Est-ce sa robe si singulière, faite de marbrures vert olive ou son aire de distribution très réduite, qui en fait un salmonidé rare aux airs de « trophée » ? Ou bien est-ce dû aux tailles record qu’elle peut atteindre ? Toujours est-il que la marmorata tient une place à part dans la mythologie des traqueurs de salmonidés. Bien qu’on ne la trouve que dans une partie du monde pas plus grande qu’un timbre-poste, elle est paradoxalement connue de tous les passionnés ou presque. Et chaque année, nombre d’entre eux caressent l’espoir d’en capturer en se rendant dans les régions qui en abritent à proximité.
Qui es-tu ?
La truite marmorata (Salmomar moratus) est une « cousine » de la truite fario, de laquelle elle a dérivé il y a probablement plusieurs centaines voire millions d’années selon les généticiens, dans le bassin du Pô. Aujourd’hui, elle est présente dans des cours d’eau du bassin de la mer Adriatique, qu’elle a colonisé car ils communiquaient à une époque où le niveau de la mer était bien plus bas qu’actuellement. Cette aire de distribution réduite en fait une espèce endémique du bassin de la mer Adriatique, présente dans des cours d’eau d’Italie, de Slovénie, de Croatie et de Bosnie.
Une robe typique
Si cette espèce présente la forme générale d’une truite, elle possède cependant quelques spécificités. La première est évidemment sa robe typique, faite de marbrures verdâtres caractéristiques, d’où son nom de truite marbrée, avec souvent quelques taches bleu noir sur la joue. Les points rouges sont généralement absents, ou très peu nombreux et alors situés sur la ligne latérale. L’intensité de sa coloration peut varier selon son environnement. La tête est généralement plus grosse que celle de la fario, souvent 22 à 25% de la longueur totale, ce qui lui vaut le nom de glavatica en Bosnie, glava signifiant tête. Cette dernière est légèrement aplatie, avec une bouche largement fendue. Question biologie, la marmorata est bien une truite. Elle fréquente principalement des rivières courantes, des torrents de tête de bassin aux grosses rivières moins pentues mais encore rapides et fraîches de fond de vallées. Elle se nourrit principalement d’invertébrés aquatiques.
De gros sujets
Mais plus encore que la fario, elle montre une forte tendance piscivore à partir d’une certaine taille. C’est ce qui lui permet de bénéficier d’une forte croissance et parfois d’atteindre des mensurations considérables. En effet, on capture régulièrement des truites marbrées de 40 à 65 cm, ce qui est déjà très intéressant. Mais des individus excédant le mètre et les 20 kg ont déjà été pris ! De quoi faire rêver les truiteurs du monde ! Bien sûr, ces marmorata dépassant le mètre sont des poissons d’exception et leur capture est rare. Mais sans prétendre à de tels records, on peut raisonnablement espérer un beau trophée lorsque l’on part la pêcher.
Leurre, toc, mouche
Pour assouvir ce rêve, la première étape consiste à se rendre dans les régions où elle vit. La Slovénie a longtemps été la plus connue, avec ses superbes rivières. Elle reste une destination de choix, comme la Bosnie. Mais la pêche y est souvent réservée à la mouche. Moins connue, l’Italie, et particulière ment la région des Dolomites, est également une bonne destination. Et elle offre des possibilités plus variées, puisque l’on peut y pêcher au leurre et au toc, au moins dans certains parcours. La pêche au leurre est évidemment la technique qui offre le plus de chances de prendre une vraie grosse, essentiellement piscivore à cette taille. C’est également possible à la mouche en pêchant avec de gros streamers. Mais dans les deux cas, il faut avoir conscience du défi dans lequel on se lance : une pêche de gros poissons, avec son corollaire de faible nombre de touches, d’innombrables lancers improductifs et de nécessaire ténacité. Si en revanche vous n’êtes pas obsédé par l’idée de la truite record, la mouche en version nymphe au fil et le toc sont très intéressants. Ces techniques sont efficaces sur les truites marbrées de taille classique, de 30 à 60 cm, ce qui fait déjà de beaux coups de ligne ! Les captures dans cette gamme de taille peuvent être significatives les bonnes journées. Ces techniques permettent en outre d’agrémenter la pêche avec les nombreuses farios qui vivent également dans les rivières à marmorata et qui sont aussi très belles.
Près de son abri
Qu’on la recherche en nymphe ou au toc avec des appâts, l’important est de pêcher près du fond, d’où s’éloigne rarement cette espèce. Elle affectionne les postes suffisamment profonds et offrant un certain volume, particulièrement s’ils sont proches d’un bel abri. Les veines d’eau profondes et puissantes, bordant des blocs rocheux sont parfaites. Les journées grises et les montées d’eau sont des moments privilégiés pour l’activité des truites marbrées, surtout pour les plus grosses. On a en outre toujours intérêt à bien prospecter les abords immédiats des gros abris, d’où elles répugnent souvent à s’éloigner. Quant à la pêche au leurre, il faut privilégier les modèles de belle taille, qu’il s’agisse de cuillères tournantes ou ondulantes ou de poissons nageurs, dans lesquels les minnows coulants sont incontournables.
Menacée par l'hybridation
La marmorata est interféconde avec la truite fario. Et cela a bien failli causer sa perte. En effet, les rivières où elle vit ont fait l’objet d’importants empoissonnements en truites fario de lignée danubienne ou atlantique pendant plusieurs décennies. La conséquence a été une hybridation importante des populations de marmorata. Ces hybrides présentent d’ailleurs des caractéristiques des deux espèces, avec un mélange de marbrures et de points rouges, penchant plus ou moins vers l’une ou l’autre selon le niveau d’hybridation.
Suivie et protégée
Depuis quelques années, les gestionnaires sont sensibilisés à cette problématique et les introductions de truites fario ont été arrêtées dans bien des endroits, ou continuent mais de manière ponctuelle et dans des zones restreintes. Parallèlement, un programme d’empoissonnement en truites marmorata a été mis en place dans le but de restaurer les populations les plus menacées. Les alevins introduits dans ce cadre sont issus de géniteurs « génétiquement purs » et sélectionnés. Que ce soit dans les pays des Balkans ou dans les Alpes, la prise de conscience de la nécessité de protéger cette belle truite endémique de la région Adriatique est désormais bien réelle. La protection des rivières est tout aussi importante. C’est bien ce que soulignait la Fédération suisse de pêche, où quelques rivières du sud du pays abritent cette espèce, qui a fait de la marmorata le poisson de l’année 2024, une véritable ambassadrice de la « biodiversité unique » des poissons de cette région.
Deux bonnes adresses pour pêcher la marmorata
DHD Laïka pour des séjours mouche L’Agence
DHD Laïka connaît bien les régions où vit la truite marmorata, particulièrement les dolomites qu’Adrien de Villeneuve, responsable mouche de l’agence, a pêché plusieurs fois et où il a de nombreux contacts. Il saura vous aiguiller sur les meilleures rivières du moment, selon vos envies et la saison que vous choisirez. Contacts : www.dhdlaika.com / Tél. 06 50 77 82 34.
Axel Mugnier pour des séjours multitechnique
Guide de pêche installé en Haute-Savoie, Axel Mugnier propose des séjours dans les Dolomites en Italie qui permettent de pêcher la truite marmorata. Que ce soit au toc ou au leurre, voire à la mouche, son programme itinérant permet de goûter à la diversité de rivières qu’offre cette magnifique région. Contacts : www.axel-fishing.com / Tél. 06 68 38 05 88.