Il y a une dizaine d’années en arrière, alors que je traquais déjà les carpes depuis plus de 20 ans dans des eaux sauvages principalement, je me suis lassé de plusieurs choses : pour être poli, de la complexité de la réglementation des eaux publiques ainsi que l’approche classique au spot qui faisait l’unanimité à l’époque et qui continue aujourd’hui à avoir le vent en poupe. En effet, quand vous avez installé le camp, cherché et trouvé des zones où placer vos montages, y mettre quelques poignées d’appâts et puis tendu les lignes, le temps est long ! A contrario, l’approche d’un plan d’eau privé se fait en général du bord puisque les embarcations sont souvent interdites et la stratégie à mettre en œuvre n’est pas de tout repos si on veut réussir à tirer son épingle du jeu dans ces eaux en général sous pression. Dans le privé, on pêche rarement tout seul, il y a des concurrents potentiels tout autour du plan d’eau, les poissons ont parfois été piqués plusieurs fois et connaissent la musique. Inutile de préciser que la pêche sera beaucoup plus complexe qu’en eaux libres et que la stratégie pour réussir ne laissera que peu de temps à l’oisiveté et peu de place aux approximations.
La pêche aux infos
Avant même d’arriver sur les lieux le jour J, il convient de se renseigner au maximum sur l’endroit choisit. Pour ce faire, tout est bon à prendre en compte ! Consultez en priorité le site internet du lac où on trouvera en général, le plan des postes, la réglementation, les belles prises ainsi que des informations sur le cheptel en carpes mais aussi bien d’autres choses comme les coordonnées de la ou des personnes responsables des lieux. Très souvent, ils sauront vous renseigner mieux que quiconque car toujours présent sur place tout au long de l’année et passionné par leur métier.
Bien sûr, c’est toujours instructif de rechercher les photos et les vidéos que des pêcheurs ont publié sur les réseaux sociaux avec la volonté de partager leur session sur l’un des postes du plan d’eau et pourquoi pas celui qui vous intéresse ! Ce qu’il faut chercher à découvrir, c’est la configuration des différents postes avec leurs avantages et leurs inconvénients. C’est important de connaître leur profondeur moyenne, la zone de pêche qu’ils offrent, leur ouverture sur l’eau et leur encombrement. Ce dernier facteur, vous permettra de remplir vos bobines de moulinet avec un corps de ligne de diamètre adapté à la présence d’obstacles ou non mais aussi en rapport avec la distance de pêche à atteindre. Lisez bien le règlement car la tresse est prohibée presque partout et certains sites interdisent l’usage de tête de ligne ! C’est donc un vrai problème surtout lorsqu’il faut pêcher loin et faire des lancers appuyés sans risquer la casse. Une solution consiste à employer les très spécifiques « Double tapered line », comprenez par là une ligne de 300 m en 30/100 par exemple se terminant progressivement en 50/100 à chacune de ses extrémités, sans aucun nœud. Certains montages peuvent être interdits aussi tout comme les hameçons avec ardillons et/ou de taille trop importante.
Un autre aspect déterminant dans la préparation d’une session sur une eau close est le choix des appâts et de l’amorçage en quantité et en qualité. Il sera en lien avec le cheptel présent. On n’emportera pas la même chose pour pêcher dans un carpodrôme et faire du rendement que sur un plan d’eau à spécimens où nagent seulement 50 gros poissons dans 40 ha ! Il faudra aussi tenir compte de la présence d’indésirables ou non. Ce sont des questions importantes à poser au(x) responsable(s) des lieux car cela va fortement influencer le choix de la taille et de la dureté des appâts en plus de l’aspect quantitatif. Même si en général ils ont été retirés lors des vidanges, quand elles sont possibles, il peut y avoir une grosse population de poissons blancs, des écrevisses et parfois des poissons-chats à gérer. Comme il vous faudra parfois réserver un poste sans même avoir déjà mis les pieds au bord de l’étang, recueillir tous les renseignements avant est donc très important dans votre préparation matériel et stratégique afin de ne pas être pris au dépourvu pendant votre session.
Une fois sur place
Une chose que j’aime bien faire quand je suis en mode découverte d’un nouveau privé, c’est d’arriver sur les lieux un peu plus tôt que l’heure prévue de libération de mon poste pour pouvoir échanger avec le pêcheur qui l’occupait juste avant moi. Souvent, il a déjà construit quelque chose qui a fonctionné ou pas et il va falloir faire petite bouche et grande oreille pour recueillir un maximum d’informations qui feront gagner un temps précieux ! Quand on sait tout ce que notre prédécesseur a fait, on peut alors faire des choix plus sereins et judicieux, comme de reprendre son coup en lançant à la même distance au même endroit, surtout s’il a cartonné ! Dans le cas contraire, il faudra faire autre chose et pêcher plus loin que lui étant donné que très souvent la zone en avant de son coup est cramée à cause de son amorçage, des fils et des retours répétés bruyants des spods en surface. Il y a aussi le cas de figure où le poste était vacant donc c’est en allant discuter avec les autres pêcheurs déjà en place autour du lac que l’on pourra comprendre quelques trucs qui nous seront forcément utiles pour ajuster notre approche sur notre zone de pêche.
Quand je prends possession des lieux, je commence toujours par monter le rod pod et les cannes en priorité. Ensuite, j’expédie mes trois montages de façon bien étalée, tous accompagnés d’un stick ou d’un sac soluble que j’ai préparés à l’avance. De cette manière, je peux déjà enregistrer un départ pendant que je monte le campement! Je n’oublie pas de bien repérer où chaque montage repose, comme ça, je serais capable d’en replacer un autre au même endroit en cas de touche. Après, je me débrouille toujours pour pouvoir observer l’eau devant moi en permanence, même quand je suis assis à l’intérieur de mon biwy. L’idée est de ne rien manquer des manifestations des poissons sur ma zone de pêche de façon à pouvoir réagir au plus vite s’il faut déplacer les cannes sur un autre secteur où les carpes bougent et montrent des signes de leur présence.
Un bon départ
Maintenant que l’abri est monté et que tout ce qui va à l’intérieur est en place, les choses sérieuses vont pouvoir démarrer. Toujours pendant que mes trois lignes en tête chercheuse font leur job, je vais commencer à sonder mon poste à l’aide d’un flotteur marqueur et d’une règle graduée de 5 m posée au sol entre deux piques. Au lieu de donner du fil 50 cm par 50 cm jusqu’à ce que mon flotteur soit visible en surface, je vais faire l’inverse : fil tendu et les ailettes du marqueur visible à la surface, je vais faire passer mon fil derrière la pique du 0 et déplacer mon scion en suivant les graduations tout en tirant sur la ligne jusqu’à ce que le flotteur vienne en butée contre le plomb posé sur le fond. Il ne me reste plus qu’à lire la profondeur exacte sur la règle, là où la pointe de mon scion s’est arrêtée.
Si j’ai pris le temps de clipper à une distance de pêche connue, par exemple 120 mètres, je peux reporter mes mesures sur un graphique avec la distance en abscisse de 5 m en 5 m et la profondeur sur l’ordonnée. Ensuite, je ramène 5 m de fil et je reproduis l’opération jusqu’à ce que le montage pour sonder arrive au bord. De cette manière, en reliant chacun des points de mesure, je vais voir apparaître le profil du fond sur une feuille de manière très précise, sans oublier d’y indiquer mes axes de lancer. Cette opération cruciale va me permettre de savoir combien j’ai d’eau sur mon coup au cas où je souhaiterais pêcher au zig mais aussi de découvrir la présence d’éventuels mouvements de terrain ou de structures sur le fond. Même si je ne vais pas y passer ma vie, je prends toujours le temps de mener à bien cette opération qui me permet de savoir où je pêche. Souvent on ne remarquera rien de transcendant puisque beaucoup de plans d’eau privés possèdent des fonds très monotones mais ce n’est pas toujours le cas. On peut parfois trouver une belle cassure, un haut-fond, un changement de nature de fond, un herbier, … Ce qui facilite bien le choix de la zone à amorcer et pêcher. Tout pendant que l’on est occupé à faire cela, plusieurs choses peuvent se produire et nous donner les informations dont on a besoin pour déterminer l’endroit précis où l’on va jeter notre dévolu et le reste aussi. Une carpe peut sauter, il peut y avoir la présence de fouilles sur une zone précise ou, tout simplement, un départ peut avoir lieu sur les lignes en pêche. Si l’une ou plusieurs de ces situations se produisent, je stoppe ce que je suis en train de faire pour immédiatement démarrer mon coup sur la zone qui s’est éclairée.
À la Zlatan !
Chacun voit midi à sa porte mais pour ma part, je regroupe toujours mes lignes sur mon coup de façon à pouvoir l’exploiter au maximum et comprendre le comportement des carpes vis-à-vis de mon amorçage. Cela veut dire que lorsque j’ai trouvé un endroit intéressant cela me suffit, j’arrête de chercher et me focalise sur lui. Mon objectif va être de concentrer les carpes sur une seule petite surface régulièrement alimentée en appâts. C’est la meilleure méthode que je connaisse pour déclencher la concurrence alimentaire chez les poissons et cela sera le cœur de ma stratégie pour déclencher un maximum de touches dans une eau close sous pression. En ce qui concerne la composition de mon amorçage, j’y ai déjà réfléchi en amont et sélectionné les ingrédients qui me semblent les mieux adaptés aux conditions que je vais rencontrer. Par rapport au différentes informations récoltées, je vais chercher à faire en sorte qu’il en reste toujours un peu pour les carpes sur mon coup et que l’attraction soit maximale. En général, il y a toujours une partie constituée de pellets et je dois dire qu’avant de constater une réelle supériorité en termes d’attraction avec les fameux Amino Pellets que proposent Carp Elémentis, j’utilisais un peu n’importe lesquels ! En fait, c’est Bertrand Nicod, le boss, qui m’a dévoilé que toute leur gamme Amino bénéficie d’un nappage supplémentaire qui a pour effet de décupler les capacités d’un simple pellet à intéresser une carpe ! Un peu dubitatif au début, j’ai bien dû me rendre à l’évidence lorsque les touches se multipliaient dès que je les utilisais en eschage ou en stick !
À cela, j’ajoute toujours des bouillettes, en général une seule formule issue des recherches de la même société, la Ginger Pepper tellement cet appât fonctionne parfaitement dans toutes les conditions que j’ai pu rencontrer jusqu’à maintenant. Une partie est laissée entière et l’autre broyée grossièrement pour faire de la particule. J’ajoute aussi à mon mélange de la graine. Suivant la présence d’indésirables, je vais jongler entre du chenevis, du maïs doux, des noix tigrées et de la graine toastée. J’aime ajouter un peu de liquide à cela sous forme de dip Ginger Pepper, de liquide de vers de vase ou d’huile de saumon. Rien de bien extraordinaire mais j’ai toujours été satisfait de ce type de mélange, après chacun fera comme il l’entend et comme toujours, le meilleur ingrédient d’un amorçage c’est la confiance, il est indispensable de croire en ce que l’on fait pour que ça fonctionne ! Je ne vous cache pas que parfois j’amorce n’importe où devant moi mais précis sans qu’il n’y ait rien de particulier au fond pour arrêter les carpes. C’est souvent le cas dans beaucoup de plans d’eau qui ont des fonds très réguliers et monotones. Comme l’a bien qualifié mon copain Seb qui a souvent le mot juste, je pêche à la « Zlatan »! Ce sont les poissons qui viennent à moi ! LoL ! En fait c’est l’amorçage qui va faire rentrer les carpes et pour cela rien de tel que de mettre en place des rappels réguliers au spod comme je l’ai souvent écrit dans ces colonnes.
Certes c'est technique !
Quand on a bien pris la peine d’étudier la pièce d’eau privé que l’on a choisi de pêcher et que l’on a peaufiné sa stratégie d’amorçage et de placement de ligne, on a déjà mis pas mal d’atouts de son côté ! Mais la pêche dans ce type d’eau est loin d’être simple ! Malgré des cheptels magnifiques, des poissons en nombre et triés sur le volet, la carpe reste un animal capable de s’adapter à son environnement et à la pression de pêche. Plus elle va vivre d’expériences désagréables et plus elle va devenir compliquée à piquer. On a tous vu ces vidéos subaquatiques, où elles parviennent à éjecter les montages les plus pointus avec une facilité déconcertante ! En plus de ce phénomène, on n’est pas tout seul, avec des centaines d’hectares d’eau et de carpes non éduquées juste pour nous, on ne peut pas se déplacer de poste en poste librement, on doit respecter un règlement, des axes et des distances de pêche pour placer ses montages et on est limité dans le temps ! C’est un challenge passionnant que de plus en plus de pêcheurs aiment relever. C’est plus difficile qu’une session classique dans une eau libre mais c’est plus enrichissant car c’est quand on doit affronter des difficultés supplémentaires que l’on progresse. Mais surtout, la confrontation amicale avec les autres pêcheurs présents en même temps que vous va vous permettre d’évaluer votre performance, de comprendre ce qu’il y avait à faire pour obtenir de meilleurs résultats et surtout de découvrir de nouvelles connaissances qui vous serviront dès demain pour déclencher plus de touches lors d’une prochaine sortie sur ce genre de site mais aussi dans vos pêches de tous les jours dans le domaine public. Pour finir, je vous invite à partager vos résultats et les photos de vos prises sur les réseaux sociaux ou autres car ces informations seront utiles à toute personne intéressée et puis un peu de publicité fera toujours plaisir aux gérants de ces structures.