Corps aplati, gueule protractile et disproportionnée, parure dorée et marron, nage de travers et sons gutturaux, une fois sorti de l’eau, tout ça fait du saint-pierre un poisson unique. Pour beaucoup, un saint-pierre se prend un peu par hasard, en pêchant le lieu au leurre souple, par exemple. Mais en fait, on peut réellement orienter une sortie si on sait où, quand et comment le séduire.
Une pêche d'été
Présent en Méditerranée et dans l’océan Atlantique, le saint-pierre, dont la taille peut atteindre 60cm pour un peu plus de 4kg, apprécie les grandes profondeurs, jusqu’à 600m, surtout en hiver. Heureusement pour nous autres pêcheurs, il s’aventure l’été sur les hauts-fonds de 10 à 40m. La meilleure période va de mai à septembre, avec un pic au mois d’août. De juin à août, période de sa reproduction, il s’approche des côtes et s’aventure sur des secteurs moins profonds mais toujours sablonneux, souvent au voisinage de roches. C’est pourquoi la réussite tient dans une bonne connaissance du terrain de jeu. Le sondeur-GPS est en cela un outil indispensable.
Le saint-pierre est surtout actif par mer calme, aux basculements de marées, et plus précisément lors de la première heure du descendant ou du montant, quand le courant est encore modéré. Dès que le courant se renforce, à partir de la seconde heure, les touches se font plus rares. On privilégie donc les petits coefficients de marée (45 à 65). Les lève-tôt et couche-tard auront davantage de chances de le rencontrer. Comme tous les poissons, le saint-pierre apprécie la tranquillité, surtout pendant la période estivale. Ce saint-pierre est un prédateur éclectique : il se nourrit de petits calamars, anchois, sprats, sardines et lançons. Présents sur les secteurs sablonneux, ces derniers sont ses mets préférés. C’est aussi un opportuniste qui ne se tient pas nécessairement près du fond. Il peut évoluer dans toute la colonne d’eau, là où se tiennent les bancs de petits poissons.
Le matériel
Côté matériel, la canne doit être à la fois sensible pour détecter la touche et suffisamment puissante pour accepter des leurres plombés jusqu’à 120g, maniés à la verticale. Une canne casting de 2,10m (puissance 20-60 g) est idéale pour ce genre d’exercice. Ce type de canne accepte ces leurres lourds à condition de ne pêcher qu’à l’aplomb du bateau. Avec un modèle casting conçu pour le slow jigging, relativement souple et sensible donc, on maîtrise mieux l’animation du leurre, surtout à la descente. Après contact avec le fond, un quart de tour de manivelle suffit pour décoller le leurre ce qui réduit considérablement les risques d’accrochage.
Le moulinet est garni d’une tresse en 16 ou 18/100, si possible multicolore afin de bien identifier la profondeur où se trouvent les saint-pierre. Pour le long bas de ligne en fluorocarbone, la finesse (25 à 28/100) est de rigueur. Pas très vif mais sacrément rusé, le saint-pierre, par sa technique de chasse, a le temps de flairer la supercherie. En été, la luminosité et la clarté de l’eau le rendent évidemment encore plus méfiant. Côté action de pêche, animer un leurre souple comme pour le bar ou le lieu en traction est voué à l’échec. C’est pour cette raison que les captures de saint-pierre semblent toujours quelque peu anecdotiques.
Une action lente
En revanche, avec une animation verticale, lente et linéaire, sans à-coup, tous les espoirs sont permis. Avec un leurre souple, on prend contact avec le fond puis on le remonte lentement, avec régularité, grâce à quelques tours de moulinet. On reprend contact, on remonte… et ainsi de suite. Si les touches tardent un peu, n’hésitez pas à remonter plus haut le leurre car le saint-pierre peut se trouver entre deux eaux voire bien plus haut si le menu fretin s’y trouve. Que ce type d’animation lente et régulière fonctionne est certainement dû à ses piètres qualités de nageur. Il faut dire aussi que sa forme, peu aérodynamique, et la petitesse de sa caudale ne l’aident pas vraiment à affronter le courant. Le saint-pierre chasse à l’affût en se laissant dériver lentement dans le courant jusqu’au moment où une proie imprudente passe à sa portée.
Si l’action de pêche peut donc s’avérer un peu fastidieuse, il importe néanmoins de rester attentif car la touche, elle aussi, est singulière. Ne vous attendez pas à recevoir une vraie châtaigne d’un chasseur comme le lieu. La touche est marquée par un toc, certes sensible mais qui n’a rien d’exceptionnel, ou bien une tirée donnant l’impression que le leurre est comme aspiré. On ne ferre pas à la touche, on accompagne légèrement en baissant la canne avant d’assurer le ferrage. En douceur car le saint-pierre a une gueule très fragile ! Voilà une autre bonne raison d’utiliser une canne qui ne soit pas une trique.
Une défense brève
On entend dire parfois que le saint-pierre se défend comme une serpillière. Là aussi, il convient de relativiser. S’il est vrai que sa défense n’est pas exceptionnelle, un beau spécimen peut donner du fil à retordre sur un matériel léger. Un beau 4kg prend du fil et se débat même si le combat, c’est vrai, est bref. Dans la majorité des cas, l’hameçon est piqué au bord de la gueule alors que celle-ci est énorme et que le saint-pierre aspire ses proies. Preuve de sa grande méfiance et de sa capacité à recracher très vite. Dans l’épuisette, attention aux mains car ses nageoires sont garnies d’épines. Un gant de protection est bien utile pour le décrochage.
L'avis d'Emmanuel Adam
« J’ai l’habitude de rechercher le saint-pierre en Bretagne, du côté de l’île de Sein. S’il peut être isolé, ce poisson évolue le plus souvent en bancs composés d’individus de taille similaire. C’est un poisson curieux certes mais tout de même méfiant. C’est la raison pour laquelle il faut pêcher fin et très lentement. La touche, qui a lieu souvent lors de la remontée du leurre souple, est parfois très discrète, marquée par un ou deux tocs. C’est une pêche qui demande une très grande attention. »