J'aime l’Irlande. Le vert de ses prés ceints de murs de pierre grise, les pubs bruyants et bien sûr ses whiskeys. J’ai souvent chassé sur cette île, le cerf, la bécasse et le faisan notamment. Je me suis régalé lors d’un séjour de pêche côtière en baie de Cork, mais je n’avais pas encore goûté à ses plaisirs halieutiques en eau douce. Et pourtant, en traversant cette campagne magnifique, Dieu sait si je m’étais fait des films en longeant les rives de ses lacs ou en remontant le cours de ses fleuves et rivières. Voilà, j’y suis, je mets le pied sur le bateau de Jean-Philippe Carnet, un rêve de gosse s’accomplit !
Une mer intérieure
La première fois que nous avons évoqué la possibilité d’aller pêcher la truite chez « J.P. », je m’imaginais en waders, sac sur le ventre, remontant le lit d’un torrent. Que nenni, c’est sur un bass boat super équipé que je prends place avec un gilet de sauvetage à la place du chest pack ! Nous allons pêcher les salmonidés sur les Loughs Mask et Corrib, ou Loch Measca et Coirib en gaélique irlandais. Ce sont deux immenses lacs de 89 et 176 km2, de petites mers intérieures ! Les rives de ses deux plans d’eau sont magnifiques, sauvages, dentelées, avec des criques prometteuses et des hauts-fonds rocheux dangereux. Le guide de pêche prend ici toute sa valeur car bien malin celui qui pourra dire où aller pour trouver les salmonidés sans une connaissance précise du milieu !
Première touche
Je prépare ma canne, un modèle voyage en quatre brins, bien pratique pour éviter le tube de transport en avion. Bien que mesurant 2,12 m, elle me semble très petite face à l’immensité aquatique qui me fait face. Mais c’est en fixant le minuscule poisson nageur que je me rends compte du challenge… Comment une truite va-t-elle trouver ce petit minnow de 9 cm dans une telle étendue ? Je débute les lancers, je les trouve bien courts. C’est dans ces moments-là que l’on apprécie les avancées technologiques, notamment le transfert de masse qui permet de gagner un peu de distance à chaque jet. Nous ratissons un plateau rocheux en pleine eau. Le fond est ici proche des trois mètres alors qu’il est abyssal à quelques encablures. Pourquoi là ? Pourquoi pas cent mètres plus à gauche ou à droite ? À la télécommande du moteur électrique, Jean-Philippe a l’air sûr de lui. Faisons-lui confiance. Quelques minutes plus tard, je prends une tape ! Un doute, le fond, une tête de roche, je ne dis rien et me concentre un peu plus. Lancer suivant, c’est la délivrance, une touche franche, nette, le combat s’engage, le poisson se rend rapidement et se couche sur le flanc. La voilà ma belle truite de lac ! Je suis aux anges.
Une belle population
Délivré, libéré, je reprends la pêche après avoir rapidement immortalisé ce modeste poisson en photo ! « Il y a beaucoup plus gros », lance J.P. ! Et mettant la main à sa poche, il sort son téléphone rempli de photos de poissons comme, aujourd’hui, tous ceux des pêcheurs… Il fait défiler les clichés et au milieu j’aperçois quelques monstres, des truites de plus de 80 cm. « Ah ça, ce sont des férox », reprend le guide. On ira faire un coup de traîne pour essayer d’en prendre une un peu plus tard. Rien que le nom de cette truite est évocateur : férox ! Et le matériel pour la traquer l’est tout autant. J.P. tend deux cannes à l’arrière de son bateau, des triques qui ne broncheraient pas sous les coups de tête d’un brochet métré, c’est sûr ! Au bout du bas de ligne, il accroche des leurres articulés de plus de 20 cm et navigue en faisant des huit dans les meilleurs secteurs du lac connus pour abriter ces salmonidés géants. Une espèce à part qui peut dépasser 90 cm et peser près de 10 kg.
L’équipement idéal
Je vous recommande de prendre des cannes voyage multibrin que vous pourrez glisser dans vos valises. Le prix des tubes a explosé dans le transport aérien et les modèles en 4 ou 5 brins sont désormais agréables à utiliser. J’ai péché avec une canne Okuma Guide Select Finesse de 2,12 m d’une puissance de 5 à 20 g, parfaite pour lancer les petits poisson nageurs de 70 à 90 mm. Si vous souhaitez vraiment traquer les poissons trophée ou truites férox, passer sur du matériel à brochet ! Un moulinet en taille 2500 est parfait. J’avais un modèle Okuma Ceymar HD avec un bon ratio. Remplissez le vôtre avec une tresse en 0,10 à 0,12 mm visible pour suivre les animations. Le bas de ligne en 0,25 à 0,30 mm suivant les poissons attaqués termine le montage. Les poissons nageurs cités dans l’article mais aussi de petits crankbaits, des cuillers ondulantes et quelques leurres souples sur têtes plombées de 7 à 10 g complètent la panoplie. On perd peu de matériel.
Robes de soirées
Revenons à notre pêche plus traditionnelle au lancer. Mes deux acolytes et moi-même cernons un peu la pêche au fur et à mesure des jours. C’est majoritairement au poisson nageur, de couleur naturelle, que nous touchons ces truites. Les D-contact de Smith, Spearhead de Ryuki, Phoxy Minnow de Sakura, Tricoroll d’Illex et Minnow WXM de Caperlan ont été les plus réguliers. Dans des tailles de 70 à 90 mm et avec des densités différentes, ils permettent de pêcher vite et de déclencher des touches régulières. Pêcher vite est un impératif, car c’est souvent en dérive que nous avons pratiquée et comme vous le savez, en Irlande, du vent, il y en a tout le temps ! Du coup, le bateau file au gré des flots. À chaque touche, c’est la fête à bord. Le poisson est observé avant la remise à l’eau, les robes sont magnifiques, dorées, avec des points variés. J’aurais pu vous faire un patchwork bigarré. Et le soir, dans la magnifique maison qui accueille les pêcheurs voyageurs, c’est devant un liquide lui aussi doré, à la robe à peine plus claire que celle des poissons capturés que nous avons revécu ces moments intenses. Un séjour mythique, digne de l’île celtique !
Quelles truites !
La population salmonicole de ces lacs est constituée de truites fario de souche atlantique, voire irlandaise ! Il y a plusieurs sous espèces suivant les lacs, brown trout, gillaroo, Sonaghan aux robes variées. L’autre salmonidé qui suscite de nombreuses passions et la monstrueuse truite férox, Salmo Trutta Ferox en latin. C’est une espèce dont l’espérance de vie est plus longue. C’était un poisson migrateur qui allait en mer et a été piégé dans les grands lacs irlandais il y a 10 000 ans à la suite de changements climatiques. Il vit dans les profondeurs et remonte chasser un peu plus en surface à certaines périodes de l’année. La férox se pêche majoritairement à la traîne avec de gros leurres. J.P. utilise notamment des butch de Savage Gear mais son record a été capturé avec un Salmo Hornet de 9 cm.
Renseignements pratiques
Adresses utiles
Office du tourisme de l’Irlande : www.ireland.com/fr-fr
Office du tourisme de Westport (la ville la plus proche de l’hébergement de Jean-Philippe Carnet, avec restaurants typiques et pubs animés au programme) :
westporttourism.com.
Le guide
Jean-Philippe Carnet propose des prestations variées avec ses guides. Vous pouvez tout aussi bien pêcher les truites en rivières, à la mouche ou au leurre ou les traquer en bateau sur les grands lacs. J.P. propose aussi des guidages en mer et sa réputation n’est plus à faire sur la pêche des gros brochets représentant la majorité de ses guidages. Rens. : www.peche-irlande-connemara.com.
L’hébergement
Jean-Philippe a acheté une belle maison à Toormakeady, avec vue sur le lac Mask, à quelques centaines de mètres de la mise à l’eau. Idéal ! Les chambres sont spacieuses et la capacité de couchage est importante. Un camp de base parfait.
À voir, à faire
C’est l’Irlande ! Il y a tout à voir et tout à faire. Le Connemara est superbe, à l’image de la campagne d’Inishmore ou du Fjord de Killary. De Westport au nord à Galway au sud, les balades sont magnifiques.