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Aux origines de la truite arc-en-ciel

En cette période d’ouverture de la truite, quel le pêcheur français ne connaît pas la truite arc-en-ciel ? Pour autant, la connaissent-ils vraiment tant elle est devenue, chez nous, le symbole du poisson de repeuplement par excellence, des introductions faciles, peu onéreuses et de qualité souvent douteuse…

En effet, les tristes individus produits en pisciculture et introduits dans nos rivières quelques jours avant l’ouverture ou dans des pièces d’eau closes n’ont rien à voir avec le magnifique poisson qu’est cette truite arc-en-ciel (Oncorhynchus mykiss) lorsqu’elle est sauvage et qu’elle se reproduit sans assistance.

Zone native plutôt restreinte

L’aire de distribution originelle de la truite arc-en-ciel se limite aux zones côtières ouest du sous-continent nord-américain. Il est généralement admis qu’elle s’étendait de la partie sud de l’Alaska pour sa limite septentrionale jusqu’à l’extrême sud de la Californie pour sa limite méridionale. Ceci constitue une zone bien restreinte au regard du nombre d’endroits où on peut rencontrer ce poisson aujourd’hui, puisqu’il a été introduit un peu partout sur la planète. En effet, la truite arc-en-ciel présente des caractéristiques rares chez les salmonidés, à commencer par sa capacité à survivre dans des eaux de qualité douteuse. Elle est également plus résistante au réchauffement des eaux puisqu’elle est capable de tolérer des températures qui passent les 25°C.

En période nuptiale, le mâle développe un bécard léger.
Crédit photo : Fabrice Chassaing

Son spectre alimentaire est très large et permet un taux de grossissement annuel sensiblement plus élevé que celui de sa cousine la truite fario (Salmo trutta). Toutes ces spécificités en font un poisson idéal pour l’élevage en pisciculture et l’introduction dans toutes sortes de milieux (rivière, lac, étang) même s’il a subi une sévère dégradation qualitative. Cette grande résistance et cette facilité d’élevage ont grandement participé à son introduction en de nombreuses parties de la planète : quasiment partout aux États-Unis et au Canada mais aussi dans tous les pays d’Europe, en de très nombreux pays d’Afrique, dans toute l’Amérique du Sud, dans une grande partie de l’Asie, en Océanie (Australie, Nouvelle-Zélande et Papouasie) et même jusque dans les îles les plus improbables comme Taïwan, l’archipel des Açores, Hawaï, La Réunion ou les Kerguelen… À noter que les souches présentes dans l’Extrême-Orient russe (péninsule du Kamtchatka, île Sakhaline et rivages nord de la mer d’Okhotsk) longtemps considérées comme une espèce à part (Parasalmo penshinensis) seraient en fait la même truite arc-en-ciel puisque sans aucune différence génétique avec Oncorhynchus mykiss. Il faut d’ailleurs admettre que l’Alaska natif est finalement tout proche (seulement 83 km à vol d’oiseau à travers le détroit de Béring).

Une petite bouche et une tête moins trapue que chez la fario.
Crédit photo : Fabrice Chassaing

La forme sauvage est magnifique

Toutefois, les tristes poissons aux coloris blanchâtres et aux nageoires courtes, complètement abâtardis par de trop nombreuses générations enfermées dans les bassins de pisciculture, ne ressemblent plus que de très loin à la truite arc-en-ciel sauvage qui est sans conteste un des plus beaux salmonidés du monde. Aussi, je n’oublierai jamais mes premières vraies « arcs », prises à la mouche dans la célèbre rivière Tongariro, sur l’île du Nord en Nouvelle-Zélande ; j’étais jeune et de nombreuses années ont passé, mais j’ai toujours en tête les images de ces fabuleux poissons. L’arc-en-ciel, la « rainbow trout » comme on dit aux États-Unis, lorsqu’elle est sauvage et s’est reproduite d’elle-même là où elle vit, est en réalité un superbe poisson au corps fusiforme, à l’allure sportive et élancée. La tête est relativement petite, moins trapue en tout cas que celle de la truite fario. Son corps, de coloration très variable, est toujours constellé de nombreux points noirs, particulièrement sur le dos et les flancs, mais également sur les nageoires caudale et dorsale et même l’adipeuse. Encore plus typique de l’espèce, et c’est d’ailleurs ce qui lui vaut son nom d’arc-en-ciel, la large bande irisée peut aller du rose dragée au rouge cerise en passant par tous les tons de fuchsia et de mauve, et s’étend depuis la tête jusqu’à la base de la caudale. En période nuptiale, les transformations sont moins marquées que chez bon nombre d’autres salmonidés. On notera toutefois une légère transformation de la gueule (bécard) et des couleurs plus intenses chez les mâles reproducteurs, ce qui les rend encore plus beaux.

L’une des truites les plus combatives et rapide une fois piquée à l’hameçon.
Crédit photo : Fabrice Chassaing

Écologie et comportement

Bien plus que la fario qui vit sur des postes marqués, la truite arc-en-ciel exploite un spectre plus large de son biotope et on peut la retrouver un peu partout dans le milieu qu’elle occupe. Elle est toujours très mobile et aime se tenir entre deux eaux en rivière ou petit plan d’eau et en pleine eau, en pélagique dans les grands lacs profonds. Elle se nourrit essentiellement de jour en restant toujours attentive à ce qui se passe au-dessus d’elle et n’hésite jamais à monter en surface pour y trouver sa pitance. Sa gueule, peu fendue, est relativement petite et la fario se nourrit principalement d’invertébrés, qu’ils soient aquatiques ou terrestres (larves d’insectes, vers, crustacés ou mollusques), voire d’alevins et de petits poissons. C’est une truite qui aime vivre en groupe avec ses congénères, contrairement à la fario, plus solitaire. Dans son aire de distribution naturelle, la reproduction se fait du printemps au début de l’été avec des optimums thermiques compris entre 10 et 12°C. Partout où elle a été introduite, la reproduction reste rare et difficile. Au-delà de la qualité du milieu d’accueil, c’est plutôt l’excellence des souches introduites qui doivent être sauvages ou toute proche de la forme sauvage pour espérer retrouver un cycle de repeuplement sans intervention humaine1.

Pêche traditionnelle, au tenkara, sur la rivière Tankara au Japon.
Crédit photo : Fabrice Chassaing

Sa pêche

Du fait de son activité soutenue en surface ou proche de la surface, la rainbow est une cible privilégiée pour les pêcheurs à la mouche, particulièrement si on veut pratiquer en sèche. Mais on peut la rechercher avec bien d’autres stratégies, à commencer par le lancer de nombreuses familles de leurres. Parmi toutes ces dernières, l’indémodable cuiller tournante est un classique qui continue de prouver sa grande efficience. Outre-Atlantique, les célèbres cuillers à palette percée de la marque américaine Panther Martin ont fait succomber un nombre incalculable de rainbow. Si la difficulté pour décider ce poisson à mordre n’est pas exceptionnelle, ce n’est pas le cas de sa combativité une fois au bout de la ligne. Beaucoup considèrent qu’il s’agit d’une des espèces de salmonidés les plus rapides et vigoureuses une fois piquée à l’hameçon ; en tout cas, elle serait, a minima, la plus puissante des truites. De plus, elle est très aérienne et sautera souvent plusieurs fois avant d’accepter de glisser vers l’épuisette.

Les «vraies» truites arc-en-ciel fréquentent des milieux sauvages en bonne santé.
Crédit photo : Fabrice Chassaing

La truite arc-en-ciel est connue pour être un poisson à croissance rapide. Si un sujet de 35 à 40 cm peut être considéré comme une jolie prise en de nombreux endroits, et notamment sur des petites rivières rapides, elle peut atteindre des dimensions bien supérieures dans certaines circonstances. C’est notamment le cas pour la forme anadrome, la fameuse « steelhead » qui profite de ses années passées en mer pour grossir, mais aussi de certaines formes lacustres qui trouvent dans les vastes milieux que constituent certains grands lacs des conditions de développement particulièrement favorables. Certains individus peuvent alors atteindre ou dépasser le mètre de long. C’est ainsi que le record de la truite arc-en-ciel (Oncorhynchus mykiss) a été battu plusieurs fois de suite puis établi sur le lac Diefenbaker2 dans le sud du Canada, le 5 septembre 2009 avec 21,770 kg. Ce poisson, long de 1,07 m, a mordu sur un Rapala X-Rap articulé. Record à battre : à vos cannes…

Un poisson de toute beauté lorsqu’il est sauvage.
Crédit photo : Fabrice Chassaing

(1) Une autre explication à ces difficultés de reproduction lorsqu’elle n’est pas assistée pourrait venir du fait que les premiers pisciculteurs à ramener ce poisson, en Europe notamment, ont volontairement porté leur choix sur de gros spécimens pour les reproducteurs ; il se peut qu’ils aient alors rapporté des sujets anadromes qui n’ont pas su se reproduire après « enfermement » en eau douce.
(2) Mis en eau en 1967 dans le sud de la province Saskatchewan, cet immense lac revendique plus de 800 kilomètres de longueur de berge et plus de 60 m de fond.

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