Voilà un métier sympa et qui fait rêver Homo halieuticus. Les yeux pétillants où brillent strass et paillettes, je m’y vois déjà. Et comme l’a chanté le regretté Charles A. : « Je m’voyais déjà en haut de l’affiche, en dix fois plus gros que n’importe qui mon nom s’étalait, je m’voyais déjà adulé et riche, signant mes photos aux admirateurs qui se bousculaient. » Seulement, la réalité est tout autre. Pour devenir moniteur guide de pêche, il faut d’abord aller user ses fonds de culotte durant dix mois sur les bancs de l’école et suivre une formation dans un des centres agréés : Caulnes, Ahun ou Marvejole... Les financements sont multiples selon la situation de chacun (Région, Fongecif, Pôle emploi). Et puis d’abord, plus précisément, c’est quoi un moniteur guide de pêche ? Le métier est apparu en 2003. Il a été créé suite au classement par le ministère de la Jeunesse et des Sports de la pêche de loisir en activité physique et sportive (APS). C’est une activité réglementée. Sa mise en pratique est soumise à la détention d’un diplôme d’État : le BPJEPS pêche de loisir. Son référentiel professionnel est versé au registre national des certifications professionnelles. Moniteur guide de pêche est une prestation de services, c’est un éducateur sportif spécialisé. Ses missions sont diverses. On peut citer l’accompagnement, l’encadrement, l’initiation, la découverte, l’enseignement, la formation et le perfectionnement aux pêches de loisir, récréative ou sportive. Il intervient aussi sur la sensibilisation et la préservation des milieux naturels. Il exerce sur tous les milieux naturels aquatiques en fonction des capacités de chacun. En milieu maritime, il prend l’appellation de « moniteur guide de pêche en mer ». Il organise des sorties, des stages ou des séjours de pêche. Il peut exercer en France comme à l’étranger.
Moniteur guide de pêche : un expert des techniques
Le moniteur guide de pêche peut être spécialiste d’une ou plusieurs techniques de pêche. Que l’on désire s’initier, pratiquer ou se perfectionner à la pêche aux leurres ou aux appâts en mer, on choisira un moniteur guide spécialisé dans la technique souhaitée ou sur un poisson spécifique. Un moniteur guide professionnel saura vous orienter et vous guider dans le choix du matériel, sa mise en pratique et les sites de pêche favorables. Il est important qu’il soit aussi bon pédagogue que pêcheur. Ces deux éléments réunis seront gage de qualité pour les pratiquants. Faites confiance à votre moniteur, il est là pour vous apprendre, vous aider à comprendre, et vous permettre de prendre du plaisir en passant un agréable moment de détente au bord de l’eau. Mais le métier ne s’arrête pas là. Une fois le diplôme obtenu, il reste toute la partie « création d’entreprise » à mettre en place. Pour cela il faut, et je cite dans le désordre : définir son projet pro en matière de fonctionnement, de zone d’activité, de type de clientèle, faire une étude de marché pour vérifier la faisabilité et la pertinence des choix d’installation, choisir un statut d’entreprise (autoentreprise, SARL, EURL), prévoir ses prestations et calculer les tarifs, identifier ses besoins en matériel de pêche, définir ses moyens d’exercer sur l’eau ou au bord (bateau, kayak, VL), trouver si besoin une place de port. Éventuellement mettre à niveau son permis bateau pour les prestations hauturières ou fluviales, vérifier ses besoins en assurances obligatoires : RC Pro, assurance bateau, assurance véhicule, créer un site Internet, créer les supports de communication, cartes de visite, flyers, affiches, PLV, calculer ses frais fixes et variables, contacter un comptable pour établir un bilan prévisionnel, rencontrer un banquier pour obtenir un financement si besoin.
Transmission et partage
J’en oublie certainement, mais ce sont les grandes lignes à suivre. Une fois ces étapes franchies, le début de saison arrive, les stagiaires aussi. Les journées en mer vont pouvoir s’enchaîner grâce à une bonne campagne de communication faite en amont. C’est là que souvent les rêves s’effritent un peu. Un moniteur guide de pêche ne passe pas son temps à pêcher lui-même. Ce sont ses stagiaires qui pèchent. C’est le cœur du métier. Vous êtes là pour enseigner, expliquer la technique, pas pour l’appliquer dans votre coin. La notion de transmission et de partage prend tout son sens. Un guide n’a pas que des pêcheurs expérimentés à ses côtés, mais très souvent des débutants, quelquefois des pêcheurs occasionnels. Il faut savoir s’adapter en permanence et prendre sur soi quand l’agacement nous gagne (pédagogie). Les journées de guidage ressemblent souvent à ce déroulé : elles sont longues et courtes à la fois. Vérification des conditions météo, déplacement au port, préparation du bateau, préparation du matériel, accueil des stagiaires, briefing sécurité et du déroulé de la prestation, déplacements sur le premier spot de pêche et les suivants, démonstration, explication de la technique tout au long de la prestation, retour au port, débriefing avec les stagiaires, rangement du matériel, nettoyage bateau, plein de carburant, retour à la maison. La journée n’est pas terminée pour autant : réparation de la casse de la journée, préparation de la journée suivante, contacts stagiaires, tâches administratives, vérification conditions météo, tri des images de la journée et communication sur les réseaux.
Respecter le cadre législatif
Dans la réalité, les prestations vont s’enchaîner les unes après les autres, sans temps mort et comme tout un chacun, le guide a aussi besoin de repos. Il ne faut pas oublier que les stagiaires sont saisonniers. Ils ne se déplacent que lors des vacances, week-ends et quand il fait beau. La météo joue un grand rôle surtout en mer. Ces paramètres sont à prendre en compte car pas de stagiaires pas de prestations et donc pas de rentrées financières. Une journée non travaillée est une perte sèche qui ne se rattrape pas. Tout le monde peut devenir moniteur guide de pêche avec un peu de bonne volonté. Mais être pratiquant assidu de cette discipline ne veut pas dire que tout est permis. Il y a un cadre législatif à respecter. C’est ce que font les moniteurs guides de pêche en passant leur diplôme, en souscrivant leur assurance RC Pro, en déclarant leur activité, en immatriculant leur embarcation. Ce qui pour les stagiaires est un gage de sérieux et de sécurité.
C’est un vrai métier
La notoriété locale ou sur les réseaux sociaux ne dédouane personne de passer par ces étapes sous peine de lourdes sanctions pénales et fiscales. L’activité est réglementée comme bon nombre de métiers. Il y a des règles pour la protection de tous. Ne vous attendez pas à gagner « des mille et des cents ». Vivre de sa passion est difficile et nécessite souvent de gros sacrifices. Mener cette carrière professionnelle en parallèle d’une autre activité pro est souvent un bon moyen pour démarrer la ou les premières saisons de guidage. Ensuite, c’est à vous de jouer et de durer dans le temps. En conclusion, c’est un vrai métier à faire sérieusement si l’on veut durer. C’est un métier passionnant et enrichissant dans le sens où on va rencontrer des personnes de toutes origines et classes sociales avec lesquelles on va partager la même passion pendant un court moment. Et puis il y a pire comme bureau que de travailler au contact de la nature…