Force est de constater qu’au fil des ans, il y a de plus en plus de moucherons et les poissons ont pris l’habitude de profiter de cette manne alimentaire en toute saison. La plupart de ces minuscules insectes volants sont issus des familles de diptères comme les simulies, les chironomes et autres culicoïdes. Plus que jamais, leur présence se constate sur tous les cours d’eaux et lacs d’Europe, leur prolifération serait due, principalement, à l’élévation de la thermie de l’eau et à son altération due à des périodes d’étiage à rallonge, voire aux micropollutions.
Petits tout petits
Ce constat de la présence des micro-insectes n’est pas nouveau puisque, dès 1867, l’auteur anglais Francis Francis, dans son livre intitulé A Book on Angling (le livre de la pêche), qualifiait déjà les petits moucherons noirs de «malédiction du pêcheur» en raison des problèmes de capture de truites se nourrissant de ces petits insectes difficiles à imiter. Il est vrai que, lorsque nos salmonidés sont attablés sur les plus petits moucherons, leur comportement peut être si exaspérant que, dans la plupart des cas, ils ignorent même les petites mouches sèches en taille 18 ou 20. Dans ce cas-là, les pêcheurs n’ayant pas quelques modèles de taille 22 ou 24 auront peu de chances de mettre à l’épuisette une truite ou un ombre. Pas étonnant d’entendre dans cette situation un pêcheur britannique vociférant un élégant « smuts» (saletés) ou un terme plus trivial de la part d’un Français à l’encontre de ces petits diables de moucherons. Ce clin d’œil aux jurons de pêcheurs excédés me rappelle une anecdote lors d’un guidage en octobre au Pays de Galles. M’approchant d’un pêcheur que j’avais entendu donner de la voix, placé sur une fin de lisse à la limite de la zone d’accélération d’un courant se trouvant en aval, il m’interpella visiblement un peu énervé : « J’en peu plus, pas moyen de faire monter un de ces poissons qui n’arrêtent pas de gober ! » Une fois à ces côtés, je vérifie l’état de sa pointe de bas de ligne en 10/100 au cas où elle aurait été abîmée, ce qui peut être source de refus, et sa mouche. J’avais remarqué qu’il n’y avait que des minuscules moucherons sur lesquels montaient les farios en bordure et les ombres en plein milieu du spot. Il utilisait la plus petite de ses mouches en taille 20. « Ta mouche est trop fournie, vu que l’on ne voit pas en surface les insectes qui sont gobés, il faut diminuer le volume de ta mouche », lui dis-je. J’ai pris son imitation et j’ai coupé les cerques, le dubbing du corps, la hauteur de l’aile pour réduire au maximum la silhouette. D’un air dubitatif il me dit : « Tu crois que ça peut le faire ? » Après le posé de sa mouche, une dérive, un beau gobage et une casse au ferrage sûrement due à l’énervement. Après lui avoir donné trois moucherons en taille 22 plus adaptés à la situation, il a réussi à prendre plusieurs poissons dans la foulée. L’usage de micro-imitations fut un vaste sujet de discussion pendant le casse-croûte qui suivit… Durant les mois les plus chauds, nos salmonidés affectionnent particulièrement les moucherons. À cette époque de l’année, ces insectes sont plus gros (hameçons 18/16) et sont présents même dans les courants. En tout début de saison et fin d’arrière-saison, ils sont souvent les seuls à être présents et de très petites tailles (hameçons 20 à 24).
Gobages discrets
Lorsque les imagos de moucherons sont dispatchés sur les surfaces calmes ou très peu agitées, les poissons, quelle que soit leur taille, ont une activité caractéristique. Leurs gobages sont discrets sans qu’on puisse distinguer les insectes, trop petits pour être vus à courte ou moyenne distance et même difficiles à voir de près pour les plus petits. La pêche en sèche devient alors passionnante, pleine de finesse et de concentration pour optimiser les chances de capture. Qui dit finesse dit terminaison de bas de ligne fine, les pointes en 10/100 sont de rigueur pour les imitations en tailles 24 à 20 utilisées sur les lisses. On pourra grimper en 12/100 avec les tailles 18 à 16 destinées aux surfaces irisées par des courants d’air ou sur les « friselis ». Côté concentration, on veillera à bonifier son approche en se glissant le plus discrètement possible dans l’eau sur les lisses. On veillera aussi à positionner sa mouche le plus adroitement possible par rapport au poisson visé afin d’assurer une dérive sans le moindre micro-dragage. Le ferrage devra se limiter à la tension de l’ensemble soie/bas de ligne sans coup de poignet, une soie WF3 ayant une faible densité est d’une bonne aide, car elle permet d’alléger l’arracher au moment crucial du ferrage, tout en permettant de lancer à des distances suffisantes sur la plupart des rivières.
Quatre modèles suffisent
Les moucherons que j’affectionne se limitent à quatre modèles d’ensembles simples, avec les proportions taille d’hameçons/volume de matériaux bien calibrés, afin de leur donner une bonne silhouette en tenant compte que les tailles des moucherons naturels varient de 2 à 6 mm. Deux sont dédiés à la pêche de lisse en taille 24 à 20 et deux sont plus passe-partout, mieux adaptés aux surfaces légèrement agitées en taille 18 à 16. La mouche la plus ultime de ce quatuor est la « Nobody » (sans corps) composée uniquement de l’hameçon et de quelques tours de fil de montage pour faire tenir l’aile en CDC. Cette imitation ultra-minimaliste, dédiée aux micros-moucherons, grâce à sa silhouette des plus fines m’a permis de capturer de nombreux poissons sur les surfaces les plus difficiles que sont les « miroirs » ou lisses. La « Courbe », dédiée elle aussi aux surfaces calmes avec un corps en fil de montage 8/0, imite un spectre plus large de moucherons. La « Moucheronne » un poil plus fournie, est une version 2.0, de l’Altière chère à Raymond Rocher, qui, dès les années 1950, a mis en évidence dans ces ouvrages l’intérêt des imitations de moucherons. «L’Estivante» est l’imitation passe partout de la saison chaude, son volume s’adapte bien aux zones de courants. Je ne peux que vous inciter, si ce n’est déjà fait, à placer une pincée de ces petites bestioles dans un coin de votre gilet ou chest pack, pour faire face aux « moucheronnages » de plus en plus fréquents de nos amis à nageoires.
Les moucherons de Thierry
LA NOBODY
- Hameçon : TMC 2488 taille 24 à 20
- Corps : hameçon
- Fil de montage : 8/0 noir JMC
- Aile : CDC gris naturel JMC
LA COURBE
- Hameçon : TMC 2488 taille 20 à 18
- Corps : fil 8/0 noir JMC
- Fil de montage : 8/0 noir JMC
- Aile : CDC gris naturel JMC
LA MOUCHERONNE
- Hameçon : JMC DR30BL taille 18 à 16
- Corps : Quick dubbing extra fin noir JMC
- Fil de montage : 8/0 noir JMC
- Aile : mèche d’Aérofibre blanc JMC
L’ESTIVANTE
- Hameçon : JMC DR30BL taille 18 à 16
- Corps : herl de paon naturel
- Fil de montage : 8/0 noir JMC
- Aile : saddle grizzly en montage palmer, fibres coupées sous la hampe