1. En amont
Pour ma part, je vérifie 3 applications quasi systématiquement. Premièrement, Météociel, non pas pour déceler la variation dépressionnaire qui va me rapporter la grosse commune du lac qui ne s’alimente qu’à 998 hPa exactement, mais plutôt pour éventualiser la sauce à laquelle le ciel capricieux va me manger. Ensuite, Niv’eau ; là encore, l’accès aux mises à l’eau m’importe peu car, tel un marcassin dans sa bauge, le pêcheur en barrages, accompagné de ses fidèles waders, ne craint pas de se mêler à la boue pour mettre à l’eau son embarcation de fortune, qu’il peut porter sur son dos, non sans difficulté. Cette seconde application permet plutôt d’anticiper le marnage, ou du moins de s’en faire une idée indicative, tel un investisseur en bourse. Dans un troisième temps, je checke Chart Viewer, un onglet gratuit et approximatif (tout se paye aujourd’hui) de Navionics, qui a tout de même l’avantage de dégrossir à quelques mètres près les profondeurs du secteur convoité. À la mise à l’eau, je prends le soin d’enregistrer ces informations car, à défaut de disposer d’un bon réseau téléphonique durant ma partie de pêche, j’aurai les données essentielles les plus fraîches à ma portée.
2. S'équiper avec fiabilité
Sur le marché de la carpe, on trouve de nombreux dérivés d’un même type de matériel, avec de nombreuses caractéristiques, plus prometteuses les unes que les autres. On associe souvent, à raison, l’équipement du pêcheur en barrages aux termes « robuste » ou « fiable ». Il serait dommage de se rebuter à pratiquer couramment ce style de pêche en raison d’un matériel inapproprié. Le budget serré peut alors être une contrainte. Il est ainsi recommandé de prioriser ses achats, pour assurer en premier la sécurité, puis, et seulement après avoir assuré ce premier point, le confort. Concrètement, un bon zodiac avant de bons détecteurs. Cela semble aller à l’encontre des us et coutumes, mais se plonger dans la hype n’a jamais fait dérouler plus vos bobines et risque même d’avoir l’effet de casser vos œillets de chaussures montantes. Pour reprendre la comparaison, je préfère naviguer sur des eaux tumultueuses en toute sérénité quitte à ne pas pouvoir changer la couleur de diode de mon alarme. Poser pour la première fois les pieds dans un barrage peut sembler intimidant, déconcertant car les grandes profondeurs et les berges pentues ne sont pas que des mythes, et c’est aussi pour cette raison que le gilet de sauvetage est bien mieux sur les épaules qu’au fond de la voiture.
3. Pêcher à plusieurs
Outre le partage de bons moments, la pêche à deux a un aspect sécuritaire très important en barrages. Un imprévu sera géré de la façon la plus rationnelle. Un scénario catastrophe à gérer seul peut rimer avec calvaire alors qu’il s’apparenterait à une bonne rigolade après coup s’il est partagé. Cela permet de dédramatiser tout en assurant le bon déroulement de la suite des évènements. Le soutien, le dialogue, le réconfort, le raisonnement sont d’autres avantages de la pêche en binôme. De plus, un point d’honneur est porté ici à l’efficacité du repérage. Si l’on considère que pêcher à deux ne veut pas obligatoirement dire pêcher sur le même poste, on multiplie alors les chances de trouver un secteur productif, pour ensuite s’y retrouver à deux et, pourquoi pas, y réaliser un carton… partagé. De plus, certaines situations, comme l’intendance en bateau, peuvent s’avérer dangereuses lors de sessions solo. À vous alors de juger le risque et de rester prudent. Mais il y a aussi un second bénéfice à pêcher à deux (ou à plusieurs). En effet, lier ses idées à une autre « boîte en os » accentue la fiabilité de l’action qui en découle. Nos pensées limitantes nous précipitent parfois dans la simplicité et le « j’ai toujours fait de cette manière, pourquoi cela ne marcherait pas aujourd’hui ». À méditer.
4. Être prêt à toute épreuve
Une météo capricieuse, une brusque montée du niveau d’eau, un moteur qui ne veut plus démarrer… Voici une liste d’évènements inopinés qui peuvent porter atteinte au bon déroulé de votre session et pire, à votre sécurité. Ainsi, n’ayez pas peur de vous « encombrer » avec un kit comprenant des rustines, une couverture de survie, une petite boîte à outils. En effet, nous n’espérons jamais avoir recours à ce genre d’éléments, qui perdent leur statut d’accessoires pour devenir des indispensables en cas de pépin. Mais, l’anticipation doit impérativement vous accompagner en lacs de barrage. Évidemment, le jour viendra où le pépin en question ne pourra être comblé par le contenu de votre boîte d’assistance, c’est à ce moment-là que l’imprévu frappe. Alors, le civisme rentre en jeu. Même dans un endroit reculé, vous croiserez sûrement Jérôme ou Guillaume (après tout, peu importe son prénom), sur son bassboat. Il vous suffira de faire de grands signes et, après lui avoir offert une boisson et un encas, la solution viendra à vous. Une fois de plus, la frayeur de l’instant deviendra un bon souvenir à raconter plus tard lors d’un repas de famille.
5. Thermocline et profondeurs
S’il est un paramètre non négligeable, c’est bien celui qui se cache derrière le nom barbare de « métalimnion », plus communément appelé thermocline. Cette zone de transition entre deux masses d’eau différenciables par leurs températures et leurs taux d’oxygène peut faire changer votre façon d’aborder les grands espaces de manière drastique. Bien que de nombreux échosondeurs actuels affichent sans trop de difficulté cette zone de transition, il semble judicieux de coupler cette information avec une seconde, souvent facile à percevoir: les bancs de fourrage. Ces derniers vont chercher la thermocline pour une raison simple : l’eau y est plus fraîche que celle en surface et reste pour autant bien oxygénée. Partant de ce constat, et en suivant la logique induite chez le carpiste moderne, il suffit de trouver un spot où la profondeur est égale à la profondeur de la thermocline, de se poser dans son bedchair, d’entamer les plaisirs d’avant-repas et d’attendre sagement que le piège inévitable se referme sur l’objet de notre désir. En effet, cela semble cohérent. Mais n’oublions pas que les grands lacs présentent leurs lots de paramètres interférents sur cette simple « thermocline », et qu’on a beau pêcher à la profondeur que l’écran tactile nous indique, parfois, on fait fausse route. Car si la profondeur semble être un paramètre capital, le secteur choisi n’est peut-être pas celui de prédilection des poissons au moment où vous y trempez vos montages. Ce qu’il faut prendre en compte ici aussi, c’est que la thermocline n’a pas l’aspect d’une masse d’eau à épaisseur constante, elle varie selon la saison et est parfois indécelable. En hiver, son changement de fonctionnement la rend moins perceptible mais pas moins intéressante pour autant. Ainsi, n’hésitez pas à varier vos profondeurs de plus ou moins deux mètres autour de cette valeur chiffrée pour ainsi affiner la zone d’alimentation la plus propice sur ce secteur donné.
6. Conservation ou préparation
Ce point, aussi technique semble-t-il, à tout de même sa place ici car la sécurité, au-delà de celle du pêcheur, doit aussi être assurée pour nos belles dames. Ainsi, comme stipulé dans l’article de loi concernant la pêche de nuit, « aucune carpe capturée ne peut être maintenue en captivité ou transportée pendant les heures de nuit ». Cet article pourrait s’étendre aux heures de journée sans trop d’incohérence quand on connaît les méfaits de la rétention au sac. Des nuances sont à apporter à ce type de pratique. En réalité, j’ai toujours un sac coulant dans mes affaires. La raison est simple : je préfère placer le poisson au sac quelques minutes après sa mise à l’épuisette. Les réglages de l’appareil photo, l’humidification du tapis, la remise en ordre de la tête de ligne serpentant sur le sol, enroulant au passage le filet de l’épuisette sont autant de prérequis qui me poussent à laisser le poisson au sac pendant cette préparation. Cela permet d’éviter tout affolement ou autre erreur de manipulation liés au pic d’adrénaline. C’est aussi le bon moyen de redescendre en pression après un moment à forte intensité cardiaque et d’aborder les photographies de façon plis pracide.
7. Débranche !
Pour peu que le réseau le permette, le cellulaire aura un aspect très secondaire une fois installé sur les cailloux d’une flotte que vous avez tout d’abord envisagée, puis rêvée, puis découverte. Cette philosophie est répétable sans limite de stocks disponibles. Autrement dit, même au bout de la centième expédition sur un lieu, le téléphone sert uniquement à joindre les proches car trop de belles choses nous entourent pour faire ce que nous pourrions faire à la maison. La passion des grands espaces ne se résume pas à la prise d’un individu portant les stigmates d’un biotope sauvage. Elle n’en est même pas l’aboutissement, juste le signe que vous refoulerez certainement ces mêmes berges, désormais associées à un souvenir gravé. La passion naît d’un ensemble, de l’instant où vous envisagez de pêcher ce lieu, à la douche bien méritée d’après voyage, en passant par les nombreuses intempéries qui sont venues renforcer votre âme d’aventurier. Débrancher, c’est aussi reprendre contact avec une sensation surannée ; la connexion à la nature. Gardez en tête que la magie vous effleure à chaque instant, dans un décor encaissé, où seul le vent frais vient vous glacer l’encolure, où seul le bruit d’un éboulement de pierres, causé par le chevreuil, vient interpeller votre oreille, où seul le feu dans la nuit noire accroît votre soif de découverte, où seul l’espoir de croiser le regard d’un poisson jusqu’ici caché dans les profondeurs inexplorées vous traverse l’esprit. Il n’y a pas que le mucus qui vous donnera l’envie de revenir, il y a le sens que prend votre passion quand vous réalisez que le simple hululement du grand-duc suffit à vous convaincre. Profitez donc de chaque instant !
8. Faîtes paire avec l'anticipation
Par expérience, l’imprévision annihile le lâcher prise, car vous n’aurez que faire du panorama qui s’offre à vous si tous les points d’intendance ne sont pas minutieusement préparés. Anticiper jusqu’à la moindre faille sans en devenir parano, c’est la fine ligne qu’il faut suivre. J’en conviens, trop anticiper gâche le goût de la découverte, telle une agence de voyages qui vous annonce pas à pas le déroulé de votre semaine de vacances. Il faut de l’imprévu, certes, mais c’est votre préparation accrue qui vous permettra de le savourer. Concrètement, au petit matin d’une nuit sans touche, l’amer café encore en bouche, vous vient l’envie de trouver une zone plus opportune. À cet instant, votre anticipation vous a conduit en amont à remplir votre jerrican d’essence, et il est ainsi envisageable de bifurquer des plans principaux pour apprivoiser le spontané. Vous l’aurez sans doute compris, ça, c’est ce que l’on appelle dans les bouquins, la liberté. Et croyez-moi, on peut rêver de sa définition, mais la vivre vous change à jamais.
9. Restez mobile
Lorsque les grands espaces s’offrent à vous, il faut les exploiter. Ces lieux sont propices à avoir l’âme vagabonde et, lorsque cela est bien réfléchi, il peut s’avérer bon de se déplacer. Mais cet esprit nomade peut être expérimenté lorsque le chargement n’altère pas l’émancipation. Il y a somme toute une liste – à laquelle on ne peut déroger – faite d’éléments cités précédemment concernant la sécurité (j’y attache une grande importance, vous l’aurez compris) ou encore le soin du poisson, et, pour certains comme moi, un peu de place pour du matériel servant à ramener à la maison des fragments d’instants dont je suis friand. Avoir avec soi sa scie, à des fins raisonnées bien sûr, son barbecue ou encore, comme certains amis – qui se reconnaîtront –, leur grande marmite de druide, montre ici que l’on touche les limites de la légèreté au profit de longues veillées éclairées par la chaleur d’un foyer. Et c’est aussi une façon intéressante d’appréhender cette pêche. Car, devant de vastes étendues d’eau, au cheptel parfois insoupçonné, vivre… c’est également rêver. À vous alors de trouver l’équilibre entre confort et prise de risque et de faire en sorte que le contenu de votre bateau corresponde à votre projet d’évasion personnel.
10. Les meilleures expériences seront les vôtres
On a tendance, lorsque l’on aborde des grands lacs, à chercher des informations qui pourraient nous aiguiller pour orienter notre approche vers la voie de la réussite. Mais les seules convictions de réussite sont celles que nous nous faisons sur le terrain. Je ne dis pas qu’il faut réfuter l’intégralité des témoignages recueillis, qu’ils soient manuscrits ou oraux, mais il peut être intéressant de faire table rase et de reconstruire un raisonnement personnel en intégralité. Premièrement pour la raison suivante (qui peut être vérifiée systématiquement): les paramètres physiques et environnementaux, en perpétuelle évolution, viendront décrédibiliser les façons de procéder antérieures, même lorsque les conditions climatiques semblent similaires. Dans un second temps, et partant du postulat que l’apprentissage construit l’expérience, vous allez apprendre à créer des automatismes. Puisque vous ne vous fiez plus à l’expérience des autres, vous progressez grâce à vos actes. En d’autres termes, se baser sur son ressenti, corrélé aux paramètres du moment sera plus efficace. De ce fait, restez convaincu de votre approche et de vos choix, car c’est avec conviction que l’on approfondit nos décisions. Restez ouverts et attentifs aux éléments.