Depuis que nous les avons quittés durant l’hiver, la nature a bien changé et le comportement des poissons aussi. Même si certains poissons fourrages ont terminé leur période de reproduction, certains y rentrent tout juste comme le rotengle ou, un peu plus tard, la carpe, la brème. La concentration de ces proies offre un « garde-manger » de choix, duquel les prédateurs ne s’éloigneront pas. L’observation de ces concentrations, que ce soit visuelle ou sur un sondeur, vous permet de cibler les zones de prospection dans lesquelles vous êtes sûr de trouver perches et brochets. Par ailleurs, cela fait quelque temps déjà que les brochets ont terminé leur reproduction, période de « vache maigre » où leurs phases d’alimentation ont été très limitées. Cependant, le métabolisme de ces animaux à sang froid va progressivement s’accélérer jusqu’à trouver son optimum thermique entre 10 et 24 °C, ce qui leur demande des apports caloriques plus importants. Leurs pics d’activité seront plus longs et/ou plus nombreux et leurs déplacements en seront aussi facilités. Concentrez donc vos efforts sur les zones « shallows » (peu profondes) sur lesquelles les poissons vont trouver une eau qui se réchauffe plus rapidement. Une pêche de prospection rapide dite de « powerfishing », prendra alors tout son sens et pourra se révéler efficace. En effet, à cette saison, les poissons à l’affût ou en activité n’hésiteront pas à se déplacer pour venir chercher votre streamer et ce, même de taille modeste. Pour ce faire, le choix de la canne employée sera relativement simple. Une canne de puissance moyenne pour soie de 8 à 9 vous suffira puisque vous serez souvent amené à utiliser des streamers de taille modeste. Il est en effet inutile de surdimensionner le matériel, vous aurez la possibilité de pêcher léger, ne vous en privez pas !
Misez sur les bordures
Même s’il est absurde de prétendre avoir des certitudes ou des a priori quand on parle de pêche il ressort tout de même des tendances, des récurrences. S’il en est une au printemps, c’est que les bordures sont en début de saison un poste de choix pour les prédateurs. Outre le fait que ces zones moins profondes se réchauffent plus vite, ce sont de véritables champs d’opportunités pour les carnassiers. Amphibiens, canetons, petits mammifères, au-delà des substrats propices à la reproduction de certains poissons fourrages, les bordures grouillent de vie. Or, le moindre bruit sera par réflexe perçu comme une proie potentielle quelle que soit sa nature. N’hésitez pas alors à sortir « poppers », « divers » et autres « frogs » (grenouilles) qui constituent un mets de choix en cette période. Rien ne me plaît plus en cette saison que le chant des grenouilles en plein batifolage, c’est le signe de belles actions en surface, sensations garanties ! La pêche de surface du brochet est clairement sous-exploitée et pourtant elle se trouve très efficace surtout à ces périodes. Sur des secteurs très pratiqués, sortir un peu des sentiers battus vous permettra de faire la différence. Qui plus est, c’est une pratique relativement exaltante, très maladroit un même poisson pourra attaquer un streamer de surface (« top water ») plusieurs fois avant d’être piqué. Pour optimiser ce type de pêche, vous pouvez utiliser une canne plus puissante en soie de 9/10, cela vous sera nécessaire pour propulser des mouches parfois volumineuses avec une forte prise à l’air. De plus, la pêche de bordure près des embâcles nécessite souvent d’extraire le poisson rapidement, une canne plus puissante sera alors d’une grande aide. Au fil des années, j’ai fini par simplifier au maximum mon montage pour les pêches de surface. Je garde 1,50 m à 1,80 m de fluorocarbone « hard » en 80 ou 90 centièmes sur lequel j’attache directement mon streamer avec un perfect loop. Ce montage va avoir l’avantage d’être extrêmement précis au moment du posé sur des pêches de poste, mais surtout de garder une certaine rigidité et d’éviter les emmêlements lors des animations rapides ou des attaques ratées. Si vous multipliez les ratés ou les suivis, utilisez des « divers ». La forme de la tête obligera le streamer à plonger lors de la tirée et à remonter en surface lors des pauses. La phase immergée déclenche souvent les attaques sur ces poissons intrigués par ce qui se passe en surface, mais qui rechignent à percer la surface de l’eau. Lorsque c’est clairement la solution, je passe sur une soie pointe intermédiaire ou une « slow motion » avec un « diver » très dense en mousse.
Procédez par étape
Vous l’aurez compris, pas la peine de s’éparpiller sur les fosses ou la pleine eau. Concentrez-vous sur les zones peu profondes, plateaux, bordures, anses… La localisation n’étant pas un problème majeur, vous aurez tout le loisir de vous focaliser sur la myriade d’autres paramètres à votre disposition. Le premier étant la densité de soie. Je n’insisterai jamais assez sur ce point car beaucoup encore commettent l’erreur : le choix de la densité ne rentre pas en corrélation directe avec la profondeur. La rapidité d’exécution, d’animation, le volume du streamer à faire descendre et la vitesse de dérive lorsque l’on pêche sur une embarcation sont aussi des paramètres à prendre en compte. Pour débuter au printemps et avoir quelque chose de polyvalent, une flottante et une intermédiaire rapide, voire S3, vous permettront de répondre à la majorité des situations. Par expérience, je suis arrivé à utiliser toutes les densités, de la flottante jusqu’à la S7/S9 même dans peu d’eau ! Par eau claire, avec un phytoplancton encore peu présent en eaux closes, il sera intéressant de commencer par essayer de se rapprocher au mieux du fourrage présent avec des streamers que j’appelle « finesse » plutôt dépouillée sur des teintes sobres et naturelles surtout sur des pics d’activité. En revanche, si rien ne se passe, n’hésitez pas à sortir des streamers émettant plus de vibrations ou d’éclats avec des « tails » par exemple. Des appendices métalliques de type palettes de chatterbait peuvent également être une solution pour chercher ces attaques de réaction. Un de mes sauve-bredouille du printemps est l’utilisation d’un « chatterfly » avec des densités de soie importantes (S5 ou S7) sur ces zones « shallow ». La palette placée devant le streamer aura l’énorme avantage de « sarcler les herbiers » évitant ainsi l’accrochage. Vous pourrez aussi obtenir de bons résultats avec un tube fly monté en texan, employé à venir gratter directement dans les herbiers naissants. Certes, il peut être désagréable de passer son temps à retirer des éléments végétaux de son montage, mais certains jours cela peut être une action de pêche décisive. Côté bas de ligne, rien de plus simple, dans un souci de rapidité d’exécution et pour être en direct avec mon streamer, je reste sur la même base avec 1,20 m à 1,50 m de fluorocarbone en 70 ou 80. Pour une pêche du bord, je rajoute un « cassant » en 35 ou 40 centièmes avant ma pointe en cas d’accroche sur le fond. Pour la pointe, vous avez le choix : fluoro ou acier, cela dépend des affinités de chacun. En ce qui me concerne, je réserve le fluoro pour les pêches de surface. En revanche, pour tout ce qui se passe sous l’eau, j’ai une nette préférence pour l’acier tressé thermosoudable. Même s’il vient à vriller après plusieurs poissons et qu’il convient de le changer, je trouve ce type d’avançon plus discret et plus souple qu’un gros fluoro qui aurait tendance à brider la nage de votre streamer. Le plus important étant que l’acier réduit considérablement les risques de coupe.
Une saison de tous les possibles
Côté streamer, comme je l’évoquais précédemment, l’appétit et l’agressivité grandissante de nos amis peuvent déclencher des déplacements plus importants. La couleur et l’animation semblent donc être deux facteurs plus essentiels que la forme ou le modèle. Depuis plusieurs années, pour une certaine rentabilité en début de saison, je me concentre sur des modèles à « jerker » avec une tête plutôt plate et volumineuse qui, lors de tirées franches de la soie, entraînent un désaxement du streamer. Quitte à l’équilibrer au mieux par l’ajout de mousse en son cœur pour obtenir un effet « suspending ». L’alternance de tirées sèches, qui entraînent une animation désordonnée et un changement de direction aléatoire de la mouche, rappellera une proie affaiblie et facilement atteignable. Aussi je ne saurais trop vous conseiller d’imprimer d’importantes pauses lors de vos animations cette saison tout en gardant un maximum de contact (tricoter la soie très lentement lors des pauses). Certains jours cela peut être très clairement un élément de réussite. Enfin, si vos bras sont encore opérationnels, un dernier coup de poker peut être osé ! Les grandes femelles étant encore présentes dans ces zones, vous êtes certain de croiser leur chemin avant qu’elles repartent pour les profondeurs. Comme la densité de prédateurs est élevée et que leur territorialité s’en trouve renforcée, vous pourrez à un moment de la journée essayer de les provoquer avec de très gros modèles de mouches (entre 25 et 40 cm). Si vous voulez tenter votre chance pour un beau poisson c’est le moment !