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Stalking : la technique de l'ours pour pêcher la carpe

Petit clin d’œil à celui qui répète à loisir que « quand on n’est pas intelligent il faut être malin », parlons d’une méthode d’approche pratiquée depuis longtemps par quelques-uns, et qui mériterait d’être encore étendue : la technique de l’ours, ou comment utiliser un moindre matériel au service d’un maximum d’efficacité ? Que faire avec une seule et unique canne en rivière (ou en lac lorsque la configuration le permet) ?

Ce n’est pas si simple, et l’erreur fatale est d’aborder la question avec des théories figées. Mais cela peut devenir beaucoup plus clair avec l’expérience et si l’on utilise bien ses capacités d’observation, ses qualités naturelles de prédateur, si l’on perçoit les signaux faibles… Le plantigrade velu n’a pas le choix s’il veut attraper un saumon, il doit faire avec les outils dont la nature l’a doté, et que l’évolution a perfectionnés, comme sa capacité de plonger, des pattes et des griffes. Avec cela il dégomme un paquet de poissons ! Il utilise ses armes au maximum de leur capacité. Il est vrai qu’à ses débuts le petit our son tâtonne. Il échoue beaucoup mais apprend sans cesse. Puis en grandissant la technique s’affine, il sait où se placer dans la veine de courant et son apprentissage lui permet d’écarter tous les mauvais postes pour choisir le bon, presque automatiquement. Celui qui n’a jamais pratiqué la rivière ainsi avec une seule canne et un seau d’appâts est à l’image du petit ourson, parfois un peu perdu. C’est vrai, beaucoup de berges se ressemblent et les postes sont parfois rares pour se poser. En fait il y a plusieurs escales pour réduire la voilure et mettre définitivement le cap vers l’absolu minimalisme. Du classique « biwy + 4 cannes + rod pod », il faut d’abord descendre vers le « brolly + 2 cannes + piques », et ensuite distiller la chose jusqu’à l’essence même de la pêche, soit « un le velchair + une canne + 1 pique ». On ne peut pas faire moins.

Partir pêcher la carpe en rivière avec seulement une canne et quelques poignées d'appâts, c'est franchir un cap psychologique, c'est traverser un pont vers l'essentiel.
Crédit photo : William Raveleau

Stalk stalk (such a shame)

En écho à Talk Talk, groupe emblématique des années 1980 et leur titre « Such a Shame » (Tellement Dommage), on peut dire en effet que c’est tellement dommage de ne pas s’essayer au stalking ! En grossissant le trait, deux grandes écoles s’affrontent pour provoquer la rencontre entre le pêcheur et les carpes : les faire venir ou aller les chercher. Selon les conditions de pêche, l’une des voies est toujours supérieure à l’autre et en réalité on passe bien souvent à côté de l’option légère qui consiste à aller les traquer. Bien sûr les grosses séries de poissons calibrés ont plutôt tendance à être réalisées sur amorçage, mettant en jeu un phénomène d’accoutumance. Mais lorsque l’on ne dispose que de quelques heures par-ci par-là pour la pêche, alors le stalking prend tout son sens. Même lors d’une session, il peut être très efficace de quitter le poste quelques heures par jour pour trouver quelques poissons bonus hors des sentiers battus. Opportunisme, polyvalence, réactivité !

Une pique, une canne
Crédit photo : William Raveleau

Latitude zéro

Avez-vous lu « Latitude Zéro » de Mike Horn ? On y suit les pas de l’aventurier – désormais médiatisé, mais en 1999 il ne l’était pas beaucoup - qui fait le tour du monde sans s’éloigner de plus de 40 km de la ligne de l’équateur. Celui qui pratique le stalking en rivière, sa latitude zéro à lui c’est la berge. Et pour une observation correcte, il ne peut s’en éloigner que de quelques mètres tout au plus. En bateau c’est pratique, mais on a tôt fait de faire fuir les carpes, surtout avec un moteur allumé. À la rame ce n’est guère beaucoup mieux. Dans cette pratique d’observation par voie navigable ce sont encore les float-tubes et les paddles qui s’en sortent (très largement) le mieux. L’autre solution consistant à approcher la berge en cheminant tranquillement est très discrète. En marchant en retrait et en s’approchant à pas feutrés il est souvent possible de surprendre des carpes dans les bordures. C’est le mieux, MAIS encore faut-il pouvoir passer ! Et là, souvent ça pique : les ronces, les barbelés, les éboulis de pierre, les arbres en travers… Tout autant d’obstacles qui compliquent l’observation depuis les berges. N’est pas Mike Horn qui veut, et entre la théorie et la pratique il y a les piqûres d’orties et les tiques ! À vous de déterminer la meilleure approche, mais dans tous les cas une grande discrétion est de mise. Une paire de polarisantes efficaces et un point de vue surplombant l’eau sont également déterminants pour déceler les signaux faibles lors de la phase d’observation : une tache claire de grouinage, une zone fouillée ou l’eau est plus trouble, ou tout simplement cette petite voix qui vous chuchote à l’oreille que ça sent la carpe à plein nez !

Le bonheur ne vaut que s'il est partagé. Merci Victoria, on a bien géré de ce côté-là. 
Crédit photo : William Raveleau

Spots

Les quelques mètres à proximité des berges sont réputés pour leur richesse vivante, végétale ou animale. De plus, en rivière c’est ici que les abris sont largement les plus nombreux, les plus courants étant des arbres tombés et des enchevêtrements de racines. Un premier tri se fait lorsque l’on observe les berges, et selon la force du courant certains micro-spots seront naturellement visités par les carpes tout au long de la journée alors que d’autres places, parfois très longues, ne voient que rarement des poissons. Sur la longueur, les bordures se décomposent en 3 types : les tenues, les couloirs de passage, et les zones d’alimentation potentielles. Autant les tenues sont bien marquées, que les deux autres sont plus difficiles à distinguer en particulier les zones d’alimentation qui sont parfois vastes et dont la bande rivulaire qui nous intéresse ne constitue souvent qu’une petite partie. Les couloirs de passage quant à eux ont pour trait commun leur étroitesse, par exemple entre un amas de branches et une bande d’herbiers et sont difficiles à pêcher en raison de leur encombrement. Ce que je recherche ce sont préférentiellement les postes de tenue. Avantage : les poissons y séjournent de façon assez régulière. Inconvénients : leur encombrement (c’est pour cela que les carpes s’y sentent protégées) et aussi le fait que l’on fasse rapidement fuir le banc suite à une prise. Mais globalement la pression de pêche a baissé en rivière, et si l’on trouve les poissons et que l’on arrive à poser proprement une canne, on est à peu près sûrs de déclencher un départ.

Commune lotoise très "commune" de rivière, mais tellement sympa à pourchasser avec une seule canne !
Crédit photo : William Raveleau

Sois comme l'eau...

Essentiel pour déceler les tenues, il est nécessaire d’être (ou de devenir) un excellent observateur et comprendre les mouvements de l’eau. Les endroits qui attirent et maintiennent les carpes présentent souvent les caractéristiques additives suivantes :

  • Un maximum de shallow (bois, couvert vé gétal), des berges creuses ; idéalement une zone dégagée à l’arrière ou en dessous.
  • À l’abri du courant principal (surtout s’il est soutenu) mais rarement dans une zone d’accumulation des débris/vases (sans courant) ;
  • Offre une voie d’accès dégagée au lit de la rivière, elles aiment par exemple si à proximité de la tenue il y a une zone profonde (vrai également en lac !)

Bon placement pour pêcher à vue, en surplombant l'eau, on gagne beaucoup en visibilité avec les polarisantes. Aucun déplacement sur la berge et un espece dégagé permettant un combat sûr. 
Crédit photo : William Raveleau

Avant même d’aller traquer, il est essentiel de re garder la rivière sur un plan « macroscopique », de comprendre comment l’eau chemine et quelles sont les zones de calme et d’accélération de courant. En général les meilleurs spots se situent à l’interface. En rivière, l’eau est accélérée à l’extérieur d’un virage. La profondeur est souvent supérieure et le fond plus dur. L’intérieur du virage, surtout la partie en aval recevra davantage les accumulations de sédiments. Nous parlions de signaux faibles en début d’article, eh bien nous y sommes. Lorsque l’on suit attentivement une rivière sur une portion qui semble relativement droite, en y prêtant attention on trouvera de nombreux décrochés, des avancées pierreuses ou des branches, puis des zones plus en retrait. Cela joue énormément sur la vitesse du courant, qui est « cassé », les carpes adorent. Une zone plus profonde derrière un radier verra sa vitesse d’eau chuter, la section de passage étant plus grande. Si c’est encombré : hot spot en puissance !

Une victime de la pêche à vue, au milieu des barbeaux.
Crédit photo : William Raveleau

L'homme qui a vu l'homme qui a vu l'ours (qui a vu les carpes)

Quelques mots sur le temps à accorder et l’attitude à observer lors de la traque. Sur un bief nouveau je n’hésite pas à y accorder au moins une demi-journée. Et sur un poste qui semble prometteur on n’hésitera pas à se figer vingt minutes sur place sans quitter des yeux tout ce qui se passe au fond. Cela peut paraître long, mais combien de fois arrive-t-il de ne rien voir durant un quart d’heure ? Puis tout à coup tout bascule lorsqu’une masse sombre glisse en extrême bordure, puis une demi-douzaine, pour repartir et repasser un peu plus tard. Souvent ce phénomène est cyclique et la période variable. Elles vont passer un moment dans les arbres, puis de temps en temps en sortir discrètement pour prendre le large et se décaler vers le lit, et revenir se positionner toujours face à l’amont en remontant le courant (et souvent en suivant la berge). Si l’on ne prend pas le temps de s’arrêter vraiment pour observer, on passe très facilement à côté de ces poissons. Sur le mode de fonctionnement d’un photographe animalier, c’est ainsi que l’on pratique l’affût, seul, calme, silencieux. Préférentiellement je pratique cette approche lorsque la turbidité de l’eau fait que les appâts peuvent être visibles, parce que cela facilite grandement les choses lorsque l’on voit sous l’eau et aussi parce que c’est captivant. Chaque poste intéressant devra ainsi recevoir des appâts qui se distinguent bien du fond. Pour la quantité et la nature de ceux-ci, on modulera selon la quantité de poissons blancs (plutôt grosse bouillette pure) la présence de silures (plutôt noix tigrées). Par habitude, j’en mets aussi en extrême bordure pour voir si elles y viennent, et parfois une bande qui va à la perpendiculaire du lit de la rivière de façon à intercepter des carpes passant plus au large et susceptibles de se déplacer vers la bordure (petite pelle d’amorçage indispensable).

Deux cannes, mais pas plus...
Crédit photo : William Raveleau

Petit poucet

Une fois ce premier débroussaillage accompli (au propre et au figuré) place à la pêche. On n’est pas dans une pêche attentiste, il y a toujours quelque chose à faire et une planification à établir, à suivre ou à modifier. Lors de la phase initiale, on aura donc pris soin d’amorcer les spots et de construire son parcours sur lequel l’on pourra ensuite démarrer une rotation. On sera économe dans ses efforts, et tel le petit poucet tentant de retrouver les miettes de pain, on remontera le parcours en recherchant ses appâts et les poissons. Un ursidé est réputé opportuniste, profitant de toute occasion pour changer ses plans et s’adapter. Si rien n’a bougé sur le spot, on se déplace.

L'inconvénient des bouillettes : intéresser aussi le silure. Un de temps en temps, ça reste sympa quand même !
Crédit photo : William Raveleau

Matériel et placement

Une canne de 6 à 10 pieds et de puissance minimale 3 lbs est parfaite, pour ces pêches je ne me sépare presque jamais de mes S Range 6’ Tree Creeper (free spirit) qui sont faites pour cela, à savoir brider les poissons en force dans peu d’espace. Donc une canne courte, mais une épuisette large et au manche très long pour vite mettre les poissons en sécurité, la longueur du manche est essentielle lorsque l’on pêche des dévers importants. Le montage est classique et tout en force : un gros arraché en nylon 80/100, on en mettra une cinquantaine de mètres ainsi l’on ne pêche qu’au nylon. Un plomb dont le poids dépend du courant, et qui sera expédié souplement à 15/20 mètres du spot, puis on ramène rapidement le montage sur la bordure. Plus on fait de bruit à ce moment-là, plus les touches se feront attendre ! Au niveau terminal, une tresse de 25 lbs et hameçon HAYABUSA K-1 XS en taille 2 peuvent compléter l’ensemble. Pêcher à proximité des obstacles ne signifie pas pêcher dans les obstacles, et que l’on attaque la zone par l’amont ou par l’aval on ne négligera comme d’habitude aucun détail pour la sécurité des poissons. Là encore prenons le temps de nous projeter dans les scénarios possibles en imaginant les issues probables lors du combat. Attacher la canne peut être sécurisant, d’autant que l’on pêche frein serré et que l’on prend la canne à la touche, comme au feeder. Le raccord à la canne peut se faire par un « nœud d’évadé », simple à réaliser, il suffit de tirer sur un bout de la cordelette pour libérer complètement la canne.

L'ours ne néglige aucune proie, quelle que soit sa taille ou son espèce.
Crédit photo : William Raveleau

Voilà on arrive au bout ce papier sur le stalking en eaux vives, que je vous invite à tester. C’est un peu exigeant au début. Il faut trouver des postes, la bonne période et le bon niveau d’eau. On doit aussi parfois faire preuve d’innovation et d’originalité pour les aborder. Le plaisir est décuplé car on pêche au plus près des poissons dont les comportements sont observables, en connexion directe, tel un Frère des Ours ! J’espère que ce petit papier vous aura intéressé. Les carpes des grandes eaux sont un peu derrière moi maintenant, occupé aussi en mer et à traquer les carnassiers. Mais pendant les vacances, il est facile de s’échapper quelques heures par jour, et il y a souvent une rivière pas trop éloignée pour tenter sa chance. N’hésitez pas ! La pêche des carpes en rivière est un peu exigeante au début car elle nécessite un indiscutable effort de prospection, mais une fois que l’on a trouvé la clé de la serrure, la combinaison gagnante, alors l’alchimie opère devant la force sauvage de ces poissons des méandres. Never Give Up !

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