L’histoire des parcs nationaux ne date pas d’hier… Tout part des États-Unis, au XIXe siècle, avec l’idée de gérer et protéger de vastes espaces naturels sauvages, exempts d’urbanisation. En 1832 est créée The Hot Spring Reservation en Arkansas. De là, le concept de parc national prend forme peu à peu. En 1872, le congrès officialise la création de celui du célèbre Yellowstone, aujourd’hui encore l’un des plus connus et des plus visités au monde.
Le premier en 1913
On apprécie l’idée en France mais il faut attendre 1913 pour voir la création du parc de la Bérarde, qui devient en 1923 le parc national du Pelvoux, rebaptisé parc national des Écrins en 1973. La loi du 22 juillet 1960 permet la création de huit parcs nationaux : Vanoise (1963), Port-Cros (1963), Pyrénées (1967), Cévennes (1970), Les Écrins (1973), Mercantour (1979) et Guadeloupe (1989). En 2006, une nouvelle loi en faveur des parcs permet la mise en œuvre de nouveaux sites : Réunion et Guyane (2007), Calanques (2012). Le petit dernier, le parc national de Forêts, voit le jour en 2019. À ce stade, la grande majorité de ces espaces protégés concerne des réserves terrestres. C’est pourquoi le cœur de Port-Cros, le plus ancien parc marin d’Europe, fait figure d’exception, avec des surfaces marines plus importantes (2900ha) que les terres insulaires (1700ha). Sa superficie a bien évolué car, longtemps, il n’engloba que l’île de Port-Cros et son environnement marin proche (600m). À la différence des autres, il ne disposait pas de périmètre attenant. En 2012, le parc s’étend à l’île de Porquerolles. Trois sanctuaires sont également mis en réserve intégrale : les îles de Baguaud et de la Gabinière, et le rocher du Rascas. Une aire adjacente est aussi instaurée.
Tout est ici très réglementé au-delà du cœur du parc et de ses 4 600 ha, les aires adjacentes, terrestres et maritimes, sont largement plus vastes. Sur le continent, le parc s’étend de La Garde à l’ouest jusqu’à Ramatuelle à l’est. Ce cordon littoral affilié est le fruit d’une adhésion des communes côtières à la charte du parc national. Il concerne aujourd’hui les communes de La Garde, Hyères, La Croix-Valmer, Ramatuelle et Le Pradet, qui comptent au total près de 100 000 habitants répartis sur 11 200 ha. Ce qui n’est rien comparé à l’aire adjacente maritime qui englobe 123 000 ha de Méditerranée. Globalement, la mer ici est un concentré de biodiversité. On y constate un fort endémisme faunistique et floristique, à tel point que le bassin méditerranéen est considéré comme le second territoire le plus riche au monde ! Les chiffres sont assez incroyables. En effet, il s’étend sur une superficie de près de 2,5 millions de km2. Sur terre, près de 30 000 végétaux y sont répertoriés, soit 10% de la biodiversité du globe concentrés sur à peine 1,5% de sa surface. Dans le milieu aquatique, on recense 12 000 espèces (faune et flore) dont 18% endémiques. Sept cents espèces de poissons peuplent ses eaux. Pas si mal pour cette petite mer quasi fermée puisque, sur les 0,8% de la superficie totale des océans qu’elle représente, elle héberge tout de même 7,8% de la faune et 18% de la flore marine mondiale, de nouveaux représentants étant régulièrement décrits.
Complexe et fragile
Ce joyau aquatique mondial, dans lequel végétaux et animaux vivent dans un équilibre complexe et extrêmement fragile, bénéficie d’une impressionnante variabilité d’habitats. On y rencontre des écosystèmes divers: immenses champs de posidonies, fonds de coralligènes, grottes, déserts sablonneux, lagunes et même des récifs coralliens d’eau froide, plus en profondeur. Naturellement, le parc de Port-Cros, concentré de toute la richesse aquatique et terrestre du bassin méditerranéen, participe de cette richesse. Les terres insulaires et continentales sont des sanctuaires pour plusieurs centaines d’espèces, faune et flore confondues. Parmi elles, des représentants endémiques, comme le discoglosse sarde, un petit amphibien typique des îles de ce coin de Méditerranée, dont l’aire de répartition est extrêmement limitée. Notons aussi la présence de la tortue d’Hermann, seule et unique tortue terrestre française et devenue un véritable emblème du département du Var.
Un vrai sanctuaire
Mais la grande originalité du parc national de Port-Cros, on l’a vu, est son aire marine protégée et réglementée qui profite à la biodiversité aquatique. Rien qu’en faune, si l’on regroupe les crustacés, les échinodermes (étoiles de mer et oursins), les spongiaires (éponges), les mollusques et les poissons, plus de 800 espèces animales vivent dans ces eaux préservées. Parmi elles, près de 200 espèces de poissons dont une vingtaine endémiques. Ce petit sanctuaire regroupe à lui seul près de 40% des espèces de Méditerranée occidentale, certaines d’entre elles étant très rares. C’est par exemple le cas du Callanthias ruber, un petit poisson de fond et, plus connus des pêcheurs, de la badèche (Epinephelus costae) et du pagre à point bleu (Pagrus caeruleosticus), deux espèces que l’on retrouve d’ordinaire plus au sud en Méditerranée. Depuis près d’un demi-siècle, l’un des poissons les plus emblématiques de Méditerranée est au centre d’un suivi particulier : le mérou brun. Cette grande espèce de récif a toujours été victime des pêches professionnelle et plaisancière mais surtout de la chasse sous-marine, notamment à cause de son caractère curieux et surtout peu farouche.
Le grand retour
Avec une réglementation spécifique puis un moratoire survenu en 1993, les populations de mérou ont été au centre de toutes les attentions, avec des plongées de comptages régulières. Cette surveillance renforcée a permis, au fil du temps, de reconstruire les effectifs. La population de mérou brun a ainsi été multipliée par 8,5 en près de vingt ans. Cette réglementation adaptée aura aussi permis de retrouver une belle population de grands géniteurs avec des individus de plus de 1,20 m sur les tombants du parc. Ce sanctuaire aura aussi permis une recolonisation périphérique des côtes rocheuses varoises. Le mérou brun n’est pas la seule espèce de poissons suivie de près par les scientifiques. Le corb, dont les problématiques sont équivalentes, bénéficie d’un suivi conjoint donnant de bons résultats. Cela démontre les réelles qualités régénératrices des populations… quand elles bénéficient d’une réglementation adaptée.
Jojo le mérou
L’emblématique mérou a été popularisé auprès du grand public grâce à un documentaire ayant remporté la Palme d’or du Festival de Cannes en 1956 : Le Monde du silence, de Louis Malle et Jacques-Yves Cousteau. Au cours d’une énième plongée, on assiste à une rencontre inoubliable avec Jojo le mérou. Si les rumeurs faisaient état à l’époque que la rencontre avait eu lieu à Port-Cros, il semble qu’en réalité, la scène avait été mise en boîte à des milliers de kilomètres de là.
Carnet d’adresses
- Site internet: www.portcros-parcnational.fr
- Office de tourisme du Lavandou: www.ot-lelavandou.fr
- Ville d’Hyères : www.hyeres.fr
- Conservatoire botanique national méditerranéen de Porquerolles – Rue Sainte-Claire – 83418 Hyères - Tél. 04 94 12 82 30