Peux-tu te présenter aux lecteurs de Média Carpe ?
Bonjour Christophe, et bonjour à toutes et à tous les lecteurs de Média Carpe, Je m’appelle donc Raphaël, j’ai 44 ans, et je vis aux États-Unis, à quelques kilomètres de Manhattan. Je pêche depuis que je suis enfant, mon père ayant partagé son virus avec moi, et j’ai découvert la carpe lorsque j’avais 12 ans. J’aime plus ou moins toutes les pêches, chacune d’elles a ses spécificités, mais je suis plutôt quelqu’un qui préfère les approches statiques. Pour faire court, je dirais que je suis plus pêche au quiver que pêche au leurre, bien que ça m’arrive de temps à autre. J’ai été très impliqué dans la presse halieutique spécialisée Carpe pendant 15 ans, principalement entre 2001 et 2016, et je le suis moins aujourd’hui. La multiplication des supports médiatiques en est l’une des raisons, et j’aime écrire dans un magazine, pas trop pour une page internet. J’avoue également prendre un certain plaisir à publier quelque chose de temps en temps sur mes propres « pages » (YouTube, Facebook, Instagram, TikTok, et autres). Enfin, je pêche depuis maintenant plusieurs années pour les marques Carp Spirit, Dynamite Baits, et Carp Bait USA, et j’ai eu le bonheur de collaborer activement pour d’autres grandes marques par le passé.
Qu’est-ce qui t’a donné le virus de pêcher la carpe ?
En fait, j’ai rencontré ce poisson un peu par hasard en 1992. Je pêchais le Vidourle avec mon grand père, et j’en ai attrapé une sans réellement le vouloir. Je pêchais la perche au vers, et n’ayant pas de touche, j’ai décidé de lancer dans une zone un peu plus profonde et de poser ma canne sur le côté. Après quelques minutes, celle-ci s’est « envolée », et c’est ainsi que j’ai combattu ma première carpe. Malheureusement, ou heureusement, pris par l’excitation et ma passion, je n’ai pas réussi à la sortir de l’eau. Je pêchais avec un petit hameçon, je n’avais pas d’épuisette, et j’ai essayé de forcer le destin. J’ai voulu la hisser sur la berge, elle devait faire entre 2 et 3 kg, et elle s’est décrochée. J’oserai donc l’accuser de faire partie des raisons qui m’ont poussé à en attraper d’autres après !
Quels sont tes terrains de jeu préférés et pourquoi ?
Je n’ai pas réellement de terrains de jeu favoris. Je pense avoir pêché plus ou moins toutes les configurations, de la petite flaque d’eau au lac de plus de 1 000 hectares, du ruisseau au méga fleuve soumis à de puissantes marées. Il y a un charme dans tout, et tout peut être sympa. Je dirais qu’en vieillissant, bien que je ne sois pas trop vieux, pêcher dans le froid est ce que j’aime le moins. Passer beaucoup de temps pour très peu de touches ne m’intéresse plus trop non plus. Je l’ai fait par le passé, j’ai eu le bonheur de caresser des poissons exceptionnels, mais ayant beaucoup de responsabilités et peu de temps libre, j’avoue éviter ce genre de contexte. Pour les mêmes raisons, j’évite aussi aujourd’hui les excursions en mode baroudeur dans l’inconnue sans la moindre information et à des centaines de kilomètres. Non pas que le concept ne me plaise pas, mais ma vie ne me l’autorise pas vraiment. Et puis, je ne suis pas un baroudeur dans l’âme, il y a généralement de belles choses à faire tout au tour de chez soi sans réellement aller aux extrêmes.
Peux-tu nous parler de Nautilus ?
Nautilus, quel poisson incroyable, quel bonheur, le rêve à l’état pur ! Il faut remettre les choses dans leur contexte. On est en 2009, les 3 plus grosses carpes jamais prises en France sont la carpe de Marcel Rouviére à 37 kg en 1981, la carpe d’Emmanuel Walt à 35,2 kg, et la carpe de Dave Walker à Cassien de 35,2 kg. À l’échelle mondiale, on peut ajouter 2 autres poissons de plus de 35 kg, pris à Sarulesti, en Roumanie… Et c’est tout ! Et là, moi qui rêve d’attraper un poisson de légende, je capture au milieu d’une belle nuit de mai, un fish absolument géant de 35,5 kg, pour 110 cm, Nautilus ! Ce poisson est donc à ce moment-là, la seconde plus grosse carpe jamais capturée dans le domaine public Français, et probablement au monde, Sarulesti étant un lac privatisé (bien diffèrent de la mare privée à cochons entassés et engraissés, je vous l’accorde). En réalité, sa capture était pour moi une demi-surprise. Pourquoi ? Une surprise parce que je la pensais morte. Et pas une surprise puisque c’est moi qui l’ai appelée Nautilus quelques années plus tôt, lorsque je l’ai attrapée au poids de 28 kg. C’était déjà un poisson géant, mais son dos n’était pas épais. En le regardant, avec mon ami Nicolas Carrié, il ne faisait nul doute qu’en s’élargissant un peu ce poisson deviendrait une carpe Goliath, et c’est pour ça qu’il a été baptisé « Nautilus ». Je savais qu’il deviendrait immense, et que je le rencontrerais à nouveau. C’est ce qu’il s’est passé, et c’est un moment sacré que je n’oublierai jamais !
Ton poisson rouge, surnommé Maurice a fait le tour de la toile. À l’époque les Koï étaient beaucoup moins présentes, te souviens-tu de ta réaction quand elle est arrivée à l’épuisette ?
Oui, je m’en souviens assez bien. Pour être très honnête, j’étais content, c’est un poisson d’un rouge intense, d’une taille honorable, et pour le moins très diffèrent de toutes les autres carpes que j’avais attrapées jusque-là. Ceci étant, ma joie n’est pas allée beaucoup plus loin. À cette époque, mon but c’était de capturer des poids lourds, et « Maurice », malgré le fait qu’il soit un pur spécimen, probablement même la plus grosse koï attrapée dans le domaine public Français, n’en était pas un. Ce poisson était plus rare que n’importe quelle carpe de 30 kg (d’autant plus à cette époque, il faut le rappeler), mais ce n’était pas ce que je recherchais. Paradoxalement, un binôme Hollandais était là lors de sa capture, et eux passaient plusieurs semaines sur le lac chaque année dans l’unique but de l’attraper. Ils discutaient avec nous alors même que je le combattais. Personne ne savait que Maurice était pendu au bout de ma ligne, les Hollandais me parlaient de lui et m’expliquaient qu’ils l’avaient vu une fois du haut de la colline en face et que depuis c’était leur obsession. Je ne vous raconte pas la tronche qu’ils ont tirée quand je l’ai posé sur le tapis. En fait, c’est allé assez vite, ils sont tout simplement partis !
Quelles sont les différences entre la pêche de la carpe aux États-Unis et en France ?
Entre la pêche de la carpe aux US et celle pratiquée en France ; tout est différent ! La mentalité, l’éducation des pêcheurs, les approches, les poissons, les envies, le business, les deux pays ne peuvent en rien être comparés outre le fait qu’une carpe reste une carpe. La pêche de la carpe en France, et en Europe, a connu un boom ces dernières 30/40 années. Aux US, même s’il y a toujours plus de carpistes, on est encore comme dans les années 1980 en France. Il y a peu de pêcheurs, la grande majorité des eaux sont inconnues, il y a beaucoup de gens qui n’aiment pas les carpes, les techniques modernes ne sont pas toujours utilisées, et quand elles le sont, elles ne sont pas très bien comprises et maîtrisées. C’est encore le Far West, alors qu’en Europe les techniques « modernes » ne le sont déjà plus vraiment.
Peux-tu nous parler de tes montages favoris ?
Je n’ai malheureusement pas grand-chose à raconter à ce niveau-là. Je dois l’avouer, je suis très ennuyeux ! Pour être franc, je ne crois pas trop à ça, et je n’y ai jamais cru. Mon montage est simple : un émerillon, un morceau d’environ 20 cm de Combi-Soft Carp Spirit, du fil du moulinet si je veux pêcher en nylon, un hameçon V-Curve XS taille 1 ou 2 également de chez Carp Spirit, et c’est tout. Si j’utilise un appât flottant, je rajoute un petit plomb à environ 1 à 2 cm de l’hameçon. Je crois bien plus à la recherche du spot, à l’appât, et à la façon d’amorcer. Pour moi, c’est ça qui fait tout. Je veux bien croire que certains montages soient mieux que d’autres, pas de problème, mais ce n’est pas ça qui conditionne les résultats (il y a bien entendu des exceptions, mais une exception reste une exception).
Pratiques-tu d’autres pêches ? Si oui lesquelles ?
Oui, je pratique d’autres pêches. J’aime beaucoup pêcher au feeder/quiver, ou au waggler. Ceci dit, aux US, ça se résume à pêcher la carpe, il n’y a pas vraiment d’autres poissons blancs où je suis. Je pêche également beaucoup en mer. J’ai toujours pêché en mer, ça ressource et ça fait du bien. Je pêche principalement en surf léger, plus rarement en bateau, avec pour but ultime d’attraper un gros Striper ou un beau tassergal. Je pêche également beaucoup de poissons plats et autres poissons côtiers. J’ai de plus en plus envie de me mettre au requin depuis le bord. J’ai des potes qui attrapent vraiment du big fish au milieu des baigneurs, on parle là de poissons entre 50 et 100 kg, et ça me démange de plus en plus.
Nous avons écrit pour les mêmes revues, dans tous les articles que tu as rédigés, lequel pour toi était le meilleur ?
Difficile à dire. En un peu plus de 20 ans et en publiant plusieurs articles par mois dans de nombreuses revues, j’ai partagé beaucoup de choses avec ceux qui souhaitaient en profiter. J’ai énormément écrit sur le Specimen Hunting, sur les différentes techniques d’amorçage, et sur les alternatives possibles pour pêcher moins cher. Je crois que ce sont là les 3 sujets qui me tiennent le plus à cœur. Je dirais que s’il ne fallait en retenir qu’un, je garderais juste une phrase que j’ai écrite, pour la première fois en 2001 dans Carpe Magazine : « On ne peut attraper une grosse carpe que là où il y en a ». Je crois que c’est la phrase la plus simple et la plus importante que j’ai écrite. Elle résume à elle seule ce qu’est le Specimen Hunting. C’est l’une des seules règles qui soit toujours vraie, qui n’a aucune variable, et qui n’est malheureusement pas comprise par une majorité de pêcheurs. Les bœufs imaginaires et imaginés par des centaines de carpistes dans des eaux sans potentiel sont la cause de leurs frustrations. Quoi qu’on en dise, quelles que soient nos motivations, attraper des carpes géantes contribue à la part du rêve ; et le seul moyen pour l’exaucer est de commencer par le début : pêcher un endroit où il y a au moins une grosse carpe.
Tu as participé à quelques vidéos, peux-tu nous en parler ?
Oui, j’ai fait des apparitions dans plusieurs films : dans le film de Léon sur le CNL tour en Roumanie, dans plusieurs vidéos réalisées par Tony Davies Patrick, et dans un film des Artisans du Film, « Une ligne pour deux », diffusé des dizaines de fois sur la chaîne Seasons. Tourner un film est toujours intéressant. Il y a une certaine pression, le but est de faire rêver les téléspectateurs, et en même temps il n’y en a pas puisque la pêche n’est pas une science exacte et que la seule chose que tu puisses faire c’est de donner le meilleur de toi-même. C’est une belle expérience et je serais ravi d’en faire d’autres, comme attraper une carpe dans Manhattan… Ça pourrait le faire !
As-tu une anecdote de pêche à nous raconter ?
Oui, j’en ai quelques-unes. J’en ai fait un livre de plus de 440 pages il y a plus de 10 ans maintenant : « Carpe New Generation ». Mais puisque nous avons parlé de Nautilus, laissez-moi vous raconter comment tout a commencé. Il était une fois… Non, j’déconne ! J’ai découvert le lac que nous appelons communément « Perrier » en 2003. C’était une petite gravière d’un peu moins de 10 hectares avec un cheptel tout simplement hallucinant. La moyenne des captures se situait au-dessus des 15 kg, et il y avait une jolie population de carpes entre 20 et 26 kg. Une fois encore, il faut remettre les choses dans leur contexte. Si un cheptel comme celui-ci n’est plus aussi hallucinant aujourd’hui, principalement à cause du domaine privé, et des eaux publiques bombardés d’appâts, il y a 20 ans tout ça n’existait pas. Perrier était un lac rempli de bœufs qui avaient grandi sans l’aide de personne, dans une eau translucide, et où tout était couvert de moules et d’écrevisses. À cette époque, tout y était interdit, et c’est avec discrétion que je sortais de temps en temps un tout petit bateau de plage, à peine plus gros qu’une bouée. J’ai une spécificité, je suis capable de voir de tout petits détails et de les mémoriser. En d’autres termes, il me suffit de voir une carpe une fois pour la retenir et m’en souvenir. Un beau jour d’été, alors que je ramais avec mes mains pour aller amorcer, Nautilus est monté en face de moi. Doucement, il s’est retourné en surface, et est redescendu. En 2003, l’eau était si claire qu’il était possible de voir le fond à près de 10 mètres. Je l’ai contemplé alors qu’il montait à seulement quelques centimètres de mon « bateau ». À ce moment, j’avais déjà attrapé beaucoup de big fish, mais pas celui-là. Il était plus gros que les autres, et il avait surtout une couleur rose et orangée magnifique et spécifique. C’est ce jour-là que j’ai compris qu’il existait et qu’il fallait que je l’attrape un jour. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, je n’ai pas passé ma vie sur ce lac. Je l’ai pêché de temps en temps, pendant plusieurs années, mais je n’y ai jamais squatté. Une nuit par-ci, deux nuits par-là, et une bonne semaine entre potes quand l’occasion se présentait. J’ai donc attendu une paire d’années avant de le poser sur mon tapis. Que je sache, il n’avait été attrapé qu’une seule fois par un pêcheur nommé Jean-Pierre et au poids de 26 kg en 2003. J’en avais entendu parler, j’avais imaginé que ce pouvait être ce poisson puisque je n’en avais alors jamais vu de photo, et cela s’est confirmé quand JP m’a décrit une sorte de Molluscum Pendulum sur sa lèvre supérieure, ce qui est l’une des particularités de Nautilus.