Au cœur de la belle citée cornouaillaise, l’Odet y est riche, très riche même, dans ses eaux saumâtres : truites, saumons, aloses, bars, et mulet. Ce dernier n’est certainement pas le poisson le plus « star » de cette liste mais il est doté d’une énergie exceptionnelle et il est très abondant. Je me gare sur un parking qui longe les quais dans le centre-ville. Le jour n’est pas encore levé, la lumière des lampadaires éclaire ce décor urbain. Bruno Joncour est déjà là, le rendez-vous est fixé depuis plusieurs jours car il faut profiter des heures ou les niveaux sont les plus bas pour pouvoir pêcher en wading dans le lit de la rivière.
Bonefish breton
Dire que Bruno connaît l’Odet est un euphémisme : il y est guide de pêche depuis plus de vingt ans, et il a pêché chaque poste, chaque recoin. Il sait où vivent les truites sur la partie haute et les bars sur la partie marine. Depuis quelques jours il a commencé à traquer spécifiquement le mulet, c’est un ami à lui Sylvain Bourhis, jeune guide qui termine sa formation à la fédération du Finistère, qui a trouvé l’arme fatale ! Les deux amis sont devenus accro à la pêche de ce poisson : « les sensations sont énormes, sur une canne à mouche les combats peuvent durer 15 minutes ! On a trouvé le bonefish breton c’est « Meil » (nom breton du mulet) ». Trouver la mouche qui prend du mulet, n’est pas si simple car notre poisson est fantasque et bien souvent boudeur. Une imitation de pain, réalisé avec du pain artificiel celui utilisé par les carpistes est le leurre qui fait merveille ici, il faut dire que dans Quimper un boulanger jette régulièrement quelques vieilles fournées qui dérivent au gré de la rivière…
Un vrai bagarreur
À la lumière des lampes frontales Bruno, Sylvain et Vincent un troisième pêcheur montent leurs cannes et se dirigent vers l’eau. « On peut trouver les poissons un peu partout si du pain a dérivé, ils vont suivre cette nourriture facile. Mais il existe aussi quelques postes, des trous plus profonds, qui sont fréquentés par des petits groupes de mulets. Ces trous sont pêchables à marée basse, il y en a un très beau au niveau de la préfecture avec un joli courant ». Bruno progresse lentement dans la rivière et effectue ces lancés en roulé pour ne pas effrayer les poissons. Un peu plus loin Vincent et Sylvain effectuent les mêmes mouvements, « à cette heure la pêche se fait un peu au hasard car il est difficile de voir les poissons. Quand le jour éclairera la rivière, les lunettes polarisantes permettent une bonne vision des lieux où se tiennent les mulets ». Il ne faudra que quelques minutes pour que le premier poisson soit ferré, c’est Sylvain qui a piqué un beau mulet, enfin on imagine car pour l’instant le poisson est invisible et file à contre-courant. Il ne faut surtout pas le brider car c’est la casse assurée ! Sylvain le laisse travailler, et les minutes passent, le poisson semble toujours aussi puissant et nerveux. Ce n’est qu’après dix minutes de sport que le poisson vient à l’épuisette. Quelques photos du pêcheur heureux et de sa prise, et le mulet retourne à l’eau. Il est très impressionnant de voir comment le mulet repart directement, les dix minutes de combat ne semblent pas lui avoir enlevé la moindre énergie.
Un poisson craintif
Il fait maintenant bien jour et les passants qui se rendent au travail s’arrêtent pour regarder nos trois pêcheurs, ce spectacle connaît un grand succès et les plus curieux demandent quel poisson est ainsi recherché au cœur de la ville. Une dame s’exclamera « quel beau saumon » en voyant Bruno mettre un beau mulet à l’épuisette. Il faut reconnaître que l’intensité du combat et la durée de celui-ci laissaient imaginer le roi des poissons. Bruno repère les poissons avec ses lunettes polarisantes, cela facilite la pêche mais rend aussi le poisson plus méfiant : « il faut faire attention à ne pas les effrayer, les mulets semblent indifférents aux badauds sur les quais mais ils sont craintifs vis-à-vis des pêcheurs qui évoluent dans l’eau. Il faut pêcher la rive d’en face, lancer en roulé car plus discret, et éviter les mouvements parasites qui mettraient les poissons en fuite. Sauf si tu croises un groupe qui a trouvé un beau morceau de pain alors là c’est la « curée » et ils deviennent beaucoup plus faciles à tromper ». Effectivement nous assistons à ce spectacle en milieu de matinée, ce que Bruno ne m’avait pas dit c’est qu’il faut lancer dans la gueule du poisson et ce à quelques centimètres seulement si on veut que les mulets prennent la mouche tellement ils sont concentrés sur le morceau de baguette qui dérive. Mais à ce jeu-là notre pêcheur excelle, l’imitation se pose sur la tête du poisson et c’est parti pour un nouveau combat !
Une technique amusante
La pêche se poursuit jusqu’au milieu de la matinée, un bar de plusieurs kilos est repéré derrière une pile de pont dans à peine 40 cm d’eau. Il restera indifférent aux mouches qui luis sont présentées, dommage car le poisson doit facilement dépasser les trois kilos ! Bruno remplace sa mouche flottante imitation pain par une nymphe imitant une boulette de pain. Les mulets recherchent parfois leur nourriture au ras du fond et c’est alors l’occasion de pêcher en « nymphe ». Pour bien visualiser les touches Bruno utilise sur l’avant dernier brin de son bas de ligne un fil fluo. « Si tu vois un déplacement latéral, ou une vitesse différente du courant tu contres directement, et attention au départ! ». La pêche dans Quimper a démarré il y a quelques jours seulement, mais déjà nos pêcheurs ont fait le plein de sensations fortes, et pour Bruno la suite devrait être très intéressante : « il y a d’autres imitations à inventer, peut être en vert pour imiter des mousses, et aussi la possibilité de sensibiliser de nombreuses personnes à la pêche. ». À n’en pas douter vu le nombre de curieux qui suivent le spectacle de nos pêcheurs urbains. Quimper semble bien en voie de devenir la capitale bretonne de la pêche.
Matériel pour le mulet à la mouche
Moulinet : choisir un modèle pour soie de 5, 6, avec un bon frein car les départs et les rushs puissants sont garantis.
Canne : un modèle classique, une 9 pieds en soie de 6.
Mouches : flottantes imitations pain sont réalisées avec du pain synthétique (marque : Allien bait) utilisé par les pêcheurs de carpe montées sur un hameçon de taille 10. Les nymphes sont réalisées avec un faux grain de maïs blanc monté sur un hameçon taille 10. Mouche intermédiaire réalisée en marabout blanc. Mais il reste encore d’autres montages à inventer...