C’est vrai qu’il y a de plus en plus d’adeptes de ce sport extrême comme dans le milieu de la compétition. Personnellement, dès que j’ai eu en main mon premier « Cobra », j’avais tendance à vider mes sacs de billes aussi rapidement que mon portemonnaie avec l’argent de poche qui me servait à les remplir ! Je n’aime pas dire cela parce que j’ai l’impression d’être suffisamment âgé pour avoir été présent sur la photo de classe de Jésus Christ mais « à l’époque », je n’avais que 14-15 ans et pas d’arthrose dans les épaules, je pouvais reproduire des centaines de fois ce fameux geste rapide et sec « légèrement » traumatisant qui permet de donner une vitesse suffisante à une bouillette de quelques grammes pour pouvoir la faire tomber dans l’eau à plus de 100m du bord ! Mais puisque les lendemains sont douloureux après ce genre d’amorçage, pourquoi continuer de pratiquer cette autoflagellation ? Sans doute parce que parfois c’est la clé pour prendre plus de carpes.
L’approche
Elle consiste à faire tomber dans l’eau quelques bouillettes de manière régulière sur une zone forcément un peu large puisque les billes ne sont que rarement parfaitement sphériques et votre geste toujours plus ou moins régulier en précision et en puissance. Mais c’est très bien comme ça dans une approche 100% billes comme celle dont je vais vous parler car l’imprécision sera un facteur recherché pour mettre en confiance les carpes et souvent les plus grosses. Autant pour une pêche de rendement, je vais chercher à concentrer mes appâts sur un petit périmètre pour mettre en concurrence des poissons souvent de taille modeste, autant pour une pêche à la bille pure, je vais élargir la zone pour que les carpes puissent y circuler sans pression. Les plus gros sujets appréciant une certaine tranquillité lorsqu’ils se nourrissent, je vais faire en sorte qu’elles ne se montent pas sur les nageoires à table. Je veux qu’elles ramassent un appât par ci par là, jusqu’à trouver la fève et déclencher une touche. Souvent, on observera une certaine régularité dans la cadence des départs qui se manifesteront au rythme des rappels au Cobra. En général, je commence par étaler une centaine de bouillettes de 15 ou 20mm suivant la distance à atteindre puis, tel un métronome, j’en redistribue une vingtaine toutes les heures ou après chaque manifestation de poisson sur le coup telles que des fouilles, un saut ou une touche. Ce rappel régulier vise à stimuler le réflexe alimentaire, remettre en confiance mais aussi alerter et attirer les carpes vers votre zone de pêche.
Les « plocs » des appâts qui tombent dans l’eau sont une douce musique à l’oreille des carpes qui forcément viendront rechercher la source de cette belle mélodie qui sonne pour elles comme la promesse d’un bon repas. Dans la nature, certains fruits qui tombent des arbres reproduisent ce bruit qui finit par conditionner les carpes. C’est ce que l’on va chercher à imiter. Cette technique de pêche se pratique principalement du bord mais je l’ai aussi reproduite avec succès à partir de mon bateau cabine qui me sert de plateforme. Cependant, toutes les billes ne sont pas adaptées pour ce genre de pêche, voyons maintenant les critères de sélection à considérer.
Des billes qui peuvent se lancer ou qui le deviennent
C’est vrai que sur le marché on trouve de tout et pour ceux qui utilisent des appâts ready made, beaucoup de marques proposent des bouillettes très rondes et lisses qui se lancent parfaitement bien au tube. Pour n’en citer qu’une, je vous recommande les Ginger Pepper de chez Carp Elementis. Au-delà de cocher toutes les cases mécaniques : forme bien ronde, dureté et densité, elles sont aussi redoutables d’efficacité sur les carpes ! En témoigne leurs nombreuses victimes à travers toute la France et à 6€ le kg pour la gamme amorçage, on peut se permettre d’en balancer quelques-unes au fond de l’eau sans être obligé de solder son PEL avant de partir pêcher ! Vous l’avez compris, l’utilisation du Cobra soumet vos appâts à des contraintes sévères. D’abord, ils vont être accélérés puis subir une importante vitesse de rotation à l’intérieur du tube puis dans l’air. La bouillette à laquelle vous avez donné de la vitesse à l’aide de la force centrifuge va tourner sur elle-même.
Cette forte accélération/rotation fera éclater n’importe quel appât de texture trop molle, granuleuse ou friable. Il est évident que plus ils seront parfaitement ronds et lisses, plus ils se lanceront loin et de manière précise. Evidemment, lorsque vous expérimentez un nouveau produit et que les billes éclatent toutes en plein vol, il ne vous reste plus grand chose à faire à part trois astuces : commencer par mouiller l’intérieur du Cobra avec de l’eau et réessayer, ou bien les laisser sécher 48H dans un filet si vous constatez qu’elles sont trop souples car gorgées d’eau ou au contraire, les laisser tremper dans l’eau pendant 15mn et prier pour que cette légère lubrification atténue le problème de friabilité d’un appât trop sec et qui manque de liant.
L’idéal est de bien connaître ses appâts et leur capacité à être expédiée au tube, c’est toujours rageant de devoir changer sa stratégie à cause d’un mauvais choix. Souvent, les appâts du commerce sont relativement mous car gorgés d’eau, en effet l’eau ce n’est pas cher et ça pèse lourd … Vous avez saisi la combine de certains fabricants d’appâts peu scrupuleux qui n’hésitent pas à vous vendre de la came contenant 30% d’eau à 15€ le kg ! Comme disait mon copain Jacky : « Tu comprends pourquoi il leur en reste un peu à la fin ! » Ensuite, vous avez la solution de fabriquer vous-même vos appâts et là vous avez tout le loisir de peaufiner leur forme et leur composition afin de les transformer en véritable boulet de canon ! Sans rentrer dans le détail des recettes de bouillettes spéciales Cobra, voici quelques conseils qui devraient vous permettre d’atteindre votre objectif : laisser sécher vos billes au moins 72h, n’incorporez pas trop d’ingrédients à grosse granulométrie comme les bird foods, alourdissez vos appâts avec de la farine de riz ou de la semoule de maïs de manière à atteindre les 4 ou 5g par bille de 20mm et ajouter du liant comme le gluten de blé sans dépasser les 80g par kg car vous obtiendriez alors un appât trop caoutchouteux et imperméable. Aussi, veillez toujours à ne pas laisser vos billes en plein soleil car cela les fera craqueler en plus de détériorer leurs performances. Maintenant que l’on a des appâts corrects, il va nous falloir trouver le bon tube lance bouillette !
Un tube qui envoie du lourd
On ne va pas parler ici du dernier Shaka Ponk mais plutôt des différents outils qui ont été développés pour lancer des bouillettes le plus facilement et le plus loin possible. Tous les carpistes les plus expérimentés (je préfère ce mot à « anciens ») ont déjà eu entre leurs mains le fameux Cobra qui par antonomase est devenu le synonyme de tube lance appât. Avant la disparition de la célèbre marque, on pouvait en trouver en alu ou en PVC. J’en garde précieusement trois modèles à la maison dont le fameux petit Cobra court en alu qui est encore au top aujourd’hui pour pêcher dans les 60m. Maintenant, même si les firmes continuent à développer des copies de ce que produisait Cobra, elles ont aussi développé des modèles en carbone avec une tubulure relativement longue et diverses améliorations. C’est de la physique, mais plus la bouillette va pouvoir être accélérée grâce aux courbures et à la longueur du tube de lancement et plus elle aura le potentiel de partir loin. C’est la promesse que tiennent ces tubes nouvelles générations et au-delà de pouvoir atteindre les 100M avec une bille de 20mm, on peut aussi prétendre dépasser les 120m avec une 24mm adaptée. Le carbone a été privilégié au plastique et à l ‘alu pour gagner en légèreté et c’est plutôt réussi puisque les performances que l’on obtient sont supérieures à celles des autres modèles.
En plus, on fatigue beaucoup moins vite. Aujourd’hui, je n’utilise que cela et mon épaule droite mise à mal par les anciens instruments de torture m’en remercie ! J’apprécie les efforts des fabricants pour proposer des modes de chargement plus efficaces que par l’extrémité du tube. Introduire une bouillette par le bas ou par le dessus de la poignée apporte un réel confort, une plus grande rapidité d’exécution mais aussi une meilleure précision de lancer car nos yeux ne sont plus obligés de quitter leur cible. Ce mouvement sec est traumatisant pour les articulations du coude et de l’épaule alors j’ai tendance à effectuer mon mouvement en tenant le tube à deux mains, surtout s’il faut atteindre de grande distance. Je me suis aussi appris à lancer de la main gauche pour éviter de trop solliciter mon côté droit et à m’échauffer les muscles avant de commencer une séance. Quand on aime, on ne compte pas ! La partie technique étant close, intéressons-nous maintenant à la stratégie dans ce type de pêche.
Quand elles veulent de la bille
A certains moments de l’année, les poissons vont rechercher des appâts de taille conséquente pour pouvoir générer ou régénérer rapidement leurs réserves. Même si les carpes peuvent manger des bouillettes tout le temps, elles ont parfois une forte préférence pour ces petites billes rondes, faciles à ramasser et souvent riches en éléments nutritifs. En sortie d’hiver, juste avant et après la fraie mais aussi à l’automne, j’ai remarqué la supériorité de mes bouillettes par rapport à d’autres appâts comme les graines et les pellets. Lorsqu’elles les recherchent en priorité, l’idéal est de leur en proposer bien sûr ! Je n’hésite pas à jouer l’exclusivité et amorcer uniquement à la bouillette. Cependant, j’aime utiliser un ou deux types de composition et pas plus.
Evidemment, si je pars sur deux bouillettes, je vais rechercher des conceptions très différentes comme l’une avec une base fortement carnée associée à un arôme puissant épicé et puis l’autre plutôt végétale avec un arôme fruité. Pour déterminer laquelle sera la préférée des carpes, je divise mon coup en deux parties, côte à côte, qui se voient attribuer chacune un type de bouillette particulier. Cela peut aussi être intéressant de diversifier le diamètre des billes surtout si la zone amorcée n’est pas trop éloignée et autorise l’utilisation des plus petites comme celles en 14 ou 15mm qui se lancent très bien aussi avec les Cobra. Plus on utilisera de petites bouchées, plus on augmentera la surface d’échange des billes avec l’eau et par là même leur capacité à diffuser les éléments attractants capables d’attirer les carpes sur votre coup. Celles-ci pourront être associées à des plus grosses en 20mm. On verra dans le chapitre suivant comment on pourra jouer sur les différences pour séduire plus rapidement les carpes en travaillant ses présentations.
Mimétisme et touche d’originalité
J’ai pris l’habitude de toujours proposer au bout de mes hameçons des choses en adéquation avec mon amorçage. Quand ce dernier se compose exclusivement de bouillettes, je ne déroge pas à ma règle car lorsque les carpes sont mises en confiance et qu’elles glanent des appâts çà et là, il me parait judicieux que l’esche soit semblable à l’amorçage. De cette manière, elle sera prise sans méfiance, même par un gros poisson éduqué et c’est le but recherché. Cependant je vais jouer sur plusieurs facteurs afin qu’elles tombent dans le piège plus rapidement. En premier lieu, j’aime ajouter une note de couleur à la bouillette d’eschage grâce à l’offre pléthorique des faux maïs que l’on trouve déclinée de toutes les couleurs, flottants, coulants ou équilibrés. Lorsque j’associe une bille dense, identique à l’amorçage avec un fake, je le choisis flottant pour que l’ensemble soit allégé. Quand c’est un wafter, je préfère mettre un maïs de densité neutre pour ne pas qu’il vienne perturber l’équilibre de la présentation.
Pour obtenir un effet leurre, je propose aussi un troisième bas de ligne équipé d’un spinner rig sur lequel je vais placer une pop up de couleur flashy. A ce sujet, j’aime l’offre de chez Carp Elementis où chaque recette de bouillette de la gamme dispose de ses wafters et dumbbells, plus une large gamme de pop-up neutre en arôme que l’on peut dipper à sa guise avec des produits en accord avec les appâts d’amorçage. Cela permet de garder une signature et de rester en adéquation avec ce que l’on a mis au fond. Le bonhomme de neige, grand classique qu’il est, trouve bien entendu sa place dans ce genre d’approche. Aussi, quand j’ai expédié des bouillettes de 20mm, j’aime différencier la taille de mon esche pour attiser une certaine curiosité chez la carpe en proposant une 15mm ou une 24mm. Lorsque mon coup est constitué de deux types de bouillettes et que les tas sont proches l’un de l’autre, je place régulièrement une ligne d’un côté avec la bille de l’autre. En fait, la seule limite que je m’autorise est celle de mon imagination mais un appât strictement identique à ceux qui ont été lancés au tube se suffit à lui-même et pêche parfaitement bien, surtout quand les planètes sont alignées.
Les bonnes conditions
On a vu plus haut les moments de l’année les plus favorables mais ils ne sont pas essentiels dans le choix d’une approche 100% billes au Cobra. En fait, ce sont d’avantage les lieus de pêche qui vont me pousser à utiliser cette méthode plutôt qu’une autre. Par exemple, il existe certains endroits où les carpes fuient le bruit des spods ! Souvent, il s’agit de poissons sauvages très peu voire jamais pêchés où alors ceux qui vivent dans de petits milieux. Ils sont souvent caractérisés par leur faible profondeur inférieure à 2m, leur petite surface ou largeur, ce sont les étangs de moins de 5ha ou les rivières. Lorsque l’on ne peut pas spoder, le tube lance bouillette est tout indiqué pour distribuer le casse-croûte et généralement très efficace pour rassembler les sauvageonnes. Après les poissons peuvent comprendre rapidement la signification de ces gros ploufs répétés mais c’est vrai qu’avant qu’elles ne s’habituent, le Cobra rend bien service ! En compétition, l’amorçage au tube est très populaire surtout la nuit puisque souvent l’amorçage lourd au spod est interdit passer une certaine heure. Il prend alors le relais pour continuer à donner à manger et maintenir les poissons sur le coup jusqu’au matin où l’on pourra de nouveau envoyer les baits rockets. A contrario, dans les pièces d’eau où les fusées volent dans tous les sens et que les carpes n’attendent même pas que leur contenu descende au fond avant de tout dévorer, il est évident que l’on pourra ranger le tube au profit de la canne à spoder ! Pour vous rendre compte de la puissance du phénomène, je vous invite à regarder les vidéos qui montrent des carpes en train de foncer vers la zone d’impact d’un Spomb afin d’arrivée les premières au festin ! Quand c’est comme ça, prenez du temps pour améliorer votre Cobra afin de gagner en efficacité lors d’une autre partie de pêche !
Confort et organisation
C’est vrai que jouer du Cobra 24h sur 24 demande une bonne condition physique mais il est possible de se faciliter les choses grâce à une bonne organisation et quelques accessoires pratiques. Comme aujourd’hui je n’utilise plus que des tubes en carbone, j’ai remarqué que leurs poignées sont vraiment peu confortables puisqu’elles se réduisent souvent à un simple vernis anti dérapant ou un tube en mousse. C’est très léger mais en termes de prise en main, il y a mieux ! J’ai donc détourné l’usage des « grips » que l’on enroule autour des manches des raquettes de tennis. Je les positionne par-dessus la résine granuleuse d’origine ou à la place des duplons que je supprime. Sans alourdir, ils apportent un réel plus car ils évitent que la main ne glisse, ils absorbent aussi la transpiration. La prise en main est donc largement améliorée grâce à ces petits accessoires que l’on trouve dans le rayon tennis des magasins de sport. Avoir les bouillettes à portée de main et ne pas être obligé de se pencher à chaque fois qu’il faut en reprendre permet d’économiser son énergie. L’utilisation d’un sac banane que l’on porte autour de la taille ou un seau sur un support à bonne hauteur évite d’avoir à se pencher en permanence mais surtout d’avoir à détourner les yeux de la zone visée. Grâce à l’image que produisent les yeux, le cerveau agit comme un calculateur qui va transmettre à nos muscles le dosage de la force qu’ils vont devoir donner pour que la bouillette puissent atteindre la bonne distance. Mais à chaque fois que l’on perd de vue l’objectif, le calcul doit être reproduit ce qui génère des écarts et une perte de précision. J’essaye donc de faire en sorte de ne pas à avoir à bouger la tête et donc les yeux. Toujours pour simplifier les choses, j’aime bien mouiller mes billes avant de les expédier car je trouve que c’est plus efficace que de simplement tremper le Cobra dans l’eau de temps en temps. L’eau va agir comme un lubrifiant qui va réduire les risques d’éclatement et faire gagner de la vitesse à l’appât qui pourra atteindre une distance supérieure. Pour y parvenir, j’utilise un seau spécial qui fonctionne comme un écumoire. J’y introduis les billes, je le trempe dans l’eau et le ressors aussitôt puis je le fixe sur une pique à portée de main. Y’a plus qu’à !
Le tube lance bouillette est l’outil idéal pour le carpiste qui cherche à mettre en place une approche discrète basée sur un rappel régulier. Puisque qu’introduire peu de nourriture mais régulièrement fonctionne mieux que de faire un tas au départ puis d’attendre, le Cobra devient roi et ne quitte jamais mon équipement. Même si j’utilise le spod en priorité pour amorcer plus facilement des quantités plus importantes, le tube reste un accessoire dont je ne sais pas me passer surtout pour les pêches à courtes et moyennes distances, dans les petits milieux, lorsque les carpes sont craintives ou qu’un règlement interdit l’usage du bait rocket. Quand on a trouvé ou conçu des appâts aux propriétés bien adaptées, on peut ressentir un réel bonheur à se servir de cet accessoire d’amorçage. D’ailleurs rares sont les novices, enfants ou grands enfants qui résistent à l’envie d’essayer de lancer très loin une bouillette avec un tube quand on leur en offre l’occasion ! Et lorsque l’on a réussi à en lancer une, on veut essayer d’en envoyer une autre, puis une autre, … Cela devient addictif ! Parfois, les petits plaisirs sont les meilleurs.