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Pêche de la carpe en bateau cabine : l'alternative au rod-pod

Le bateau-cabine envoie au musée halieutique le matériel le plus encombrant tel que le bivy et le bed-chair. Les miens font le bonheur de quelques araignées ayant élu domicile dans mon grenier. Je ne les ai pas offerts à un jeune, on ne sait jamais… si un jour l’envie incongrue de repêcher du bord me revenait. Je ne me suis pas arrêté en si bon chemin d’allégement : mes rod-pods ont rapidement connu le même remisage forcé. Ils ne sont plus que tas de ferrailles.

La pêche moderne de la carpe (la technique du cheveu) que l’on différenciait à ses débuts de la pêche pépère de la carpe (le triple dans la patate) est apparue dans nos contrées tel un ovni vers les années 1988. La pêche en cabine se pratique depuis peu seulement, je dirais les années 2014 environ et avec un essor toujours constant. Elle est donc subséquente à la pêche du bord. Au début les premiers capitaines ne se sont pas posé trop de questions et en conséquence embarquèrent à bord la logistique inféodée à la pêche du bord. Les premiers bateaux-cabines étaient de simples barques agrémentées d’un bivy, d’un bed-chair et de rod-pods. Une pêche de bord sur l’eau en quelque sorte. Deux vents forts plus tard, la découverte du bateau-cabine en dur doté de couchettes envoya par le fond le bivy et le bed-chair, désormais inutiles.

Le déport des rod-pods en hauteur est une alternative plus pragmatique au déport latéral. 
Crédit photo : François Jeanfils

Le rod-pod fait de la résistance

Le rod-pod, lui seul, continue sa résistance héroïque. Il est toujours bien présent sur la quasi-totalité des cabines. Il alimente encore les forums de discussions sur l’aménagement des bateaux tant sa mise en place est laborieuse et exige un certain savoir-faire. L’attacher solidement à la coque sans l’abîmer et surtout sans que sa position ne gêne trop la circulation à bord sont les principaux points du cahier des charges à respecter. Presque tous les bricoleurs ont adopté l’idée du déport horizontal du rod-pod vers l’extérieur du bateau. Personnellement j’avais choisi un système plus original et plus facile à mettre en œuvre car il n’exigeait aucun bricolage savant. La fixation de tubes télescopiques verticaux. Le déport du rod-pod se fait ainsi verticalement en hauteur et de façon réglable. Ce dispositif n’occasionne aucune grande gêne à bord car les mouvements du pêcheur évoluent sous les cannes. Ce système présente deux avantages supplémentaires par rapport au rod-pod déporté sur le côté : la bannière est plus haute, en conséquence elle plonge dans l’eau loin du bateau. Cela facilite beaucoup la circulation des zodiacs autour de la cabine et surtout aussi les combats de mise à l’épuisette. Les risques d’emmêlements avec les autres cannes se réduisent considérablement. Et enfin, la bannière plonge moins dans l’eau et cause moins de tension de courant sur la ligne.

La pêche verticale fait définitivement oublier l’usage du rod-pod. 
Crédit photo : François Jeanfils

Le désamour

Mes premières sessions en cabine en rivière en 2016 réveillèrent une émotion endormie au plus profond de mon cerveau. Celle de la prise de mon premier énorme gardon de 6 cm, dans une autre vie, il y a 55 ans : l’émerveillement. Les départs en nombre dans des zones quasi vierges en pleine nature, oui, l’émotion était semblable. Mais le temps passé depuis mon enfance m’avait appris un autre sentiment, bien adulte celui-là : la frustration. Je perdais une carpe sur deux ou trois départs et bien évidemment pas les plus petites. Les rivières sont encombrées, les carpes connaissent au centimètre près la position de la souche ou du rocher qui la délivrera. Serrer trop le frein du moulin pour ralentir la fuite de la carpe et voilà la canne arrachée du rod-pod et tombée dans l’eau. Était-ce l’impôt à payer pour l’usage de la cabine, une taxe de 30 à 50 % ! Inadmissible ! Par ailleurs certaines contraintes à l’usage des rod-pods commençaient vraiment à m’agacer. À chaque désancrage, il fallait les démonter tous afin qu’ils n’accrochent pas aux branches des frondaisons pendant la navigation et qu’ils n’enravent pas les manœuvres d’encordage aux écluses. Les graines du divorce étaient semées. Je n’aimais plus mes rod-pods, malgré les moments passionnés que j’avais passés à les monter. Je devais trouver une alternative plus séduisante. J’ai lancé ma bouée dans un océan d’intenses réflexions. Et un jour : Tilt ! La solution est tombée d’elle-même sans crier gare. Elle était là, offerte devant moi : la pose verticale des cannes. C’était clair, évident, limpide. Du moins théoriquement.

La courbure du blank de la canne suffit à stopper la fuite des plus furieuses.
Crédit photo : François Jeanfils

Les petites commandes

Excité par ma découverte toute théorique et pressé d’entamer les vérifications empiriques, je commandai le jour même les repose-cannes verticaux. Il existe plusieurs modèles se distinguant par leur système d’attache. Les plus perfectionnés ont un système de roulette pour régler leur orientation optimale. Certains s’attachent aux barrières de protection du bateau, d’autres sur des surfaces horizontales, d’autres encore sur des surfaces verticales. Furtif, mon bateau, s’est vu garnir en poupe, en proue, à tribord et bâbord, bref tout autour de lui à 360 degrés, ces fameux petits tubes en inox, nettement plus discrets, légers et faciles à installer que des rod-pods. Mes réflexions m’avaient aussi emmené sur le terrain de la détection des touches. L’emploi des avertisseurs sonores habituels était exclu, le monde siluriste vint à la rescousse : les détecteurs verticaux. Il en existe de très performants et les plus sophistiqués sont dotés de centrale à distance. Quelques clics sur un site de vente halieutique, une petite chauffe de ma carte bancaire et voilà le colis trôner sur la table du salon et exciter ma curiosité. Ce sont en fait de réels petits bijoux aussi performants que mes Delkims. Ces derniers fricotent désormais eux aussi avec les araignées.

Les avertisseurs conçus pour les siluristes conviennent parfaitement pour la pêche de la carpe en cabine. 
Crédit photo : François Jeanfils

Le premier essai

Avant même de partir à l’as saut de la rivière, je savais que la technique des porte-cannes verticaux allait m’apporter une bonne revanche, j’étais confiant. Mais comme toujours avant les premières fois, il y a cette dose d’interrogations qui pimente l’aventure. Lors de la mise en œuvre, c’est d’abord une heureuse surprise inattendue qui s’offrit à Furtif. Je m’explique. Lorsqu’on pêche avec des rod-pods l’orientation du bateau revêt de l’importance car les cannes doivent être orientées en formant le moins possible d’angles d’attaque. Avec les porte cannes verticaux cette contrainte n’existe plus du tout car chaque canne est orientée directement vers le montage, formant ainsi l’angle le plus parfait qui soit : 0 degré. En conséquence le bateau peut être placé dans n’importe quel sens. C’est un gain considérable de temps d’installation, de confort et de sécurité. En rivière, j’oriente la cabine face au courant et en lac face au vent dominant. Le confort s’en voit nettement accru en raison du moindre claquement bruyant des vaguelettes sur la coque. Et la sécurité en est aussi augmentée car un bateau affronte plus facilement une crue ou une tempête quand sa proue lui fait face. Et grosse cerise sur le gâteau : gain de temps d’ancrage car il ne faut plus chercher l’orientation optimale du bateau pour les rod-pods. Revenons à mon premier essai sur la rivière. Mon choix de poste s’orienta sur une zone où j’avais perdu quelques poissons lors de sessions précédentes. Arbres immergés, fonds enrochés… un vrai champ miné, refuge idéal des carpes. Une pêche d’obstacles. Les cannes furent placées comme j’en avais l’habitude c’est-à-dire en exploitant au maximum les 360 degrés qu’offre la cabine. Cannes hautes, les bannières s’écartent bien du bateau, la circulation des zods autour du bateau ne pose plus aucun problème. Les cannes sont solidement fixées, aucun risque de chute dans l’eau même en cas de violents départs, de rafales de vent ou d’accrochage accidentel de la canne par le pêcheur. Les freins sont bloqués. L’attente du premier départ commença par un mélange d’excitation et d’interrogations. Comment allait réagir la canne ? Les avertisseurs allaient-ils assurer leur fonction ? La carpe allait-elle exploser la ligne ou se décrocher trop souvent ?

À la verticale, Il n’y a plus lieu d’orienter le bateau en fonction de la position des rod-pods. Le bateau est systématiquement orienté face à la force la plus forte, ici le courant de la rivière. 
Crédit photo : François Jeanfils

La première courbure

Permettez-moi d’introduire ce nouveau mot halieutique, « courbure ». Les mots « départ » ou « déroule » si bien mariés aux cannes reposant sur le rod-pod n’ont plus de légitimité avec la technique verticale. Le montage reposait devant un arbre immergé et affrontait un courant soutenu grâce à une pierre dense de la taille d’un poing. Mes plombs de pêche font aussi partie de l’attirail remisé. Et au passage tant mieux pour l’écologie. Au petit matin, à l’heure des brumes enveloppantes et du café fort, la canne se courba soudainement à fond et baptisa mon nouvel avertisseur. Le son, modulable, aigu ou grave de l’avertisseur fait d’abord place à d’autres sons surprenants qui étaient tout à fait inattendus. D’abord un bruit de claquement sec suivi par un son plaisant de guitare, le bruit de la bannière qui se tend dans les anneaux et ensuite qui fend l’air. La détection de la touche ne pose donc aucun problème. Elle vaut largement les longs sons stridents des avertisseurs traditionnels. Quant aux autres interrogations (le comportement de la canne et les risques d’explosion de ligne) la bonne surprise fut aussi au rendez-vous. Immédiatement après la piqûre dans la lèvre de la carpe la ligne se tend et actionne directement le rôle d’amortissement du blank. Le poisson n’a pas l’opportunité de prendre son élan, il joue puissamment au yoyo et généralement finit par monter en surface. Le pêcheur déloge sans précipitation la canne du support vertical et termine le combat en veillant à ce que la carpe ne se réfugie pas dans l’obstacle.

Depuis peu j’emploie des cannes de 6 pieds. 
Crédit photo : François Jeanfils

Cette technique ne se conçoit qu’avec des montages solides. Hameçon fort de fer et tresse de minimum 45 lbs. Oubliez les montages d’étang facile et les chipoteries au fluorocarbone qui cassent comme du verre. La pêche verticale n’est justifiée que pour les pêches d’obstacles rétorquera l’aficionados du rod-pod. Eh bien NON ! En eaux ouvertes et propres, il suffit d’ouvrir son frein. En cas de touche, le moulin donnera son fil, la canne se courbera aussi et actionnera l’avertisseur. D’autres réfractaires me rétorqueront l’absence d’avertissement des touches à revenir. Effectivement c’est un point faible. Mais l’emploi des balanciers est de toute façon impossible sur les cannes posées sur un rod-pod sur un bateau cabine. Les mouvements incessants du bateau, même avec les cordes bien tendues sur les élastiques, font bouger les balanciers en engendrant des bips intempestifs. Ils n’ont pas leur place sur un bateau.

Poisson de 19,8 kg extirpé de l’arbre à l’arrière-plan.
Crédit photo : François Jeanfils

Conclusion

Prisonnier de l’effet panurge le nouveau capitaine installa trois rod-pods sur son bateau cabine. Deux en poupe et un en proue, tous déportés en hauteur pour une mobilité facilitée sur le pont. Quelle fière allure ils avaient ! Le symbole du carpisme comme fanion du bateau. Mais la pêche en cabine est singulière, la logistique inféodée à la pêche du bord ne lui convient pas systématiquement. Le capitaine s’en trouva déconfit. C’est en troquant ses rod-pods au profit de tubes verticaux qu’il retrouva sa sérénité. Par esprit de corps dans la capitainerie il dévoila son expérience dans ce papier. Il hésita longuement sur le titre, il aurait pu choisir : « Gloire et décadence du rod-pods » ou « Balancez vos rod-pods dans la fosse des Mariannes ». Après le point final il s’enorgueillit de savoir qu’aucun détracteur ne pourra désormais plus lui contrer un seul argument pour le faire changer d’opinion. De toute façon, il en était venu à détester les rod pods à bord, responsables de trop de pertes de carpes. Un remariage est désormais impossible.

La pêche en cabine permet de pêcher en éventail sur des spots parfois impraticables du bord 
Crédit photo : François Jeanfils

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