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A chaque eau son spécimen

Specimen, voilà une appellation qui vaut son pesant de cahuètes dans le microcosme des pêcheurs de carpe et pourtant ce mot usurpé aux anglais [lorsqu’il n’a pas d’accent] n’a, par définition, rien à voir avec une notion de poids initialement

Étymologie, traduction et cafouillage :

D’origine latine, le mot spécimen définit un objet ou un individu qui représente son espèce. Très loin du haut de la pyramide, le spécimen n’est donc, ni plus ni moins, qu’un échantillon. Néanmoins, si l'on jette un œil à la traduction de ce mot dans les différentes langues du monde, il est assez facile de noter que la phonétique du mot monster revient régulièrement. Le pont est alors perceptible, on associe le mot gros au mot monstre, un spécimen pourrait donc être un monstre et donc être gros. Dans le registre des hypothèses sur l’origine de cette appellation, je préfère celle qui parle de commodité de langage visant à raccourcir le qualificatif spécimen rare en spécimen tout court. Quoi qu’il en soit, pour la plupart des carpistes, un spécimen est considéré comme un gros poisson, un specimen hunter est donc un traqueur de gros poissons et le specimen hunting est la pratique de cette quête exclusive. Mais ce raccourci, bien que profondément ancré dans la tête de beaucoup, est-il juste ? Un spécimen doit-il forcément être un gros poisson, et qu’en est-il alors du poids à atteindre pour être rangé dans cette catégorie ?

Historique :

Dès la fin des années 80 certains pêcheurs se sont démarqués des autres par leurs capacités à capturer des poissons plus gros que la moyenne et plus souvent que les copains. Certains d’entre eux s’intéressaient tellement à ces poissons hors norme qu’ils commencèrent à les traquer en dehors de leurs zones de confort. L’espoir de capturer ces monstres d’eau douce leur faisait repousser leurs limites jusqu’à parfois essayer de prendre tous les gros poissons possible, connus ou moins connus… Le specimen hunting était né ! En France, dans les années 90 les poissons de plus de 20kg étaient considérés comme de véritables spécimens alors que ceux entre 10 et 15 kg avaient une étiquette plus classique. Pourtant non loin de là, dans le pays d’origine de ce nouveau mode de pêche, la limite de poids pour considérer un spécimen était plus basse et la barre des 30 livres était une barre solide, pas si facile que cela à franchir. 30 livres ne correspondent pourtant qu’à 13,6kg.

Aussi futile que ce soit, ces quelques petits kilos d’écart marquaient déjà une frontière entre nos deux pays provoquant beaucoup plus de visites halieutiques dans un sens que dans l’autre. Une sorte de tableau imaginaire référençant les caractéristiques pour classer un poisson dans la case spécimen s’est rapidement invité dans les têtes des carpistes et les fameuses barres mythiques voyaient le jour comme pour catégoriser les poissons… et les pêcheurs ! Finalement, malgré les années nous en sommes restés à cette vision étriquée cultivant ces fameuse barres sans forcément y associer de nombreux paramètres à forte influence, comme les différents types d’eau péchés, leurs historiques ou encore la nature de leurs cheptels.

Puis vinrent les années 2000. Le nombre de pêcheurs grandissant amena évidement un nombre de captures grandissant. La France était toujours dans le haut du panier avec une moyenne de poids bien plus importante que dans ses pays voisins (enfin de ce qu’on en savait, c’est à dire pas grand-chose). Notre pays était clairement l’eldorado du specimen hunting avec notamment certaines eaux exceptionnelles qui produisaient des poissons records de plus en plus fréquemment.

C’était une nouvelle ère et il devenait de plus en plus difficile de discerner les specimens hunters des carpistes lambda, tant les captures de gros poissons étaient en hausse.

Vinrent ensuite les années 2010 et le début du grand chamboulement. La barre des 35kg était de plus en plus souvent dépassée et tous les profils d’eau étaient maintenant capables de produire de très grands poissons. La moyenne générale de poids explosa, tout comme le nombre de specimens hunters d’ailleurs et ce qualificatif perdit petit à petit son sens, tant ce simple rapport de chiffre ne voulait plus rien dire…

Et puis arriva la première capture d’un poisson de plus de 40kg dans le domaine public, naturellement, sans artifices… Un événement tout simplement inimaginable 10 ans plus tôt !

Aujourd’hui il devient difficile de s’accorder sur la notion de gros poisson. J’ai vu certains pêcheurs dédaigner des poissons de 20kg alors que ces véritables colosses faisaient rêver ces mêmes pêcheurs seulement quelques années plus tôt. Non les anciens gros poissons ne sont pas devenus petits, ils ont juste été dépassés par des poissons géants ! Cette course au toujours plus semble interminable et a clairement tendance à nous faire perdre bon sens et raison. Quoi qu’il en soit, aujourd’hui les anciens codes ont été cassés et remplacés par d’autres. De nouvelles barres mythiques sont maintenant ancrées dans les esprits des carpistes, mais jusqu'à quand ?

A chacun sa définition d’un spécimen :

C’est peut-être à force d’entendre dire « quel spécimen celui-là ! » que ma perception de ce mot n’a jamais été en accord avec la définition du petit Larousse. Pour moi un spécimen, hors contexte analytique, est avant tout un élément « extra-ordinaire » qui se caractérise donc par sa nature à être différent de l’ensemble. Concernant les carpes, cet individu peut se distinguer par son poids bien sûr, mais aussi par tout autre caractéristique qui le rend exceptionnel par rapport à ses congénères. Sa taille, sa beauté, son origine ou encore son comportement sont sujets à caractériser un poisson comme spécimen à mes yeux.

Je pense que cette règle s’applique sur toutes les eaux et c’est pourquoi j’estime que chaque eau cache des spécimens, ses propres spécimens…

 

Spécimen rime parfois avec extrême :

Ce qui me dérange un petit peu dans la pratique du specimen hunting classique c’est que l’on prend le risque de s’enfermer dans un univers cloisonné, s’empêchant par la même occasion d’apprécier à sa juste valeur tout ce qu’il y a à côté de ces fameux spécimens.

 

Raisonnons comme un specimen hunter :

Si mon but est de prendre les plus gros poissons possible, je vais donc pêcher exclusivement des eaux qui peuvent abriter ce genre de poisson, je vais les pêcher uniquement aux époques où les poissons sont à leur poids maximum et d’une manière bien spécifique afin de pouvoir mettre le plus de chance de mon côté de pouvoir les sélectionner.

Pourtant il y tellement de choses enrichissantes dans cette pêche qui ne tournent pas forcément autour des gros poissons… Chacun est libre de ses choix et de s’épanouir comme il l’entend mais de ce que j’ai pu observer, les extrêmes ne sont que l'ennemi de l’équilibre si important à la longévité. Personnellement je suis aux antipodes de ce fonctionnement. J’étais encore gamin quand j’ai compris que je pouvais prendre autant de plaisir à prendre un poisson de 15kg dans une gravière qu’un carpeau de 2kg dans un ruisseau. Fort heureusement rien n’a changé aujourd’hui et c’est dans la diversité que je m’épanouis. J’aime à dire qu’il faut parfois savoir se priver des choses pour en retrouver la saveur et je suis persuadé que si je devais m’enfermer dans une bulle telle que le specimen hunting «old school », je perdrais certainement le goût de cette passion.

Je n’ai jamais été un specimen hunter et je ne le serai certainement jamais car même si les poissons exceptionnels me fascinent ils doivent le rester (exceptionnels) pour demeurer fascinants ! Je suis toujours impressionné de croiser la route d’une grande, grosse ou simplement belle carpe et quand celle-ci possède ce petit truc en plus par rapport aux autres habitantes du milieu je dois dire qu’une émotion particulière se fait ressentir… C’est un plaisir intense de recevoir un don de la nature. Parfois je me demande si je serais toujours aussi heureux de capturer un poisson exceptionnel si celui-ci le devenait moins, du fait que j’ai axé ma manière de pêcher pour ne capturer que des poissons comme celui-ci ? Personnellement je suis persuadé que non, car l’homme a cette fâcheuse tendance à s’habituer à tout. Tu pourrais manger le meilleur plat du monde tous les jours que tu finirais par ne plus en avoir envie. Et je pense que cette règle s’applique à « tout » et à tous, hormis peut-être aux rares personnes possédant la sagesse nécessaire pour apprécier chaque chose à sa juste valeur.

 

Un terrain de jeu gigantesque

Si l’on éprouve du plaisir à traquer l’élément rare parmi les autres, alors je pense qu’il y a de grandes chances que la passion ne s'essouffle pas tant les frontières du terrain de jeu sont à peine perceptibles. Tenter de capturer le sommet de la pyramide d’un biotope est fascinant. Réitérer l’expérience sur un maximum d'eaux différentes peut pérenniser cette sensation sur une durée incalculable, mais si l’on y ajoute une dimension plus large en incluant des profils autres que la simple masse d’un poisson, alors la partie devient infinie.

Attraper une miroir dans une eau où il nage 99% de communes est quelque chose d'exceptionnel ! Ce poisson, quel que soit son poids, ne serait-il pas un spécimen ?

Un poisson de la vieille génération d’un lac qui s’est vu réaleviné depuis des années et qui se retrouve à être un individu tout à fait particulier par rapport aux autres ne peut-il pas être un spécimen ?

Un poisson observé depuis des lustres mais que personne ne prend, cette carpe aux écailles grandes comme la main qui se démarque esthétiquement de toutes ses congénères, ce poisson à la robe cuivrée au milieu de tous ces autres poissons tout gris… Tous ces poissons atypiques ne sont-ils pas des spécimens de leurs milieux ?

Personnellement j’estime que oui car finalement, hormis une limite de poids évolutive en fonction des époques, la notion de spécimen n'a rien de concret et ne tient qu’à la valeur que l’on accorde à une prise. Alors pourquoi ne déciderions pas de nous-même quels seraient les spécimens à nos yeux ? Pourquoi qualifier un poisson par rapport à un poids si ce n’est pour alimenter un besoin de compétition ? Pourquoi ne pas définir un spécimen par rapport au bonheur procuré par sa capture ?

Il existe bien d’autres critères que la simple notion de poids chez ces monstres aquatiques, bien d’autres critères qui peuvent les sortir de la norme et les rendre plus ou moins fascinants, plus ou moins mystiques, plus ou moins uniques. Tout dépend finalement de l'importance que l’on veut bien accorder à ce que l’on recherche.

 

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