoup de place dans ma vie, je suis également passionné de sport.
Pourquoi pêches-tu la carpe, depuis quand et comment cela a-t-il commencé ?
La pêche en général m’a toujours fasciné. J’ai pris « la foudre » du carpfishing très tôt en 1989 de mémoire, courant l’été où j’allais passer un bout de vacances chez les parents de mon plus vieil ami, dont la maison se situait au bord d’un lac alpin. J’ai eu l’occasion, la chance de prendre un modeste poisson de 5 kg-10 kg, qui représentait un monstre pour les gamins d’une dizaine d’années que nous étions. Cette première capture a changé ma vie de pêcheur, avec 35 ans de recul, je peux dire à présent que ce poisson a simplement donné une tournure à ma vie, autour de la pêche, des poissons, de la nature et évidemment des carpes.
Pourquoi pratiques-tu la pêche ?
Très bonne question. Je pêche avant tout car j’aime la nature, j’aime être à son contact, auprès d’elle, partager un moment à ses côtés, finalement être en harmonie avec elle. L’eau étant mon deuxième élément, je marie parfaitement les deux ensembles. Prendre des poissons en général me fascine, que ce soient des gardons, des truites, des brochets ou des carpes… Plus jeune, j’ai pratiqué toutes les pêches, car j’aime la pêche avant tout, même si la pêche des carpes a été un tournant dans ma vie de passionné.
As-tu eu une source d’inspiration, un modèle ?
Ma source d’inspiration plus jeune, mon modèle à l’époque de mes 15 ans, était un dénommé Robin, rencontré sur un « alpin » en 1995. Une rencontre qui a littéralement bouleversé ma vie de pêcheur, ma vision de la pêche, la compréhension / réflexion autour de ce poisson. Il m’a guidé, orienté et fasciné dans la manière qu’il pratiquait la pêche des carpes. C’était certes une passion pour nous deux, mais j’ai rapidement découvert que pour lui c’était un mode de vie. Il travaillait en imprimerie la journée, pêchait les soirs de semaine, les week-ends et les vacances évidemment, à l’époque c’était beaucoup moins courant qu’actuellement. Une passion si forte qu’il avait totalement voué sa vie pour elle, tout était axé autour d’elle. En sachant que mon objectif de vie plus jeune qui était de devenir basketteur pro s’éloignait petit à petit, cette rencontre extraordinaire avec Robin a été un tournant. J’ai ainsi, à mon tour, complètement voué ma vie au carpfishing, en pêchant de 1999 à 2012, 6 mois par an. Malheureusement Robin est décédé beaucoup trop jeune en 1998.
Passionné de sport, la pêche te prend de plus en plus de temps, comment as-tu géré les deux pendant des années ?
Il est vrai que je suis très passionné de sport depuis ma plus tendre enfance, au point d’avoir voulu en faire mon métier plus jeune. C’est aussi cet échec qui m’a poussé en 1999 à vouloir vivre pleinement pour la pêche. J’ai bien dit vivre « pour » la pêche, et non vivre « de » la pêche… En 2012, c’est aussi cet échec de carrière sportive, qui a fait naître en moi le projet de préparer un triathlon format Ironman avec l’ambition d’être finisher. En réalité, la gestion des deux est très simple : durant mes 6 mois d’intérim j’avais une bonne pratique du sport, lors des 6 mois qui suivaient au bord de l’eau c’était presque le néant… un peu de sport entre les sessions, un peu de natation au bord de l’eau quand les températures étaient adéquates… Bref, quand tu passes des années à pêcher énormément, en tout cas en ce qui me concerne, je dois dire que je rentrais « empâté » et à court de forme physique.
Rapidement les grands espaces t’attirent, te souviens-tu du déclic ?
Qu’est ce qui t’a poussé à franchir le pas ? Mon amour pour les grands espaces est naturel, il est dans mes veines, c’est mon ADN… Il coule de source car j’ai eu la chance, le bonheur de prendre ma première carpe à l’âge de 10 ans sur un lac alpin lors des vacances estivales que je passai chez les parents de mon meilleur ami. À travers cette capture, puis d’autres, et toutes les vacances passées au bord de ce lac, cette attirance, cet amour pour les grands espaces est naturellement né en moi… Je me répète mais c’est mon ADN de pêcheur ! L’eau reste de l’eau, une carpe reste une carpe, néanmoins la quête des grands espaces, l’aventure, l’évasion, l’adrénaline qui en découlent sont à mon sens uniques. Cependant, chacun trouve midi à sa porte et prend son plaisir là où il veut. Cela ne reste que ma vision de la pêche, et la finalité pour tous c’est de prendre du plaisir. à l’époque, le « circuit » est petit, beaucoup de pionniers foulaient les mêmes berges, les légendes sont légion…
Pourquoi cette ambiance était-elle si particulière ?
On dit souvent pour pleins de choses que « c’était mieux avant »… Disons plutôt que c’était complètement différent. Pas de réseaux sociaux polluant la passion, l’esprit général était sous le signe du « pionnering », de l›échange, du partage, de la compréhension d›un ou des milieux aquatiques que l’on pratiquait… Bref, on avait moins de recul, moins d’expérience, moins de moyens et il y avait beaucoup de choses à comprendre et à découvrir… Il y avait différents magazines papier à l’époque, quelques forums internet, autrement tout le reste se passait au bord de l’eau, sur le terrain… la base ! Pour conclure sur cette époque, je dirais tout simplement que c’était plus passionnant, plus vibrant… Dans les années 90, partir à la pêche était synonyme de « déconnexion » avec la société.
Que penses-tu de l’influence des réseaux sociaux aujourd’hui ?
Peut-on réellement, comparer ces deux époques ? Très bonne question également. À l’époque, quand je partais un mois ou plus, je n’avais qu’un « Nokia » comme téléphone, et un petit poste radio afin d’avoir quelques infos du monde. Lors de mes premières grandes sessions hivernales, fin des années 90, début 2000, je n’avais même pas de chauffage… Ce que j’aimais par-dessus tout à cette époque, c’est que l’on vivait au rythme de la nature, concentré sur notre élément, sur notre pêche et uniquement cela, sans être parasité par un smartphone, les réseaux sociaux ou autres. C’était à mes yeux plus « saint », plus « passionnant », plus « enivrant », plus « magique »… Cela me rappelle de nombreuses discussions avec Soël Briche, où l’on se disait que lorsque l’on attaque une nouvelle flotte on ne voulait aucune information, rien, afin de se faire sa propre histoire, sa propre aventure, et vivre ses propres émotions. Le tout fait, le servi sur un plat ne m’intéresse pas.
Petit à petit tu rentres dans le cercle fermé des « spécimens hunters » français. Sur le papier ça semble dingue, mais en réalité, qu’est-ce que cela signifiait ?
Disons qu’à l’époque il y avait beaucoup moins de gros poissons qu’actuellement. Certaines eaux étaient réputées pour cela, d’autres restaient à découvrir et beaucoup de flottes avaient une moyenne banale. Le temps passant, le réchauffement climatique, le développement de la nourriture naturelle et l’apport en nourriture exogène (bouillette, pellet…) a favorisé grandement la croissance des cheptels de nos eaux en France. Être un « spécimen hunter à l’époque signifiait que l’on avait pris un certain nombre de gros poissons, que l’on aimait la traque des gros sujets, que notre pêche était axée, orientée sur la capture des grosses carpes. À l’époque, on parlait plutôt en 25 kg+, alors qu’aujourd’hui c’est 30 kg+ directement et même davantage… J’ai toujours apporté une grande importance à la « qualité » des poissons et surtout des grands poissons que j’avais pour projet de rencontrer. Pour être plus précis, les poissons de cirque, même public, ne m’intéressent pas. Les poissons inconnus, provenant des grands espaces et eaux courantes m’ont toujours attiré, le côté mystique, sauvage, l’évasion est ma ligne de conduite depuis toujours. Même si j’ai beaucoup pêché le lac de St Cassien de 1999 à 2012, à courir après des poissons connus, ma philosophie de pêcheur est principalement axée autour de l’aventure et de l’inconnu. Le lac de St Cassien a été une histoire d’amour intense pour un ensemble de raisons, bien que certains critères me dérangeaient au plus haut point… Pression de pêche, poissons abîmés… Un amour de jeunesse !
Un peu avant les années 2000 tu rencontres un certain David Sutto, quelles sont les circonstances de cette rencontre et qu’est-ce qu’il va en découler ?
Novembre 2000, je suis en session pour 8 semaines sur le mythique lac de Cassien. Durant ces grandes sessions, on croise, on rencontre toujours un peu de monde au bord de l’eau, notamment à St Cassien. Une rencontre humaine, d’ultra-passionnés de la même tranche d’âge, mais surtout une entente niveau pêche sur beaucoup de points. Il en découlera 4-5 années de pêches intensives ensemble, en grand lac et rivière, de super moments, des souvenirs à jamais gravés… C’était l’insouciance cette période, un mode de vie dédié au carpfishing ! De cette amitié née au bord de l’eau naîtra d’une grosse réflexion en vue de la création d’une boîte et du lancement d’une marque en 2008. Encore une sacrée aventure !
Vous rentrez chez une des plus grosses boîtes de l’époque, ça dure quelque temps mais un scandale éclate et vous partez tous les deux sans sommation, qu’est ce qui se passe dans ta tête à ce moment-là ?
En fait, pour être clair, net et précis, nous sommes restés plus ou moins 2 ans dans cette firme, 2002 et 2003 essentiellement. Nous étions couverts de matériels et d’appâts à l’époque, chose qui ne se pratique plus actuellement. Lorsque tu passes énormément de temps au bord de l’eau, il va de soi que c’est une aide considérable afin d’évoluer confortablement dans nos aventures halieutiques. Néanmoins, suite au scandale de transferts de poissons et de « privé » crapuleux qui éclate, nous quittons la marque effectivement sans sommation. La pêche est une passion très forte, elle a été un mode de vie durant une dizaine d’années, elle est toujours une manière de vivre, en étant au contact de la nature, de l’eau, de s’extasier de petites choses simples, d’être émerveillé par dame nature. Avoir des valeurs de vie, des valeurs de pêche est propre à chacun, pour ma part il était inconcevable de rester même dans la plus grande des marques, avec tout le matériel du monde à ses pieds… Les valeurs sont importantes dans la vie, on ne les transgresse pas pour de l’argent ou autre… Enfin c’est ma vision des choses, ce n’est pas le cas de tout le monde…
2008 est le début d’une nouvelle aventure avec la création de la société DS. Tu t’étais préparé à cette nouvelle vie ou l’improvisation fut le maître d’œuvre ?
Effectivement une sacrée aventure. Lorsque l’on crée une boîte, on se prépare forcément à du changement, à de nouvelles choses. On découvre beaucoup de choses, d’aspects du travail auxquels on n’est pas préparé, à partir de là il y a une petite part d’improvisation. Après les choses se passent naturellement, tu apprends sur le terrain, de ta réussite ou tes échecs, on te conseille, te guide… Bref il faut avancer, dans les durs comme dans les bons moments. Le vrai bouleversement de ma vie, de mon mode de vie qui était la pêche avant tout, c’est la naissance de mon premier fils en 2012 et du deuxième en 2015.
Le public est rapidement séduit par les produits et un avenir prometteur se dessine. Pensais-tu à ce moment-là que 15 ans plus tard tu roulerais encore des bouillettes ?
Lorsque l’on monte une boîte, on n’envisage pas l’échec ou autrement il ne faut pas franchir le pas. Il faut être ambitieux, déterminé, avec une certaine abnégation car les premières années sont toujours difficiles. Je me refusais à l’échec, donc oui je me projetais sur du long terme, même si intérieurement je pensais que je n’aurai plus besoin de mettre la main « à la pâte ». Mais ça, c’est un autre débat.
En tant que pêcheur de carpe, qu’est-ce que ça change concrètement d’avoir un labo et la possibilité d’être « no limit » en appâts ?
Cela offre du confort de roulage, de production, c’est moins la corvée que le roulage « maison » de l’époque. Pour le côté « no limit », il faut juste savoir que ce que je ne paye pas de ma poche droite, je le paye de ma poche gauche. Oui cela apporte des facilités dans la pêche, sur le côté tactique, stratégique, d’essayer également des choses sur le terrain… Mais cela ne fait pas tout, et surtout les appâts ne tombent pas du ciel. Ce n’est pas un « Qatarien » qui me les donne, ma pseudo-gratuité je l’obtiens à la force du poignet.
Comme beaucoup le savent, mélanger travail et passion est une association risquée, quel est ton recul aujourd’hui là-dessus ?
Je vais être très franc, assez direct, sans prendre de gants. Au début c’est marrant, surtout quand tu as multiplié les jobs d’usine durant 10 années auparavant, et que tu travailles dans l’univers de ta passion. De plus c’est nouveau, c’est ton « bébé » et tu mets tout le cœur à l’ouvrage. Sur la durée, et après 16 années de métier, personnellement j’en paie les pots cassés, car ma motivation pour la pêche n’est plus la même. Cela ne m’empêche pas d’être toujours aussi passionné, cependant tu te lasses de l’environnement dans lequel tu évolues 24h sur 24h… Le boulot c’est la pêche, la pêche c’est le boulot… C’est un cercle vicieux que je n’aurais jamais pensé vivre, alors que je suis dedans depuis plusieurs années, et pour ne rien te cacher je ne le vis pas bien du tout. Mais ça, c’est à moi d’y remédier !
En 2024 te reste il des rêves en tant que pêcheur de carpe ?
Il serait prétentieux de dire qu’il ne me reste plus de rêves à vivre, même si j’ai beaucoup donné dans ma passion, que j’ai atteint différents objectifs que je m’étais fixés à une certaine époque. Il reste tant de choses à faire, en France ou à l’étranger, tant de choses à découvrir, à vivre pour mon accomplissement personnel. Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir… qui vivra verra ! Ne surtout pas oublier, que la pêche c’est le plaisir, prendre son pied, de l’adrénaline en barre.
Une petite anecdote croustillante pour finir cet ITW ?
Tu veux rire ? Alors qu’aujourd’hui l’ère du smartphone bat son plein, à l’époque nous partions avec peu de choses qui nous raccrochaient au monde, en réalité, c’était la déconnexion totale. Moi mon truc, c’était le poste radio, les émissions musicales « Fun radio », « Skyrock », celles sur le sport évidemment sur RMC, dont le Moscato show qui venait juste de voir le jour, et d’autres sur cette même antenne de radio. Mais l’émission « reine » qui animait mon biwi durant quelques années fut « Lahaie, l’Amour et Vous », animé par une ancienne actrice de X de l’époque… Brigitte Lahaie pour les anciens… Qu’est-ce que l’on se fendait la poire à l’écoute de cette émission de 14h à 16h avec des histoires invraisemblables, un rendez-vous incontournable à l’heure de la sieste !