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Amorçages à Long Terme (ALT) : quelques pistes alternatives

Beaucoup de choses ont été écrites sur les Amorçages à Long Terme (ALT) par de très bons pêcheurs. Car il en va des ALT, comme des pêcheurs (ou des chasseurs), il y en a des bons et des mauvais, et même des vrais et des faux. Après avoir rappelé les invariants d’un véritable ALT, nous allons vous proposer quelques pistes alternatives et originales, à travers deux retours d’expériences.

Trop couramment, lorsqu’on entend parler d’ALT, on pense à ce que faisaient nos anciens, à savoir amorcer régulièrement. Aujourd’hui, si pas mal de pêcheurs amorcent deux ou trois fois à l’avance pour pratiquer des pêches rapides, peu construisent réellement un amorçage sur le long terme.

De quoi parle-t-on ?

Dans le langage courant comme dans la pratique, on a tendance à réduire le concept d’ALT à sa plus simple expression (amorcer) voire à dire ensuite que ça ne fonctionne pas comme dans les livres ou les revues. Dans une société où l’immédiateté règne en maître, la notion de « Long Terme » semble surannée et avoir disparu alors qu’elle est pourtant capitale. Tous ceux qui le pratiquent vraiment, s’accordent sur le fait qu’un ALT doit s’étaler sur 3 semaines au moins, évidemment sur un même poste, que ce soit en lac ou en rivière. C’est un minimum et bien souvent nous portons cette durée d’accoutumance à 4 voire 5 semaines. Comme le Port-Salut c’est écrit dessus, le temps long est donc une condition sine qua none. Toute approche plus courte n’est donc pas un ALT, appelez ça un ACT (amorçage à court terme) ou un AMT (amorçage à Moyen Terme) si vous voulez, ou juste un amorçage, mais aucunement un ALT.

Amorcer et amorcer encore.
Crédit photo : Lancelot Chevalier et Jean-François Malange

Amorcer plus et pêcher moins !

Les deux autres choses importantes à savoir, quand on souhaite se lancer dans un ALT, c’est son coût non négligeable et son côté frustrant. En plus d’amorcer longtemps, il faut aussi amorcer beaucoup ! Cela implique donc une quantité d’appâts non négligeable et il est vrai qu’être sponsorisé est un avantage indéniable, même s’il existe des alternatives moins onéreuses sur lesquelles nous allons revenir. Et ce n’est pas tout, amorcer sur le long terme nécessite non seulement de disposer d’appâts équilibrés, mais aussi d’une disponibilité importante, puisqu’il faut aller amorcer souvent. Le coût de l’ALT comprend donc aussi celui du carburant, à bien intégrer vu le prix du litre ! Une autre notion clef pour réussir un ALT (c’est le côté frustrant) est d’attendre ces 4 ou 5 semaines pour commencer à pêcher et, comme si ça ne suffisait pas, de ne pas pêcher trop longtemps ni trop souvent ensuite ! En effet, il faut arriver à se discipliner et à ne pas craquer avant le top départ, notamment les premières fois où l’on met une telle stratégie en place, qui plus est quand on voit les poissons se manifester ! Au final, si on devait résumer, le comble c’est qu’on passe plus de temps à amorcer qu’à pêcher; mais c’est aussi là tout l’intérêt ! Un ALT c’est à la fois une quête et une grande satisfaction quand ça marche ! On peut même aller plus loin et se dire qu’amorcer, observer c’est déjà pêcher.

Parfois, il faut avoir la main lourde.
Crédit photo : Lancelot Chevalier et Jean-François Malange

Trois priorités : le poste, le poste et le poste !

Plus que jamais, il faut pratiquer un ALT sur une eau et un spot qu’on connaît et dont on est sûr, au risque sinon de gaspiller son temps et son argent. La connaissance du cheptel et du milieu est primordiale. Bien souvent lorsqu’on fait un ALT, on cible un ou plusieurs poissons qui sortent du lot. Comme on ne détournera pas complètement les poissons de la nourriture naturelle (surtout en rivière) il est très clair que le choix du poste est fondamental. Il faut savoir si on amorce une zone de tenue, une zone de passage ou une zone d’alimentation et essayer de les fidéliser sur une nourriture exogène facile à consommer et disponible le plus souvent possible. Il convient aussi de tenir compte des autres pêcheurs et de la pression de pêche, pour choisir un poste en dehors des sentiers battus. Évitez par exemple les zones facilement accessibles, proximité immédiate de parkings, les fenêtres ouvertes par les gestionnaires de site, ainsi que les abords de réserves. Sans tomber dans la paranoïa, la discrétion est importante, car on a connu des expériences désagréables de pêcheurs peu scrupuleux qui n’hésitent pas à profiter de votre investissement.

Les tigers pelées aromatisées.
Crédit photo : Lancelot Chevalier et Jean-François Malange

Vademecum

Une fois le poste choisi on affine par un sondage à la canne. L’objectif est de trouver un ou deux spots bien marqués à quelques mètres l’un de l’autre : un joli plat de 2 mètres carrés en plein dans une pente, une plage de petits cailloux juste en bas de la cassure etc. On arrose alors généreusement la zone retenue, par exemple une bande de 20 à 40/50 mètres en insistant lourdement sur les spots principaux. Il convient d’utiliser des bouillettes à la fois riches et équilibrées. Si nous avons une confiance totale dans les ready made, d’autres préfèrent les appâts frais et roulés par leur soin. Pour le premier amorçage, on peut y aller fort avec près de 5 kg. Cette quantité peut paraître importante, mais ça se justifie. La carpe étant un poisson opportuniste, une table généreusement dressée, puis de manière constante, va tôt ou tard finir par intéresser quelques résidentes. On peut choisir d’utiliser des petits ou des gros diamètres : tout est possible, tout est réalisable, ça dépendra du lieu, de la quantité de blancs, d’écrevisses et aussi de ce que font les autres… Chaque fois que c’est possible, en automne et en hiver, nous avons une préférence pour les 15 mm, pour deux raisons. Objectivement on couvre une plus grande surface et, même si c’est plus subjectif, nous pensons qu’on fidélise mieux les poissons ainsi. Opter pour une bouillette claire (sur un substrat foncé) offre l’avantage de constituer une stimulation visuelle pour les poissons. Si la concurrence est importante et que beaucoup de pêcheurs font le choix d’appâts carnés, choisir délibérément de faire l’inverse permet aussi de bien démarquer son amorçage. Idem en faisant le choix d’amorcer avec plus gros diamètres (24 à 30 mm) en espérant faire une certaine sélection si l’amorçage tient plus longtemps. Il faut ensuite entretenir le spot de façon la plus régulière possible. Comme déjà dit, vous allez devoir utiliser des quantités importantes, même en vous contentant de 2/3 kg tous les deux jours à chaque amorçage. Notre façon de faire est de pratiquer un amorçage assez épars sur la zone choisie, tout en insistant un peu plus sur les endroits où nous tendrons les lignes. La fréquence des amorçages et la quantité dépendront principalement de la distance mais peuvent aussi être ajustées en fonction de la température. Si le lac choisi est assez éloigné de votre domicile vous pouvez amorcer moins souvent mais avec une plus grande quantité. Inversement si le lac est proche. Pour nous, 30 minutes de route sont le maximum que nous nous autorisons pour amorcer jusqu’à 4/5 fois par semaine. Mais la plupart du temps nous n’amorçons que trois fois par semaine, tous les 2/3 jours donc, et de préférence tôt le matin, pour plus de discrétion mais aussi parce que c’est le meilleur créneau pour observer l’activité [NDLR et pour conditionner les poissons à manger en journée]. Toutes ces données ne sont pas intangibles et nous ne sommes pas à 500 g près ou à un jour près. Mais plus vous serez régulier et rigoureux et plus l’ALT se passera bien : l’objectif est que les poissons prennent l’habitude de se nourrir de vos appâts. Comme nous l’avons dit, il faut tenir et ne pas pêcher avant au moins 3 semaines/1 mois et il est important de réamorcer après chaque pêche. Les sessions doivent être courtes : une demi-journée (matinée ou après-midi) voire une journée ou une nuit maximum. Il faut laisser au moins 6 à 8 jours entre chaque pêche, et poursuivre les séances d’amorçage entre deux sorties. Une alternative consiste à mutualiser ces ALT avec un bon ami : on partage ainsi tout en deux, l’investissement, le travail et les résultats.

100 % graine.
Crédit photo : Lancelot Chevalier et Jean-François Malange

Retour d'expérience n°1 : Lancelot et les graines

Nous sommes fin septembre 2023, cela fait maintenant plusieurs semaines que Lancelot entretient un poste sur un plan d’eau réputé difficile. La population de carpes y est dérisoire par rapport à la surface. Entre excitation et doute, il espère un retour sur investissement et trépigne d’impatience pour enfin pouvoir tremper les lignes… Il a jeté son dévolu sur une zone intermédiaire, sur l’amont du plan d’eau, loin de la cohue… Le poste offre une profondeur moyenne d’1,30 m. Sur les dix premiers mètres un substrat caillouteux-sableux, avec un reste de végétaux en décomposition, vestige d’un assec prolongé il y a plusieurs années. Au-delà, le substrat devient vaseux, avec la présence de tâches très molles, propices à la présence de vers de vase et donc d’une potentielle zone d’alimentation. Il a fait un ALT exclusif à la graine, composé d’un mélange à pigeons, maïs concassé ainsi qu’une grosse proportion de noix tigrées (voir encadré).

Le pourquoi d'un ALT à la graine ?

  • Sur certains lacs, on note l’impressionnante population d’écrevisses de Louisiane, au point de les voir régulièrement se promener aux abords des sentiers bordant les plans d’eau. Les pêches durant l’été donnent rapidement le ton. Les bouillettes sur les montages ne tiennent pas longtemps.
  • Les graines ayant une densité moins importante que les appâts plus conventionnels, elles ont tendance à ne pas trop s’enfoncer dans la vase et donc de pêcher des zones délaissées. La diversité et la taille des graines incitent en théorie le poisson à rester davantage sur la zone et à rechercher le moindre reste de pitance.
  • Au-delà d’une idée reçue, nous voulions voir de manière concrète et démontrer qu’un amorçage à long terme constitué de graines peut bien évidemment intéresser les carpes. Mais nous souhaitons aussi motiver les jeunes qui n’ont pas forcément les moyens de tenir le rythme d’un amorçage entretenu qu’avec des bouillettes.

Il a été très assidu et a arrisé la zone de 8 à 10 litres de ce mélange à chaque fois. Jour 1 : Les fouilles sont nombreuses sur le spot pour cette première pêche et le rythme du palpitant est à son maximum. Les bannières des deux cannes prennent des tapes, il y a incontestablement du monde sous la surface ! Il enregistre rapidement une touche, puis une seconde… Les tanches XXL semblent avoir pris possession des lieux. Il s’interroge sur l’approche et se demande si sa campagne d’amorçage n’a pas juste profité à ces dames, aussi belles soient-elles. Lorsque l’un des détecteurs s’emballe quelques heures plus tard, et que le poisson tient le fond et se déplace lentement le doute s’envole. Il imagine un instant tenir à l’autre bout du fil l’un des gros poissons ciblés. Vous connaissez sûrement cet adage qui dit qu’il ne faut surtout pas rater les premières touchent d’un ALT, que ce sont souvent les gros sujets qui tombent en premier ? ! Le temps d’enfiler les waders afin d’aller épuiser la carpe, la ligne s’accroche dans un obstacle à dix mètres à peine du bord. Il s’approche à l’aplomb, le poisson est là, il aperçoit le large dos d’une commune avant qu’elle ne se décroche ! Ce sera la seule et unique occasion de la journée. Il reste sur sa faim.

Un montage qu'à la graine.
Crédit photo : Lancelot Chevalier et Jean-François Malange

Jour 2, une semaine plus tard : Enfin la météo annonce une dépression et de la pluie à venir. Même scénario, Lancelot prend deux tanches d’entrée de jeu, il y a des fouilles et des tapes dans le fils. C’est à la tombée de la nuit, à quelques instants de plier qu’il voit arriver la première carpe au fond de l’épuisette. La consolation est maigre en contrepartie de la grosse commune décrochée 6 jours plus tôt, car c’est probablement un des plus petits poissons du lac. Cependant cela lui donne confiance pour la suite. Jour 3 : il fait encore nuit ce matin, la lumière de sa frontale sillonne le sentier en direction du poste. À plusieurs reprises, le fracas des sauts retentit aux quatre coins du plan d’eau. La super lune semble avoir une incidence sur l’activité des poissons. Grâce aux clips, les montages sont précisément en place. À la fronde il fait un rappel de 5-6 godets, il n’a plus qu’attendre. Le vent souffle et semble déchaîner l’activité. Jusqu’au milieu de la matinée, Lancelot alterne les tanches, les lancer et les rappels de graines à la fronde. Puis, dans la journée, possiblement sous l’effet combiné de la « super lune », de la dépression et de l’ALT, il aura la joie de toucher deux grosses miroirs qui font partie du top 5 du lac ! Il n’aura pas d’autres créneaux à consacrer à la pêche, mais termine donc son ALT de la meilleure des manières. Certes cela représente beaucoup d’investissements en amont pour au final ne pêcher que trois journées, mais son objectif a été atteint dans le temps de pêche qu’il avait à y consacrer.

Diverses variétés de pellets.
Crédit photo : Lancelot Chevalier et Jean-François Malange

Retour d'expérience n°2 : Jeff et les pellets

Autre alternative possible : les pellets. Jef met en œuvre cette option en partant d’un constat simple mais évident: la quasi-totalité des eaux sont amorcées aux pellets, mais très peu de monde les esche sur les cheveux. De fait, il y avait là une véritable piste à exploiter. Même si les quantités et les types de pellets utilisés par chaque pêcheur variaient beaucoup en fonction des lieux, des techniques et des saisons, nous étions certains de notre conclusion : les carpes trouvent depuis des années des pellets dans nos amorçages, en revanche elles ne se font piquer sur ces derniers que très rarement… En effet, les pellets ont un pouvoir attractif sur les carpes et sur les autres poissons blancs. De fait les pellets sont très souvent délaissés pour la pêche des eaux courantes notamment car ils induisent beaucoup de contraintes. Vous aurez donc deviné ce que nous vous proposons : tenter d’utiliser les pellets le plus souvent possible en (petites) rivières. Il s’agit d’abord de choisir un poste, soit une tenue soit un poste de passage. Puis, le programme ainsi fixé : 10 kg de pellets les deux premières fois (de façon très large) et 5 à 10 kg les fois suivantes en réduisant la surface d’amorçage et en marquant plus les spots qui seront pêchés. Jef prend parfois le soin de rajouter quelques kilos de tigers au milieu des pellets, pour assurer un maximum. Il a utilisé cette méthode durant un mois et demi en août/septembre 2023 pour seulement pêcher le poste 5/6 fois : aucun capot et une moyenne plus importante que d’habitude. Il consacrait quelques heures le soir en fin de journée pour avoir entre 2 et 4 touches avec quelques pépites dans le lot…

En définitive, faire des ALT n’est pas très difficile mais cette méthode a un coût : financier d’abord et humain ensuite. En s’y mettant à plusieurs et en partageant les frais (et les départs ensuite); l’investissement financier en vaut largement la peine. Appliqué au bon endroit et au bon moment (ça va sans le dire mais ça va mieux en le disant), cela peut vous permettre d’avoir une vraie avance sur les autres pêcheurs ou de vous rendre compte du potentiel d’un secteur. C’est aussi une méthode où les émotions sont présentes de façon décuplée: quel pied de voir le détecteur s’emballer quand ça fait 5 semaines qu’on amorce ! Nous sommes accros aux ALT ; on vous a tout dit, à vous de jouer !

Astuce pour accélérer les touches

Jef dépose très souvent ses cannes au bateau amorceur: il gagne en précision et en confiance. Lancelot est un inconditionnel des sticks. Très souvent nous agrémentons nos appâts d’un mélange très attractif à base de maïs concassé de babycorn et de liquide du type liquide de foie. Cette mixture déjà présentée dans un Média précédent permet d’accélérer les touches si les poissons ont tendance à être léthargiques.

 

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