La première fois que j’ai capturé ce fantastique poisson c’était en Espagne, à Valence, où il est présent en grand nombre au niveau des embouchures et où sa pêche aux leurres de surface ne peut laisser indifférent. La touche fut si brutale et le combat si violent que je m’en souviens comme si c’était hier. Présents sur nos côtes françaises, notamment dans le sud de la France près des embouchures, il serait dommage de passer à côté sans le savoir. Un des meilleurs spots est, depuis quelques années, l’embouchure du Rhône où il est très présent de juin à octobre. Je vous invite à partir à sa découverte et apprendre à comment le pêcher aux leurres.
De fortes incisives qui coupent comme un rasoir
Le nom scientifique du tassergal est Pomatomus saltatrix. C’est l’unique poisson du genre Pomatomus et de la famille des Pomatomidae. Elle est proche des Scombropidae. Il est appelé également « Bluefish » aux États-Unis ou « Dorado » en Espagne. Une tête assez courte ainsi qu’une mâchoire très épaisse et extrêmement puissante. Elle est armée de fortes incisives qui coupent comme un rasoir (attention aux mains et aux doigts !). Le corps est allongé et oblong, de couleur gris bleu à gris vert foncé sur le dos, et les flancs et le ventre sont argentés. La première dorsale est composée de rayons épineux courts et robustes, la deuxième dorsale et l’anale sont à peu près symétriques. Le corps et les opercules sont couverts de petites écailles cycloïdes. La marque sombre à la naissance des pectorales est caractéristique et permet d’identifier facilement cette espèce. Sa période de frai dure environ deux mois, entre avril et juin. Sa taille moyenne varie entre 50 et 80 cm pour un poids de 3 à 7 kg. Le record se situant autour des 120 cm pour environ 20 kg !
Au large de la Camargue
Les tassergals sont de grands prédateurs de la zone océanique. Ils sont typiques des eaux tempérées et chaudes des grands océans ainsi que du sud de la Méditerranée. On les trouve aussi bien aux États-Unis qu’au Mexique ou en Argentine et sur certaines côtes africaines. En revanche, ils sont absents dans le Pacifique. En Europe, ils prolifèrent surtout dans la mer de Marmara, dans le Bosphore et dans la mer Noire. Sur les côtes méditerranéennes, ils sont très présents en Espagne et en France. Certains bancs remontent en été et sont observés chaque année au large de la Camargue, dans les Bouches-du-Rhône, le Var et les Alpes-Maritimes. Pour la petite histoire, il y a quelques années, le tassergal était commun en Atlantique Ouest et dans le golfe de Gascogne, mais assez rare en Méditerranée. Aujourd’hui, c’est exactement le contraire, il abonde dans la grande bleue d’avril à novembre, et il est beaucoup moins abondant en Atlantique.
Qu’une bouchée
Pour de nombreux pêcheurs et scientifiques, le tassergal est sans doute le plus féroce, le plus sanguinaire des poissons marins, et sa voracité est telle qu’elle a pu être comparée par certains à « une machine à hacher animée dont le travail serait de couper et de détruire le plus possible de poissons dans le minimum de temps ». Les tassergals se déplacent par groupes plus ou moins importants, nageant près de la surface à la recherche ou à la poursuite des bancs de poissons fourrage d’une taille souvent égale à la leur. Ils ne sont pas sélectifs, les poissons de toutes sortes leur conviennent, mais ils s’attaquent de préférence aux poissons migrateurs se déplaçant par bancs nombreux et qui leur offrent ainsi une proie facile et abondante : maquereaux, sardines, anchois, harengs, chinchards, mulets, orphies, bogues… bref tout ce qui a des nageoires ! On les compare quelquefois à une bande de loups affamés qui se déplacent, détruisant tout, et laissant derrière eux une piste marquée par les poissons, de toutes sortes, blessés ou tués qu’ils n’ont pu avaler et qui se débattent encore ou flottent dans les eaux teintées de leur sang. Leur voracité est telle qu’ils ne se contentent pas de dévorer à satiété : leur estomac plein, ils dégorgent rapidement le poisson pris et recommencent ainsi plus à leur aise. Le tassergal n’avale pas réellement sa proie, il en prend juste une portion. Il ne fait qu’une bouchée d’un poisson de petite taille, mais pour les plus grosses proies, il mord dedans et en sectionne un morceau. Il ne cherche pas à achever sa victime, mais l’abandonne toute mutilée pour en attaquer une autre qui subira le même sort. Ils sont même capables de s’attaquer entre eux et n’hésitent pas à poursuivre leur proie jusqu’au bord de la plage. Il est d’ailleurs fréquent de voir des mulets ou autres poissons qui viennent s’échouer et mourir sur le sable. L’examen de contenus stomacaux de tassergal a montré qu’ils ne se contentent pas seulement de poissons, mais qu’ils peuvent manger également des céphalopodes, des décapodes, des crustacés, et même des vers. Les jeunes tassergals sont aussi voraces et aussi féroces que les adultes. Pour l’anecdote, en Espagne, en juillet 2006, près d’Alicante, un jeune garçon de sept ans se serait fait attaquer sur la plage par un tassergal.
Quand et où les trouver ?
Comme on l’a vu un peu plus haut, le tassergal est présent sur nos côtes à partir du mois de juin, mais la meilleure période pour le pêcher s’étale entre juillet et octobre, voire novembre en Espagne. La pêche peut se pratiquer aussi bien du bord (sur la plage ou les jetées) qu’au large en bateau. Bien qu’on puisse le pêcher à n’importe quel moment de la journée, les meilleurs sont le lever et le coucher du soleil. Les zones les plus propices se situent souvent dans les grands chenaux sous-marins et les embouchures de fleuves, car c’est là que se rassemblent les bancs de poissons fourrage, la plupart du temps. C’est donc à ces endroits qu’il faudra rechercher en priorité ce grand prédateur, qui sera toujours proche des grands bancs de sardines ou d’anchois ou de mulets. La plupart du temps, il est assez simple de les repérer en surface, grâce aux chasses et à l’activité des oiseaux. Lorsque les chasses ne sont pas visibles, sachez que l’utilisation d’un sondeur peut être utile afin de visualiser les bancs de fretin proche du fond qui, immanquablement, attireront les tassergals. Ils peuvent en effet mordre depuis la surface jusqu’à une cinquantaine de mètres de profondeur. Peu importe la nature du fond, vous le trouverez aussi bien au-dessus de la roche, du sable, de la vase ou des herbiers. Un bon conseil, sachez que quelquefois, lorsque les pêcheurs professionnels rentrent en nettoyant le pont ou leurs filets, les tassergals prennent très vite l’habitude de suivre ces bateaux qui amorcent dans leur sillage, placez-vous alors à l’arrière vous pourriez avoir quelques surprises ! Voici une toute petite liste non exhaustive des meilleurs coins en Méditerranée :
• en Espagne : le Delta de l’Ebre et l’embouchure de la Turia au sud de Valence;
• en France : tous les estuaires dans le Var et les Alpes-Maritimes, mais surtout autour de l’embouchure du Rhône et du Petit Rhône.
Un adversaire de choix pour les amateurs de pêche aux leurres !
Ce poisson peut être pêché de différentes façons et notamment à la mitraillette ou au vif, en surfcasting et même au streamer, mais nous ne parlerons ici que de sa pêche avec des leurres durs car c’est sans doute la technique qui vous rapportera le plus de tassergals, et surtout le plus d’émotions. En effet, quel plaisir de voir surgir plusieurs tassergals derrière son popper ou son stickbait comme une meute en furie puis de voir disparaître son leurre dans une grande gerbe d’eau et enfin de le combattre avec du matériel assez léger pour pouvoir profiter ainsi de chaque minute. Sachez que lorsque vous tombez sur un banc, il est fréquent de faire des doublés ou triplés de poissons, donc n’hésitez pas à pêcher à plusieurs au même endroit.
Le matériel nécessaire
Vous l’aurez compris en lisant le mode vie du tassergal, c’est un adversaire redoutable et féroce. Il est donc préférable d’avoir un bon équipement, car le combat peut vraiment être rude avec des sauts de plus d’un mètre et des accélérations brutales. Cependant, comme le poids moyen sur nos côtes est de 1 à 3 kg, et ne dépasse que très rarement les 7 ou 8 kg, une canne pouvant propulser des leurres de 10 à 40 g et d’une puissance de 8 à 25 lbs suffira amplement. Il est important qu’elle soit assez souple afin d’amortir les rushes et les sauts, surtout avec l’utilisation de la tresse, ceci vous évitera de nombreux décrochages. Une longueur comprise entre 2,10 m et 2,40 m et un moulinet d’une puissance 4000 seront l’ensemble idéal.
La ligne
La tresse doit être comprise entre 12 et 25 lb soit un diamètre de 14 mm à 20 mm. La tresse est à privilégier sur le Nylon car elle vous permettra de jeter bien plus loin. Le shockleader est indispensable, vous pouvez utiliser un bas de ligne en fluorocarbone d’un diamètre minimum de 70 lb, mais je vous conseille vivement un bas de ligne en acier de 30 à 60 cm et de 60 lb. Autre conseil, veillez bien à tenir la ligne toujours tendue, car non seulement il saute, mais quelquefois il peut venir saisir le fil au-dessus du leurre et le coupe instantanément !
Les leurres
La pêche aux leurres de surface est certainement l’une des plus efficaces et des plus amusantes pour rechercher le tassergal. Que ce soit au popper ou au stickbait, pas besoin d’utiliser de grandes tailles. L’idéal se situe entre 8 et 12 cm. Les coloris blancs et chartreuses semblent déclencher le plus de touches. Tous les poppers et petits stickbaits peuvent faire réagir les tassergals, mais je vous conseille les tailles autour de 8-10 cm. Ces leurres de surface vont faire réagir les poissons et vous permettront de les repérer. Une fois les premiers poissons attrapés et lorsque les touches diminuent, il est alors temps de passer en dessous avec des petits jerkbaits. Les petites tailles, autour de 8 cm, seront idéales et vous permettront de faire face aux situations plus difficiles lorsqu’ils sont peu mordeurs. Sachez aussi que lorsque les tassergals ne chassent pas en surface et que vous repérez un banc au sondeur, vous pouvez faire descendre un jig au fond, ça peut toujours servir.
L’animation
Pas besoin d’être un expert du maniement des leurres lorsque c’est l’euphorie et que les poissons chassent de partout. Il suffit d’être précis et de jeter dedans, la touche ne se fait généralement pas attendre ! Quand les conditions sont plus difficiles et les poissons discrets, je vous conseille au popper, comme au stickbait ou jerkbait, d’exercer une animation rapide avec des arrêts (technique du stop and go). J’ai également eu au popper de nombreuses touches en ramenant linéairement et très rapidement, ce qui provoque un chapelet de bulles qui énerve les poissons. Les tassergals sont de véritables fusées et suivent souvent à plusieurs. Plus ça va vite, plus il y a de bruit et de mouvements, plus ils attaquent ! À vous désormais d’aller affronter ce monstre sanguinaire, mais permettez-moi juste un dernier conseil : utilisez un fishgrip ou des gants pour sortir votre tassergal de l’eau car les mâchoires sont de véritables rasoirs. Attrapez-les par la caudale et soyez très prudent cela pourra vous éviter de vous faire couper ou blesser par ce redoutable prédateur…