C'est peu dire que l’été n’a pas la réputation d’une période très favorable pour pêcher la truite. C’était déjà vrai avant, ça l’est plus encore aujourd’hui avec les étés brûlants que nous connaissons. Car c’est bien la chaleur et son corollaire de forte luminosité et d’eaux basses et réchauffées qui compliquent bigrement les conditions de pêche, le genre de cocktail infernal que déteste la truite, tout comme ceux qui la recherche. Alors que faire ? Ranger la canne pendant deux mois en attendant septembre, avec l’espoir de conditions plus favorables ? Dommage, car deux mois, c’est long, surtout pour une saison déjà courte… Alors pourquoi ne pas persévérer, en s’adaptant à ces difficultés pour essayer de les contourner ? Il est tout à fait possible de se faire plaisir au cœur de l’été, en pensant sa stratégie et en se montrant opportuniste chaque fois qu’on le peut. Voyons comment.
Un peu de biologie
Ce qu’il faut comprendre avant tout, ce sont les conséquences des conditions estivales sur la truite. Pour cela, commençons par les fondamentaux : la truite aime les eaux dont la température est comprise entre 10 et 16 °C, les courants porteurs et elle apprécie peu la forte luminosité. C’est peu dire que l’été, avec des eaux régulièrement très réchauffées, des journées baignées d’une très forte luminosité et des courants souvent ralentis du fait de débits très amaigris ne lui convient guère… Mais elle n’a pas d’autres choix que de faire avec. Et si elle se nourrit moins qu’au printemps, elle est tout de même régulièrement active. Mais comme toujours, elle cible les créneaux et les postes dans lesquels elle le fait. À nous d’en tenir compte. Comme toujours, la stratégie passe par trois points: où, quand et comment. Le « où » se joue à deux niveaux : choisir les parcours favorables, puis cibler les postes qui répondent aux conditions du moment. Côté parcours, on comprend vite ce qu’il faut rechercher: des eaux encore assez fraîches, des secteurs relativement courants et des conditions pas trop lumineuses.
Savoir être opportuniste
Peut-être encore plus que le reste de l’année, il faut savoir être opportuniste en été pour profiter des moments privilégiés qu’offrent les journées de mauvais temps. Elles font souvent râler du monde, mais c’est tout le contraire pour les truiteurs ! Si la journée est grise et qu’une légère pluie est annoncée, foncez au bord de l’eau. Essayez aussi de profiter des orages qui regonflent momentanément les débits et offrent de belles opportunités, surtout dès que l’eau s’éclaircit. Les poissons réagissent très vite à ces changements de météo.
Des secteurs précis
Si on peut, on aura intérêt à rechercher les secteurs d’altitude, rivières de montagne ou torrents, où les débits sont encore souvent conséquents et l’eau pas trop chaude. Les résurgences, dont la température est plus régulée, sont également une possibilité intéressante, tout comme les avals de grands barrages où l’eau relarguée est souvent fraîche. Sinon, on fait avec ce qu’on a sous la main et on sélectionne alors les secteurs les plus pentus et contraints de la rivière choisie, ceux dans lesquels l’eau est bien brassée et les courants prononcés. D’une manière générale, toutes les ruptures de pente et secteurs de rivière contraints sont favorables par eau basse en été. À l’inverse des secteurs larges, ouverts et plats. Enfin, par rapport à la luminosité, les tronçons ombragés sont évidemment les plus intéressants. Ils peuvent l’être grâce à la végétation qui borde le cours d’eau (attention alors à l’orientation par rapport au soleil, qui fait varier l’ombrage d’un secteur à l’autre), mais aussi grâce au relief. Les gros ruisseaux et petites rivières qui s’écoulent sous une voûte végétale sont souvent intéressants, du moins tant qu’ils sont encore suffisamment en eau. Mention spéciale aux portions de gorges, qui restent globalement fraîches et très ombragées en été.
Les postes clés
Les postes à cibler sont généralement les courants les plus marqués, même s’ils sont peu profonds. Dans une rivière « à plat », toutes les veines d’eau marquées et turbulentes, tous les « blancs » sont potentiellement intéressants. On est parfois surpris de ferrer une belle truite dans une veine d’eau « blanche » d’à peine 20 cm de profondeur ! Mais elles peuvent aussi choisir de se poster dans les veines d’eau laminaires si elles sont bien marquées. Les courants soutenus et profonds sont également bons. En revanche, les veines profondes mais lentes sont rarement bonnes à cette saison. Les bordures ombragées et surplombées par de belles frondaisons sont les plus intéressantes par forte luminosité. Dans les rivières d’un certain gabarit, une berge peut ainsi être plus porteuse que l’autre selon l’orientation du soleil.
Ombre et fraîcheur
Dire que les extrémités de la journée, avec une luminosité moins agressive, sont des périodes favorables n’est pas un scoop. Le coup du soir est le plus réputé, surtout à la mouche, car privilégié pour les éclosions d’insectes et donc les gobages. Mais la fin de journée, avec sa luminosité qui baisse et la chaleur qui s’estompe, est intéressante pour toutes les techniques. Attention cependant aux déceptions: lorsque la journée a été très chaude, la température de l’eau peut rester élevée jusqu’à tard dans la nuit et l’activité des truites dans les heures légales peut être très décevante. Le lever du jour ne connaît pas ce problème ! C’est l’autre période clé en été, notamment pour les pêches au toc et au leurre, mais il faut se lever tôt et être en action dès que le jour se lève. Il est aussi intéressant pour la mouche, en sèche le long des bordures avec des spents en grande rivière les lendemains de grosses éclosions, ou en nymphe, à vue dans les rivières qui s’y prêtent ou au fil dans les profils courants. Cependant, ne pensez pas que ces deux périodes sont les seules valables en été. Le coup de midi peut être très intéressant. En outre, les journées de météo perturbée, qu’elles soient simplement couvertes ou mieux encore pluvieuses, sont généralement très favorables et il ne faut pas les manquer, de même que les jours qui suivent les orages regonflant les rivières et redonnant toujours de l’entrain aux truites.
Petits leurres et appâts
Pêcher au bon endroit et au bon moment ne suffit pas. Il faut s’adapter au comportement des truites qui préfèrent les petites proies évoluant plutôt décollées. Il faut donc pêcher petit et léger. Au leurre, c’est le moment de sortir les cuillères tournantes en taille 0 voire 00 pour prospecter les petites rivières. Optez pour les petits poissons nageurs suspending et les mini leurres souples montés sur des têtes plombées légères pour une présentation en dérive. Au toc, si les appâts classiques (petits vers notamment) peuvent fonctionner tôt le matin, des appâts de saison comme la mouche naturelle ou les larves aquatiques leur sont supérieurs, sans oublier la sauterelle en ruisseau. Attention à affiner les bas de lignes et à alléger et étaler la plombée, pour obtenir une présentation plus douce et décollée. À la mouche aussi, il faut réduire la taille des imitations. La boîte doit donc absolument contenir des « micro-mouches » sur hameçon n° 20 ou moins, mais aussi des fourmis, incontournables en été. Et en nymphe, les petites perdigones sont reines pour pêcher au fil. Bien sûr, pêcher la truite au cœur de l’été n’est pas facile, mais on peut toujours se faire plaisir, et il y a parfois de belles surprises. On est toujours bien au bord de l’eau, et prendre quelques truites dans ces conditions difficiles, c’est très gratifiant ! Faites-vous plaisir !
La saison du noir
Est-ce parce que le noir affine et donne donc une impression de taille plus réduite aux leurres et aux appâts ou est-ce pour une autre raison? Mais l’été est bien la saison du noir. Les petites mouches sombres sont régulièrement les plus efficaces. La mouche naturelle supplante souvent tous les appâts dès que la lumière est vive. Et les micro-cuillères aux palettes noires comme la célèbre Black-fury de Mepps font fréquemment la différence dans ces conditions