Alors bien sûr vu de la surface et muni d’un aquascope il est possible de déterminer les zones d’herbiers, les tâches propres et bien d’autres choses (encore faut-il que les conditions climatiques soient propices et pas trop remuantes), mais une fois sous l’eau l’angle de vue change radicalement passant du vertical, à une vue quasi horizontale et panoramique. La plongée donne la possibilité de se positionner au plus bas de la couche d’eau et d’observer le décor à la façon d’un poisson.
Une fois immergé l’on se rend compte que les herbiers forment d’énormes dunes végétales façonnées par le vent et les courants, dignes d’un paysage lunaire verdoyant. Les herbes sont comme torsadées avec des teintes de couleurs allant du vert foncé au jaune pâle. Il est parfois possible de nager plus d’une demi-heure sans trouver la moindre tâche accessible où poser un montage sur le fond. Les herbiers n’en finissent plus représentant quelques fois jusqu’à 90% de la surface du lac.
Sur certaines zones les plantes aquatiques forment de véritables murs végétaux infranchissables pour l’humain que nous sommes, mais à travers lesquels les poissons passent avec une aisance déconcertante. Il y a quelques mois j’ai suivi plusieurs poissons au milieu de massifs d’herbiers très denses.
Vus de la surface, les herbiers formaient de grandes plaques très resserrées composées d’herbiers et de mousse jaunâtre, mais une fois sous l’eau les tiges d’herbiers montant vers la surface étaient moins denses et laissaient apparaitre des passages pour les poissons… Dans ces murs végétaux il y avait comme des « portes » par lesquelles les poissons se faufilaient pour fuir ma présence un peu trop insistante. C’est leur habitat et ils le connaissent comme leur poche.
Sous l’eau on observe régulièrement des sillons d’à peine 20cm de large parcourant, çà et là, les fonds tapissés d’herbiers. Chemins empruntés par les poissons ? C’est fort possible, la plongée vous apportera de toutes façons plus de questions que de réponses… Les poissons évoluent dans leur milieu avec une fluidité qu’on est loin d’imaginer. Des poissons me sont d’ailleurs apparus plusieurs fois en plongée comme s’ils sortaient de nulle part, glissant entre deux pousses d’herbiers, et même parfois calés sur le fond herbeux totalement statiques.
De gros massifs d’herbiers dérivant se détachent vers la fin de l’été. Il ne faut pas s’y tromper ces masses d’herbe imposantes se déplacent au gré du vent, s’accrochant sur certains obstacles ou s’entassant le long d’une bordure, une partie aura même tendance à couler. Ils peuvent être un véritable calvaire pour les pêcheurs en embarquant leurs lignes.
Je me doutais bien qu’ils pouvaient représenter une cache intéressante pour les poissons, et effectivement lors de l’une de mes prospections une énorme quantité d’herbiers s’était accumulée le long d’une berge (sur une trentaine de mètres de la bordure vers le large). Du bateau impossible de voir ce qui se passait en dessous, lors de la première apnée je me rendis d’abord vite compte de l’épaisseur colossale de la couche d’herbe en suspension (1m -1m50), je piquai ensuite vers le fond et découvris une bande de sable superbe avec deux miroirs tranquillement cachées sous ce couvert végétal. Puis d’autres poissons se firent remarquer un peu plus loin. Sans être passé sous la surface je n’aurais surement pas décelé la présence de ces poissons (L’usage d’une caméra et d’une pige serait cependant envisageable)
Au-delà du plaisir que représente la plongée, il faut bien l’admettre c’est avant tout dans le but de trouver des spots que nous passons sous la surface. Dans ces plans d’eau particulièrement envahis d’herbe c’est une manière de localiser de petites zones propres (sable, gravier, vase) permettant de présenter nos montages traditionnels de façon correcte.
Mais d’autres zones particulières apparaissent au milieu des herbiers, je les appelle vulgairement les « bauges » à carpes. A différents endroits on peut observer des zones de quelques mètres carrés où les herbiers sont comme aplatis. Cela forme des cuvettes entourées des hauts herbiers qui semblent avoir été fréquentés par des poissons (carpes, silures ?). La couche d’herbe sur le fond est toujours omniprésente mais bien moins épaisse, permettant d’envisager des présentations décollées (façon zig). J’ai souvent vu des poissons rôder à proximité de ces bauges, de là à les capturer il n’y a qu’un pas.
Je terminerais avec un conseil de sécurité, en particulier dans ces lacs herbeux mieux vaut plonger en étant accompagné et ne pas risquer de trop s’enfoncer dans les massifs d’herbiers. Les palmes ont facilement tendance à s’empêtrer dedans et pourraient vous coincer sous la surface.