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Pêche de la truite de mer en nymphe avec Gaël Even

C’est au cœur de Lisieux, dans le Calvados, que Gaël traque les truites de mer lorsqu’elles remontent la rivière pour se reproduire. 

Crédit photo Erwan Balança
Gaël Even est réputé dans le domaine de la pêche des carnassiers, mais ce guide excelle également dans la traque des truites de mer. Il a peaufiné une technique fine et subtile, la pêche en nymphe avec un indicateur. Erwan a pu le suivre pour une rapide leçon au centre-ville de Lisieux.

Gaël s’est inspiré d’une technique pratiquée par les pêcheurs américains et néo-zélandais qui utilisent un indicateur flottant pour pêcher les truites à vue. Le guide français a modifié et perfectionné ce type de pêche pour en devenir un spécialiste. Pour la petite histoire, il a commencé par traquer des truites fario et des ombres avec ce fameux montage sur la rivière Touques. La capture accidentelle d’une truite de mer sur du 0,11 mm lui a donné l’idée de développer cette approche pour la belle migratrice. Puis, des milliers d’heures passées au bord de l’eau, un sens aigu de l’observation, beaucoup de réflexion et une excellente mémoire lui ont permis de parfaitement connaître ce poisson et d’en maîtriser la pêche. La truite de mer est un poisson qui déclenche les passions et rend addict les pêcheurs, mais rares sont ceux qui ont acquis le savoir de Gaël. Il possède une telle expérience et connaissance de cette pêche que lorsqu’on le regarde pratiquer et attraper une truite de mer à la mouche, cela semble d’une grande simplicité. Un quart d’heure seulement après notre rencontre pour ce reportage au cœur de Lisieux, il tenait déjà un magnifique poisson argenté devant mon objectif ! Une belle performance.

Les nymphes confectionnées par Gaël n’imitent pas des insectes aquatiques. Le guide de pêche joue plus sur les vibrations et les couleurs que sur la reproduction fidèle de larves. 
Crédit photo : Erwan Balança

Parfaite connaissance

Le déroulé de cette partie de pêche fut simple ! Quelques minutes pour se préparer, une cinquantaine de mètres de marche en waders, deux dérives et un magnifique poisson dans l’épuisette. Cet homme n’est pas magicien, mais on pourrait s’interroger… Au fil des ans, Gaël a acquis une parfaite connais sance des postes qui tiennent ces poissons. Il possède une mémoire cartographique très précise de ses « hot-spots ». Si les eaux sont troubles, cela n’est pas un problème, il n’a pas besoin de les voir pour savoir où sont les salmonidés. Sur les postes, il reste deux inconnues : la taille et le nombre. Chaque année, en début de saison, il effectue des sorties afin de constater les changements de la rivière et de réactualiser sa cartographie. Parfois, c’est une simple pierre de dix centimètres carrés qui tient les truites de mer, il suffit d’une crue puissante pour la déplacer ou la faire disparaître.

Le geste est précis et millimétré. Notre pêcheur connaît chaque pierre de ce secteur ainsi que les veines d’eau et donc les meilleurs postes à truites de mer ! 
Crédit photo : Erwan Balança

Un comportement méconnu

« La tenue des poissons est très précise et cette pêche est chirurgicale. Pour pêcher la truite de mer, il ne faut pas raisonner truite. Ce poisson remontant la rivière ne réagit pas aux mêmes stimuli qu’une fario. Si les deux poissons sont très proches, la première est migratrice, son comportement diffère. Elle ne s’alimente pas en eau douce lors de la remontée et si elle saisit une mouche ou un leurre, ce n’est pas pour se nourrir. » Gaël conçoit et réalise ses mouches en pensant « codes couleurs et vibrations » et non en essayant d’imiter un insecte ou une proie. Il en résulte des mouches non mimétiques mais terriblement efficaces. Savoir pour quelle raison ce salmonidé engame la nymphe est un mystère ! Est-elle intriguée et saisit-elle cet étrange objet par curiosité ? Tenir dans sa gueule une proie lui permet-il d’avoir quelques sucs en souvenir de ses repas passés car son estomac atrophié ne lui permet peut-être plus de manger ? En fin de saison, il semble fort probable qu’un comportement territorial pousse les mâles agressifs à attaquer violemment les poissons nageurs passant à proximité de leur tenue.

 

Son matériel

Mouche

  • Canne : Zéphrus - Hardy 10 pieds soie de 6
  • Moulinet : Ultralite CADD 5000 - Hardy

Au leurre 

  • Canne : Stream Master 290 - Illex
  • Moulinet : Morethan 3000 - Daiwa
  • Leurres : Squad Minnow 65 - Illex, CD7 - Rapala

Les nouveaux poissons

Mais pour Gaël, une chose est sûre, les poissons nouvellement arrivés sont plus faciles à attraper ! « Ils sont plus réceptifs, certains n’ont jamais vu une mouche de leur vie. C’est une chance pour le pêcheur car quand tu connais bien ta rivière, tu trouves les poissons sur les mêmes postes d’une année sur l’autre. Il y a donc peu de phénomènes de mémoire comme souvent avec les poissons “sédentaires” que ce soit des salmonidés ou des carnassiers pêchés à plusieurs reprises, qui deviennent éduqués et de plus en plus difficiles à tromper. »

Les conditions de lumières et la teinte de l’eau dictent le choix final de la nymphe à accrocher au bout du bas de ligne. Des heures de tests ont été nécessaires pour peaufiner la technique. 
Crédit photo : Erwan Balança

Un ferrage en douceur

La difficulté de la pêche à la nymphe est de ferrer tout en pêchant de façon détendue et soie sortie. L’objectif est d’amener la nymphe dans la bouche de la truite en dérive inerte. Elle doit évoluer à la même vitesse que le courant du fond, sans traction. Mais lors du ferrage, il faut que tout soit en limite de tension pour avoir un bon résultat. Là encore, la connaissance précise des postes est essentielle, et lorsqu’après 4 m de dérive Gaël annonce à un client « ça va plonger », c’est parce qu’il sait où est postée la truite et où se trouve la mouche. La scène se joue dans un rayon de quelques centimètres. Le combat demande des nerfs d’acier ! La truite de mer est connue pour sa puissance et fait partie des poissons les plus sportifs. Un poisson nouvellement arrivé dans la rivière et qui possède toute son énergie ne laisse aucune place à l’erreur. Un bas de ligne de 0,14 ou 0,16 mm ne résiste pas au rush d’un sujet de 50 cm. Gaël travaille le poisson avec énormément de délicatesse : « Si tu la fâches, elle gagne à tous les coups ! Et plus tu tires, plus elle va tirer à l’opposé. Un poisson lutte pour contrer une traction et non pas pour sauver sa vie. La tension doit être douce pour l’amener en délicatesse et la pression dans la canne très légère pour ne pas l’énerver. En nymphe, l’hameçon est petit et le ferrage assez doux, c’est un atout car elle ne perçoit pas le piège. À l’inverse, quand je pêche au toc, le ferrage est plus brutal et l’énerve, je consacre la minute qui suit à la calmer. » Une gestuelle et une maîtrise acquise au fil des ans.

Les salmonidés fraîchement arrivés en eau douce sont plus faciles à capturer. Encore faut-il parfaitement maîtriser la technique de pêche et connaître les postes utilisés par les poissons qui remontent la Touques.
Crédit photo : Erwan Balança

Les bonnes dates

Connaître les périodes de remontées des poissons est assez facile. La température de l’eau en est le facteur principal. Les remontées commencent dès qu’elle atteint dix degrés ! Les poissons arrivent dans la partie basse de la Touques. Ensuite le passage de 13 à 14 degrés fait monter de nombreux poissons, et le summum est au-delà de 15 degrés ce qui va déclencher le « run ». Ce sont jusqu’à 1 000 truites qui peuvent remonter la Touques en une semaine, généralement fin juin. La Touques est une rivière emblématique pour ce poisson migrateur, la première de France pour le nombre d’individus et certainement une des premières d’Europe. La fédération de pêche calvadosienne a équipé le barrage du Breuil-en-Auge d’une passe à poissons et d’une station de vidéo-comptage. C’est une espèce sous surveillance et mesures de gestion.

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