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Compromis… Choses dues ? Réflexions d’un pêcheur de carpes

Allongé sur mon bedchair, je songe à cette petite bille rose de 14mm, suspendue à quelques centimètres du fond, sur une tache de pellets savamment amorcée. Je l’imagine là-bas, à quelques 250m de ma berge, perdue au milieu des centaines d’hectares de ce lac encaissé sous 3m d’eau…. Ma confiance est à bloc ! Ma bille rose m’a rapporté deux trésors en seulement quelques heures, dont un que j’attendais depuis très longtemps, et deux autres sur un montage similaire lui aussi immergé dans l’immensité sur un autre spot à quelques centaines de mètres du premier… Je mesure à ce moment la confiance démesurée, la foi presque mystique et irrationnelle que j’accorde à une simple boule parfumée armée d’un bas de ligne et abandonnée au milieu de nul part. Je m’endors en rêvant que j’ai ce soir-là trouvé le bon compromis

En effet, j’ai toujours pensé que la pêche de la carpe comme on la pratique était une pêche de compromis. J’ai depuis toujours la conviction de ne pas faire au mieux, mais de plutôt faire au moins pire. Avouez qu’il faut une certaine dose d’optimisme, de confiance, voire d’inconscience, pour tout miser sur un bas de ligne esché et raccordé à un plomb et espérer qu’une carpe finira par s’y pendre, sans aucun contrôle de notre part, sans savoir quel drame se joue à l’autre bout du fil. Mon bas de ligne est-il emmêlé ? Comment se présente mon montage ? A-t-il été aspiré par une carpe ? Combien de fois ? Y a-t-il seulement des carpes sur mon spot ? Comment le savoir ?

Eric avec un superbe fish dans les bras !
Crédit photo :

Elles apprennent vite !

Pour illustrer cette pêche que je qualifie du moins pire, je vais vous raconter une anecdote.

Un ami possède un étang d’à peine 1ha qui est peuplé d’environ 60 carpes. Ça n’a rien d’énorme quand on compare à nombre d’étangs commerciaux où on est plus proches des 250 à 300 carpes minimum à l’hectare.

Cet étang n’est jamais pêché. Ni mon ami ni ses proches ne sont pêcheurs, à part moi. Les carpes y sont nourries au pain et n’ont aucune peur des humains bien au contraire. C’est un vrai spectacle de les voir s’approcher jusqu’à parfois sortir de l’eau sur le flan pour avaler les morceaux de pain qu’on leur jette. Les enfants adorent ! Et moi aussi …

Je ne sais pas si c’est pareil pour vous, mais dès que je vois un poisson, quelle que soit sa taille ou son espèce, j’ai envie de le capturer. Il était donc naturel qu’un jour je demande à mon ami l’autorisation de pêcher ces carpes si naïves.

Ambiance d'un carpiste heureux
Crédit photo :

C’est ainsi que je me suis retrouvé équipé d’une canne et d’une boite de maïs doux au bord de cet étang. Après avoir déposé quelques poignées de graines à une dizaine de mètres, les touches se sont tout de suite enchaînées, à tel point que pendant une heure trente, j’ai rarement eu l’occasion de poser ma canne sur son support. Et même si les minutes passant les touches diminuaient, j’ai dû prendre une vingtaine de carpes sur ce laps de temps. Et d’un coup, les touches se sont faites plus rares, pour cesser totalement. Mon montage basique (plomb bloqué de 70g, bas de ligne en tresse souple) ne parvenait plus à leurrer la moindre carpe, alors que je les voyais tourner sur le coup et fouiller le fond à la recherche des graines jaunes que je distribuais régulièrement. En un peu plus d’une heure, elles avaient compris, appris, comme moi …

Très étonné et curieux, j’ai eu l’idée d’enlever le plomb et relancer ce montage allégé sur le poste. En tenant ma canne et mon fil dans la main à la manière d’un pêcheur au toc, je sentais très nettement les carpes taper dans mon esche sans se ferrer, même si j’ai pu ainsi en capturer quelques-unes. C’était incroyable et pourtant bien réel ! Comment après ça ne pas être habité du doute quand on pense à cette petite bille rose, armée d’un montage soit disant auto-ferrant, là-bas à 250m au milieu de ces centaines d’hectares? J’ai depuis un certain recul sur l’efficacité de nos montages et de nos approches.

Une pêche stéréotypée

Comme beaucoup de pêcheurs de ma génération, j’ai commencé par faire mes armes en pêchant au coup. Tout jeune, je traquais les gardèches et goujons du ruisseau de mon village. Plus tard, j’ai eu la chance d’être initié à la pêche à la grande canne par quelques habitués de ma rivière. Véritable école de la pêche, elle m’a appris les bases et bien plus encore. Avec un peu de pratique et d’expérience, le coup permet de comprendre l’humeur du jour des poissons. Très vite on apprend qu’en modifiant certains paramètres, on va pouvoir s’adapter et multiplier les touches ce jour-là. J’écris ce jour-là, parce que demain, au même endroit, à la même heure, tout sera à recommencer. Il faudra s’adapter une nouvelle fois. Or, ce qui m’a toujours interpelé à la pêche de la carpe, c’est le côté immuable des choses pour la grande majorité des carpistes que je rencontre. Toujours le même montage, le même bas de ligne, de la même longueur, la même approche, quel que soit l’endroit, quelles que soient les conditions, les populations de poissons, leur degré de méfiance… Tout est bien trop stéréotypé à mon gout et ne correspond en rien à mon approche de la pêche en général.

A l’école !

Que ce soit à la grande canne, à l’anglaise ou encore au feeder, changer un paramètre va tout de suite se traduire par plus ou moins de touches. La quantité de poissons capturables rassemblés sur notre amorçage et qui vont s’intéresser à mon esche, permet cette validation quasi immédiate. Trouver ce qui plait aux poissons se fait par tâtonnements, en faisant évoluer sa ligne selon certains principes que l’expérience nous enseigne. Bouger son plomb de touche, rallonger ou raccourcir son bas de ligne, l’affiner, grouper ou étaler sa plombée, pêcher avec une ligne plus lourde pour ralentir sa dérive…. Tout a une influence immédiate sur le nombre et la qualité des touches.

Un flotteur qui tressaille, qui s’enfonce brusquement et remonte aussi vite, des ferrages dans le vide, traduisent souvent une ligne mal équilibrée, trop lourde pour les conditions, mais ça peut être aussi le fait que mon esche passe au-dessus des poissons ou que ma plombée n’est pas assez étalée.

Ramener sa ligne avec son asticot vidé sans que j’aie vu la moindre touche montre que j’ai été trop optimiste sur la profondeur, que mon plomb de touche est trop haut sur la ligne, ou encore mon bas de ligne trop long.

Je schématise évidemment, je ne tiens pas à écrire un article sur la pêche au coup. Ce qu’il faut retenir, c’est que toutes sortes d’indices visuels nous indiquent quoi modifier pour arriver à obtenir des touches franches et concrétiser les prises. Tout ça s’acquiert avec l’expérience et la répétition des situations. Le cerveau enregistre chacun des paramètres et garde en mémoire un historique de chaque situation vécue pour permettre une adaptation lors de nos prochaines pêches.

Et les carpes alors ?

Si la carpe est un cyprin comme les autres, notre façon d’appréhender sa pêche change totalement la donne ! Comment s’adapter le jour « J » quand on n’a aucune lecture de ce qui se passe autour de notre montage ? Rallonger son bas de ligne ? Le raccourcir ? L’affiner? Amorcer de telle ou telle manière ? Ne pas amorcer ? Oui…. Mais pourquoi ? Comment savoir ce qui va déclencher plus de touches ? Est-ce qu’un poisson pris permet de valider son montage, son approche ? Doit-on s’en tenir là ou chercher encore et encore ? Mais dans quelle direction ? Trop de questions et si peu de réponses. Alors on bricole un montage standard. Celui dans lequel on a confiance depuis toujours ; ou le montage qu’on a vu dans le dernier article de notre revue préférée, ou dans une vidéo promotionnelle de telle ou telle marque. C’est un bon montage puisque « machin » a cartonné dans sa dernière vidéo… Mais on sait tous que ça ne fonctionne pas comme ça. C’est en ce sens que j’écris que notre pêche est une pêche de compromis.

Tout ce qu’on peut déduire de ce que nous raconte notre flotteur lors d’une pêche au coup n’existe plus quand on pêche à plus ou moins longue distance avec une ligne tendue sur un plomb fixe. La faible densité de poissons qui vont s’intéresser à notre bille préférée et donc le très faible pourcentage d’informations qu’on va pouvoir collecter n’aident pas à s’adapter dans l’instant. Et ce n’est certainement pas nos « détecteurs de touches » qui n’en ont que le nom qui vont changer les choses.

Au bouchon !

Ça fait plus d’un an, après en avoir discuté avec des pêcheurs qui pratiquent de cette façon, je me suis intéressé à la pêche des carpes « au bouchon », en rivière. Depuis mon bateau ou du bord, je pêche des postes presque à bout portant, à une dizaine de mètres environ. Cette technique permet de présenter un montage beaucoup plus sensible en termes de touches qu’un montage classique avec plombée lourde généralement employé dans ce cas de figure. Et c’est très net ! J’ai réalisé qu’on passe à côté de tellement d’informations sur nos montages plombés classiques ! Les multiples mouvements du bouchon permettent de s’ajuster à l’humeur du jour évoquée plus haut et de pêcher « juste ». Autant le départ est soudain et brutal sur un montage plombé classique, autant au bouchon c’est un vrai régal de le voir danser plusieurs fois quand un poisson s’intéresse à mon esche. Ma plombée coulissante de 30g n’offrant que peu de résistance, on devine très nettement les multiples prises de l’appât, jusqu’à la touche franche sur laquelle on peut ferrer. C’est magique ! Piégé de cette manière, le poisson surpris n’est jamais violent et généralement facilement maitrisable, c’est un autre avantage sur la plombée, surtout à proximité d’obstacles. L’inconvénient, malgré la grande efficacité d’une telle approche, c’est que ce n’est pas reproductible partout et rarement le bon compromis….

Attrapez-les toutes !

La carpe est assurément le poisson d’eau douce avec le plus important delta de taille et poids. Dans le même milieu peuvent se mélanger des sujets allant de quelques kilogrammes à plusieurs dizaines de kilos. A moins de se spécialiser dans le « spécimen hunting », (le « pin’s hunting » étant plus confidentiel…), en essayant de sélectionner les plus beaux poissons, ou du moins en essayant de dissuader les plus petits, on va adapter sa pêche en fonction des poissons recherchés. C’est ce que je fais sur les barrages et rivières que je fréquente, tout en étant conscient des limites de mon approche.

J’emploie un montage qui ne s’emmêle pas et qui va résister aux attaques des indésirables. Il est calibré également pour résister aux différents obstacles présents dans ces eaux. Bref, c’est plutôt du viril. En plan d’eau bien stocké (prononcez « Day ticket » c’est à la mode), ma philosophie est totalement différente. Je cherche à intéresser le maximum de poissons en espérant toucher les plus beaux. Ici pas de sélection possible tellement la concurrence alimentaire est forte. La pêche fine est reine et les résultats en termes de touches plaident largement en sa faveur. Mes approches sont bien sûr opposées dans ces deux cas, aussi bien en termes de montages que d’amorçage. Je pêche néanmoins le même poisson…

Jouer au plus fin

Le milieu pêché va donc nous contraindre au compromis. Si on est d’accord sur le fait qu’une ligne la plus fine possible produira plus de touches, surtout sur des poissons très sollicités comme c’est le cas sur beaucoup de plans d’eau, la pêche de la carpe ne permet pas toujours cette finesse. En plan d’eau libre de tout obstacle, une ligne la plus fine possible sera toujours supérieure en termes de touches. Mais cette finesse ne pourra pas être exploitée en milieu sauvage et encombré. J’aime à croire que certaines fois en rivière ou en barrage, devant le mutisme de mes détecteurs, je passe à côté de ma pêche du fait des lignes fortes, voire très fortes indispensables dans ces milieux. Le challenge consiste dans ces cas à pêcher le plus fin possible tout en garantissant une certaine sécurité permettant de ne pas perdre chaque poisson ferré.

Adaptabilité

Une fois qu’on a accepté que la meilleure des choses à faire était de tendre vers un ensemble de concessions, on va pouvoir s’adapter en fonction de différents critères, même s’ils sont assez subjectifs. Les heures passées sur un site, la multiplication des situations toutes plus différentes, la curiosité, vont nous guider dans le choix de notre pêche. Tout ce temps passé à traquer notre poisson favori, essayer de nouvelles approches, chercher, analyser vont renforcer notre expérience. Et c’est fort de celle-ci que l’on va pouvoir s’approcher du but à chaque sortie, à savoir trouver et assembler les paramètres qui déclenchent un maximum de touches ce jour-là, pour le meilleur, ou le moins pire…

 

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