Avec le guide Yoann Henry sur l'île de Batz : pêche des lieus et bars aux jigs

Après les présentations, nous enfilons nos gilets de sauvetage sous l’œil aiguisé de Yoann pour qui la sécurité n’a pas de prix. « On ne badine pas avec la mer ! » dit-il avec justesse. Avant de mettre le pied sur le semi-rigide, Yoann vérifie à nouveau si la sangle sous-cutale du gilet est bien positionnée. Il joue parfaitement son rôle de chef de bord et nous donne les rudiments nécessaires pour conduire son bateau en cas de souci. « Nous allons au nord de l’île de Batz, sur les hauts-fonds rocheux. Les lieus jaunes y sont! » Nous buvons ses paroles. Ce matin, la mer est belle même si un reliquat de houle fait, par moments, tanguer l’embarcation. Yoann, dont le regard est rivé sur l’eau, réduit la vitesse du bateau afin que celui-ci passe en douceur les vagues. « L’objectif de la sortie est de prendre du plaisir et de terminer la séance en n’étant pas complètement fourbus. » J’apprécie cette petite attention.

Bars et lieux au rendez-vous

« Nous sommes sur un secteur approchant les 75 mètres de profondeur. Il est donc judicieux, compte tenu du courant de marée, d’opter pour des leurres assez lestés. » L’écran du sondeur affiche de beaux échos, ce qui est très prometteur ! « Afin de bien identifier sur quoi les lieus réagissent, il faut varier le menu. Proposons-leur du dur et du mou ! » dit-il. Sous ses conseils, Jérôme commence les hostilités avec un jig métallique de 120 g, précédé d’un petit leurre souple de couleur argent/ventre nacré (Shad KVS 2’5 Powerline), qui joue le rôle de teaser. Jocelyn et Maxime débutent avec un leurre souple effilé monté sur une tête plombée de 120 g également précédé d’un teaser. Tout en ayant toujours un œil sur la mer, Yoann observe et conseille en permanence ses « patients ». « Être guide, c’est leur montrer les montages, l’animation du leurre, les aider à décrocher un poisson, mais aussi les inciter à se prendre en main… Faire en sorte qu’ils puissent, par eux-mêmes, refaire si besoin leur montage. Donc du prêt à pêcher, mais pas seulement! » précise le guide. Campé sur ses appuis, Yoann donne ses conseils. « Jérôme, laisse descendre ton jig mais fais en sorte de bien contrôler son immersion. Ferre, ferre ! Un poisson l’a intercepté à la descente… Tu as vu, le fil s’est détendu à 15 m alors que la profondeur est de 50… » La canne se plie faisant chanter le moulinet et après quelques coups de tête puissants, le lieu accepte de montrer ses plus beaux atours d’un jaune doré… Jérôme est heureux de faire une si belle rencontre !

La bonne animation

Il suggère à Jocelyn d’opter pour la technique de l’ascenseur, animation certes un peu fastidieuse mais ô combien efficace pour le lieu. Après avoir pris contact avec le fond, Jocelyn le récupère lentement en faisant, ici et là, de micropauses. Puis, à mi-hauteur, le leurre replonge pour reprendre contact avec le fond et ainsi de suite… « Sois vigilant ! La touche a souvent lieu lors de la descente. Il faut toujours créer une légère tension du fil en mettant l’index sur la lèvre de la bobine du moulinet afin de freiner légèrement la descente du leurre, précaution nécessaire pour identifier une touche le plus souvent révélée par un arrêt lors de l’immersion. » En fait, un leurre souple se met à vivre même avec une animation minimaliste, le simple mouvement de l’eau suffit, contrairement à un leurre métallique. Ce dernier doit être animé avec davantage de vivacité, on peut même par moments le secouer un peu pour qu’il soit réellement craquant.

Avantage au métal

Ce jour-là, les jigs métalliques de couleur froide (dos bleu et flancs argentés) ont la cote. Jérôme enchaîne lieus et bars et va même faire un doublé de bars ! Bien effilés, ces jigs ont l’avantage de fendre la colonne d’eau et d’atteindre rapidement le fond tout en réduisant l’inclinaison de la ligne. C’est avec une animation plutôt dynamique caractérisée par une récupération rapide jusqu’à mi-hauteur suivie d’une immersion, tout en conservant un certain contrôle, que le pêcheur a su séduire un grand nombre de lieus jaunes. Si Yoann aime le jigging et la pêche au leurre souple, il apprécie également les techniques venant du pays du Soleil-Levant, le Japon. Elles sont conçues pour la pêche du pagre, espèce bien présente en baie de Morlaix. « Je pêche souvent au kabura et pour le rendre plus attractif, je mets sur les deux empiles un petit morceau de crevette ou de calamar. Le mariage leurre/appât est généralement redoutable. » Ce que Yoann ne dit pas, c’est qu’il met toujours un teaser y compris lorsqu’il pêche au kabura. « Teaser et leurre principal forment un tout. Si les poissons se prennent principalement sur le leurre, c’est aussi parce qu’il y a le teaser. Donc, même si celui-ci ne prend pas beaucoup de poissons, il n’en demeure pas moins qu’il contribue, dans une certaine mesure, à l’attractivité du montage », souligne-t-il.

La qualité de la dérive

Yoann prend soin de refaire des dérives en faisant une boucle afin de ne pas apeurer les poissons. Le moteur électrique I Pilot lui permet de ralentir la dérive ou de rectifier, si besoin, son sens tout en réduisant les nuisances sonores. « Cela étant, le lieu est un poisson méfiant. Après trois à quatre passages sur un même poste, il s’en va ou se cale… Il est temps de prospecter un autre secteur, quitte à y revenir un peu plus tard, même si, avec la marée, ce ne sera pas comme au début. »

Des souvenirs à profusion

La quasi-totalité des poissons a été remise à l’eau. Nous avons gardé quelques lieus, notamment ceux qui, en raison de la décompression, ne pouvaient pas repartir dans leur élément. Yoann maîtrise parfaitement la technique de l’ikéjimé permettant au poisson de se conserver plus longtemps et d’accroître ses qualités gustatives. Il montre comment réaliser cette opération. Il aime transmettre son savoir. C’est pour cela qu’il a créé une école de pêche afin de sensibiliser les plus jeunes, âgés de 5 à 17 ans, aux techniques de pêche et aux problématiques environnementales. Yoann n’est pas à court d’anecdotes. « Un jour, un enfant est arrivé en demandant à pêcher absolument un requin. Alors qu’il était en train de travailler une émissole, je lui ai dit : ça y est ! Bravo ! Tu es en train de faire ton requin… Stupéfait, il a lâché la canne tellement ça lui a fait peur ! On a beaucoup rigolé mais quelle fierté pour lui une fois l’émissole au bateau ! Son meilleur souvenir d’été et un très fort pour moi aussi ! » C’est ça la pêche, une fabrique de belles émotions !