Avant de prendre le chemin de Rutland, je contacte toujours quelques copains pêcheurs anglais du cru, afin de savoir comment est la pêche. Cela me permet de récolter quelques informations sur les secteurs favorables, les techniques de pêche et les mouches du moment. Bien entendu, ces informations sont relatives, puisque sur une île, la météo peut changer très vite. En effet, pratiquer les grands réservoirs, c’est aussi admettre que l’on peut être confronté à une météo qui peut passer en quelques instants du grand soleil, aux rafales de vent, à une pluie soutenue, voire pire… Mais je peux vous assurer que le jeu en vaut vraiment la chandelle !
Coup de poker
Nous rencontrons Neil Atkins au lodge qui s’est occupé de nos cartes de pêche, le shop est toujours aussi bien garni et si vous avez oublié un accessoire ou une soie, il fera sans aucun doute votre bonheur. Quelques copains français mais aussi belges sont là aussi. Petites discussions sur les techniques de pêche qui devraient fonctionner puis nous prenons possession de nos deux bateaux, car nous sommes quatre pêcheurs. Alors que je scrute la surface, le vent commence à forcir et je décide de faire une tentative à Dickenson Bay au fond du bras nord. Hier, quelques pêcheurs ont bien réussi sur ce secteur. Choisir un secteur de pêche sur une telle surface d’eau, c’est toujours un coup de poker, et comme c’est notre premier jour de pêche, nous allons tenter notre chance. De mon point de vue, le plus important dans ces grands lacs anglais, c’est avant tout de trouver les truites, définir les techniques de pêche, vient au second plan. Nous sommes partis pour une traversée d’une trentaine de minutes pour rejoindre la « fameuse » baie. Les abords du lac sont majestueux, les nombreux moutons ont ici la charge de la tonte des prairies et une foule d’espèces d’oiseaux contribue à la richesse du site exceptionnel !
Nous arrivons sur place les premiers, pas d’autres embarcations à l’horizon. Je place notre barque sur le fond de la baie, je jette l’ancre flottante et nous commençons une dérive. Patrick, qui partage avec moi le bateau, fait ses débuts sur ce lac. Je suis équipé d’une soie « midge tip » et d’un train de trois mouches. Les dérives s’enchaînent dans plusieurs directions, mais les touches sont absentes. Je garde la même soie mais je remplace la nymphe de pointe par un petit streamer. Nouvelle dérive et enfin une touche lourde. Tellement lourde que je comprends rapidement que je n’ai pas affaire à une truite. C’est un beau brochet qui rejoint l’épuisette après une puissante bagarre sur 20 centièmes. Le poisson mesure 90 cm et je me demande bien pourquoi il s’est saisi de mon streamer en hameçon de 10 ! Selon mon expérience, ce n’est pas bon signe en ce qui concerne les truites.
Après d’autres dérives à blanc, j’avance notre bateau de 200 m pour pêcher une zone plus profonde. Nous changeons de soie pour une S3 et trois petits streamers, dont un noir en pointe et un blob corail en sauteuse. Je prends à nouveau une belle touche et c’est encore un brochet de 80 cm qui arrive au bateau ! Patrick me dit : « Je croyais qu’on était venu pêcher la truite… » Je souris. Alors que je commence à me dire qu’il faut changer de secteur. Je stoppe ma récupération sous le scion de ma canne. Cette technique s’appelle « the hang » et rapporte souvent des truites suiveuses. Je remonte doucement ma ligne jusqu’à voir ma sauteuse corail à 20 cm sous la surface et je prends une grosse tape dans la canne. La ligne file tout droit à la verticale et je sais que cette fois ce n’est pas un brochet. La bagarre est puissance, tout en force car c’est une grosse fario qui a pris ma mouche de pointe. Le poisson est superbe, ces reflets dorés et cuivrés sont du plus bel effet dans cette eau claire. Patrick me passe son mètre qui annonce 67 cm ! « Voilà pourquoi nous sommes venus ici ! » La grosse truite regagne doucement son élément et nous décidons de changer de secteur car nos autres tentatives seront infructueuses. Notre second bateau n’a pas eu de touches, la décision est donc prise d’aller sur un autre poste…
Dans le bras sud
Nous croisons de nombreux bateaux au niveau de Barnsdale Creek, mais les poissons ne semblent pas au rendez-vous non plus pour nos collègues anglais. Nous allons faire une tentative du côté du barrage (the Dam). Ici seule l’ancre flottante est autorisée en respectant la limite des 100 m du barrage. Bien positionnés, nous dérivons tranquillement, mais les poissons ne sont pas là non plus malgré plusieurs tentatives en soie S8 et train de boobies. Mise en route des moteurs, nous contournons May Tree Bank pour nous engager dans le bras sud vers Old Hall Point ! Plusieurs bateaux sont en place, mais la baie est immense et nous tentons une première dérive dans à peine 1 m 50 d’eau transparente. Je prends tout de suite une truite qui me fait plusieurs chandelles sur un train de chironomes. Puis je décroche un second poisson. Curieusement, dès que l’eau devient profonde, les poissons sont absents. Je remonte la dérive et capture encore trois jolies truites arc-en-ciel bien rondes. Nous avons enfin trouvé les poissons. Les vagues deviennent intenses et m’empêchent de pêcher correctement aux chironomes. Je repasse sur une soie S3 et je prends alors deux truites coup sur coup, je manque deux touches discrètes, puis plus rien. Les amis Christian et Hervé ont eux aussi sauvé l’honneur avec la même soie. Bien évidemment, nous pêchons en « catch and release » et toutes nos prises sont relâchées avec précaution. Après un bon casse-croûte sur l’herbe et quelques tentatives infructueuses notamment à Yellowstone Bay, nous traversons le bras sud pour essayer à Eastcreek non loin du fishing lodge. Les poissons sont au fond de la baie encore une fois dans peu d’eau et malgré le vent intense, nous prendrons ici plusieurs jolies truites dont certaines « bossues ». Une journée assez intense qui va bien se terminer avec un bon repas au gîte bien choisi par l’ami Christian puisqu’il est à 10 minutes du lac…
La baie de l'église
Au deuxième jour, nous décidons de moins naviguer et de pêcher seulement deux ou trois secteurs favorables non loin de l’embarcadère. Première dérive près de Normanton et les poissons sont bien présents. Je décide même de pêcher en soie flottante car les truites naviguent dans peu d’eau. Ce sera le cas pendant nos quatre journées sur le lac. Les eaux peu profondes, jusqu’à 2 m, sont les secteurs les plus favorables. Ce phénomène est sans nul doute dû à une température légèrement plus clémente pour l’activité alimentaire des salmonidés. Je terminerai d’ailleurs cette journée avec l’ami Christian par la capture de plusieurs poissons en sèche, un véritable régal. Les deux derniers jours seront presque identiques en matière de technique. Ancrés à Church Bay, la fameuse « baie de l’église », nous prendrons de nombreuses truites majoritairement en soie flottante à l’aide de petites nymphes. Une jolie fario de plus de 50 cm me donnera beaucoup de fil à retordre.
Le plus compliqué sera de trouver la récupération qui fait la différence. En effet, sur un même bateau vous pouvez pêcher avec la même soie et des mouches identiques, pourtant il y a toujours un pêcheur qui en prend plus que l’autre et cela réside uniquement dans l’animation des mouches. Il faut savoir varier perpétuellement le mouvement de vos nymphes dans l’eau. Personnellement j’alterne tricotages, pauses et petites tirées qui font bien souvent la différence. De belles truites prenaient même mes nymphes de manière statique juste après le lancer ! Encore une fois, je prendrais plusieurs poissons en sèche avec la fameuse « Ghimp fly », une mouche qui imite une crevette suspendue dans le film de l’eau et diablement efficace avec sa collerette en perdrix et son cylindre en foam ! Le lac de Rutland reste une destination de rêve si vous aimez la pêche des grands réservoirs !
Infos pratiques
Pour pêcher le lac de Rutland
- https://anglianwaterparks.co.uk/rutland-water-park/trout-fishing
- http://www.rwff.org.uk/
- http://rutlandwaterflyfishing.co.uk/
Le matériel utilisé
- Cannes : Guideline LPX 10’ soie 7, Hotfly Superb 10’ soie 7/8, Airflo Airlite 10’ soie 7, JMC Performer 10’ soie 6
- Moulinets : Guideline Nova 4/6, Orvis Hydros, Hotfly Euronymph, Airflo Switch black reel
- Soies : Airflo Superflo 40+ Expert fast intermediate, DI3, DI5, DI7, Airflo Sixth sense II sweep DI3, DI5, Airflo 40+ Booby basher, Airflo Superflo power taper WF6F
- Accessoires : Airflo Sightfree G3 fluorocarbone et Premium fluorocarbone, Varivas Super Tippet Master Spec II fluorocarbone, Fluorocarbone Lm2g - Phantom PLUS + Moulin de Gémages.
- Habillement : Waders Guideline Alta, veste Guideline Alta, veste Guide field&Fish, lunettes polarisantes Costa Caballito.