Les sites du groupe Info6TM

Les chiffres de la truite

Crédit photo Jean-Baptiste Nurenberg
La truite fario est certainement le poisson à propos duquel nous disposons aujourd’hui du plus grand volume de données biologiques, d’innombrables études lui ayant été dédiées depuis des décennies. Et en voici quelques exemples marquants.

1961

Cette année-là fut marquée par le premier vol en orbite humain, l’échec cuisant des États-Unis dans la baie des Cochons, à Cuba, et par le début de la construction du mur de Berlin… Mais ce fut aussi une année marquante pour la truite fario qui, si rien n’avait été entrepris, aurait certainement disparu ! Jusqu’à cette date en effet, le transport, la capture et la commercialisation des salmonidés sauvages étaient parfaitement légaux, l’activité étant lucrative pour de nombreux pêcheurs de renom. En 1961, le docteur Guillon, député de la Vienne, propose une loi visant à encadrer le prélèvement dans les eaux libres, adoptée par l’Assemblée sous le nom de loi Guillon, avant d’être intégrée dans le Code rural en tant qu’article 439-2 stipulant que « il est interdit de colporter, d’offrir à la vente, de vendre ou d’acheter des truites, des ombres communs et des saumons de fontaine capturés dans les eaux libres…» Chaque salmonidé prélevé devenait alors un produit de consommation personnel.

330

Avec ses yeux placés en position latérale, la truite dispose d’un champ de vision exceptionnel, large de 330°. Sa vue est divisée en deux champs monoculaires de 180° qui bénéficient d’une incroyable sensibilité face au mouvement ce qui permet au poisson de discerner facilement une proie en dérive ou un danger. Dans des conditions idéales, en eaux claires, la profondeur de ces champs visuels est de plus de dix mètres. Le champ binoculaire, qui résulte de la superposition sur l’avant de ces deux champs monoculaires, sur une fenêtre restreinte donc à 30° seulement permet au poisson d’apprécier avec les deux yeux sa proie en trois dimensions. Seulement, l’image n’est nette qu’à courte distance, car au-delà de 60 cm, la vision de la truite est floue, étant dans l’incapacité de faire une quelconque mise au point.

3

L’Europe a connu de nombreux bouleversements climatiques et géologiques, contraignant les populations de truites fario à s’adapter aux milieux aquatiques qui les abritaient. La nature a doucement façonné cette espèce et plusieurs lignées se sont alors différenciées. La fin des dernières grandes glaciations, il y a environ 10000 ans, a définitivement figé l’aire de répartition de chaque lignée. Les chercheurs ont identifié au moins cinq grandes formes : atlantique, méditerranéenne, adriatique, danubienne et marbrée. Notre territoire a la chance de regrouper sur son réseau les trois premières. Les truites méditerranéennes évoluent dans les bassins-versants où les eaux douces gagnent la Méditerranée. La lignée atlantique, qui bénéficie de la plus large aire de répartition, occupe, elle, les grands bassins qui mènent jusqu’à l’océan Atlantique, la Mer du Nord ou la Manche. Enfin, la lignée adriatique, qui est très rare en fait dans notre pays, se cantonne uniquement sur les têtes de bassin de certaines rivières corses.

10

L’évolution des poissons est un sujet complexe autant que passionnant et celle de la truite ne déroge pas à la règle. Il y a quinze millions d’années environ, truites (Salmo) et saumons américains (Onchorynchus) se différenciaient, ces deux genres se partageant certaines grandes régions du globe. Le genre Salmo peuplait les eaux de ce que nous appelons aujourd’hui l’Europe. Il y a dix millions d’années vivait un ancêtre commun qui fit émerger deux espèces distinctes : le saumon atlantique (Salmo salar) et notre chère truite fario (Salmo trutta). Aujourd’hui encore, les scientifiques sont toujours dans l’incapacité de dire d’où sont issues les populations d’origine car avec la truite et les salmonidés en général, rien n’est simple ! Leurs aptitudes à devenir de grands migrateurs font qu’ils ont réussi à brouiller les pistes, effaçant hélas de nombreux indices sur leur passé.

5

La truite fario est issue du vieux continent mais la maîtrise de son élevage et ses popularités culinaire et sportive ont fait qu’elle a vu en quelques siècles son aire de répartition s’étendre à l’échelle planétaire. Aujourd’hui, on la retrouve sur les cinq continents, dans des régions parfois insolites. En Afrique, si certains pays du Maghreb possèdent des populations autochtones, on retrouve la truite fario depuis la fin du XIXe siècle dans d’autres pays, comme le Kenya ou l’Éthiopie. En Amérique, cette espèce s’est acclimatée, du nord au sud jusqu’en Patagonie. En Asie, elle prospère depuis son introduction sur des rivières descendant des contreforts de l’Himalaya. En Océanie, l’Australie, la Tasmanie et surtout la Nouvelle-Zélande sont aujourd’hui des destinations de référence pour les pêcheurs de truite du monde entier. Dans certains pays, la truite, par son abondance et ses capacités de colonisation, est même aujourd’hui considérée comme invasive.

13

La croissance des poissons dépend d’une multitude de paramètres. Capacité d’accueil, abondance des proies, sexe, migrations, qualité de l’eau, etc. sont autant de facteurs limitant ou dynamisant leur grossissement. Cependant, la truite étant un animal à sang froid vivant dans des milieux souvent très instables, la température est un paramètre très important. Son activité de croissance s’étale sur une plage vaste comprise entre 4°C et 19°C. Hors de ce créneau, physiologiquement stressée, elle sera moins encline à s’alimenter. Aimant les eaux fraîches, c’est à 13°C que la truite trouve son optimum thermique de croissance. Les grandes résurgences françaises, telles que la Touvre ou la Sorgue, avec leurs températures quasi constantes (entre 12 et 13°C) produisent les plus grosses truites de grande rivière de France.

400

Comparé à celui de nombreuses autres espèces de poissons, le processus de reproduction de la truite –de la fécondation à l’émergence définitive des larves autonomes– est très long. Bien que les pontes surviennent entre la fin d’automne et le début de l’hiver, il faut attendre des mois pour apercevoir les premières truites de l’année. Protégé par plus de 20cm de graviers, le développement des œufs s’étend sur 400 degrés-jour, c’est-à-dire 40 jours d’incubation à 10°C ou 80 jours à 5°C, etc. Durant ces quelques semaines, les œufs bien à l’abri dans les interstices oxygénés entre les cailloux, vont lentement parvenir à maturité. La division cellulaire s’opère jusqu’à laisser apparaître les yeux puis, petit à petit, chaque organe. Si l’embryon s’extirpe tant bien que mal de son œuf, l’éclosion n’est en réalité qu’une phase transitoire car la larve n’est pas autonome. Elle doit poursuivre son développement en restant à l’abri, dans l’obscurité de sa frayère, subsistant grâce aux réserves de sa vésicule vitelline. Il faudra encore plus de 300 degrés-jours pour enfin observer l’émergence des larves au développement totalement achevé.

2

On a longtemps cru que la truite de mer était une espèce à part entière. Aujourd’hui, on sait qu’il s’agit en fait d’une forme migratrice de notre fario, au même titre que la truite de lac d’ailleurs. Ces truites de mer se concentrent exclusivement sur les bassins abritant des lignées atlantiques. Chaque année, une proportion d’individus d’une rivière, en grande partie des femelles, subit une importante métamorphose, appelée smoltification, passage obligatoire pour migrer vers la mer dans des conditions optimales. Les changements les plus importants impactent le comportement, l’instinct territorial tendant vers la grégarité, mais aussi le physique avec allongement du corps et changement de couleurs. Mais tout cela ne serait rien sans une modification physiologique avec de nouveaux flux hormonaux qui se structurent comme la production de substances qui auront à terme différents effets sur la croissance ou la mémorisation. Le processus s’opère en général au bout de deux années de vie en rivière. Après un séjour plus au moins prolongé dans le milieu marin, la truite va revenir dans la rivière pour achever le cycle en se reproduisant.

"Pour recevoir chaque semaine toutes les actus de la pêche, nos concours, nos bons plans, nos sorties vidéos, nos articles gratuits et bien plus encore... inscrivez-vous vite à notre Newsletter !"

Je m’inscris à la newsletter

Biologie - Environnement

Magazine n°922 - Mars 2022

Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15