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Dans les coulisses d'un élevage de teignes pour la pêche de la truite

Dans son élevage, Freddy stocke 8 000 caisses de larves comme celle-ci. De quoi produire 38 tonnes de teignes par an. 

Crédit photo Lyonel Chocat
Le plus gros éleveur de teignes en Europe est Français, le saviez-vous ? Freddy Cougnon livre ces précieuses larves au petit détaillant jusqu’à la grande enseigne. Visite inédite chez ce passionné !

La teigne, c’est le cauchemar des apiculteurs  ! À l’inverse, c’est la larve préférée des pêcheurs de truite au toc avec le ver de terre. Son vrai nom est fausse teigne ou teigne de la ruche, regroupant deux espèces, la petite (Achroia grisella) et la grosse (Galleria mellonella), cette dernière étant la plus fréquente. Le papillon pond entre 100 et 300 œufs par jour. Les larves se nourrissent de la cire et du pollen récolté par les abeilles, affaiblissant la ruche et ses occupants. Elle était autrefois ramassée par les pêcheurs dans des ruches infectées avant d’aller taquiner la truite. Puis de petits élevages amateurs ont permis d’accroître la production jusqu’à ce que Freddy Cougnon passe à la vitesse supérieure en industrialisant l’élevage, bien que le mot ne soit pas exact puisque chez lui tout est fait à la main ! Nous, pêcheurs, n’avons pas idée du nombre d’étapes et de personnes nécessaires à la production de cet appât. Je suis sûr que vous ne verrez plus ces larves avec les mêmes yeux, ouvrant votre petite boite colorée, canne en main !

La qualité de ces teignes produites en France dans la vallée de la Maurienne est superbe. On les retrouve dans presque tous les points de vente en France mais aussi à l’étranger désormais. 
Crédit photo : Lyonel Chocat

Le long apprentissage

Ce n’est pas Freddy qui a lancé Sud Est Appâts mais son beau-père, Jacques. L’homme tenait un magasin de presse et avait de nombreux pêcheurs dans sa clientèle. Pour satisfaire leur demande, il s’est mis à vendre des appâts naturels dans son arrière-boutique, dont des teignes produites dans des bocaux à confiture par un habitant du village. La demande étant forte, Jacques s’est formé auprès du producteur local et à acquis son savoir-faire. En 1984, la société fut créée, basée dans la vallée de la Maurienne. Aujourd’hui, les larves ne grandissent plus dans des bocaux à confiture mais dans des bacs en plastique alimentaire, plus de 8 000 plateaux en tout ! Les caisses sont très spécifiques car l’acidité de la salive des larves détruit certains polymères. Des chercheurs travaillent d’ailleurs dessus. Freddy a repris l’entreprise familiale il y a vingt ans avec sa femme, Margareth. L’apprentissage fut long, patient. « Parfois, je leur parle pour savoir si elles vont bien et ce qu’elles veulent ! avoue Freddy. Heureusement que mes salariés ne m’entendent pas, ils penseraient que je suis fou ! Ce sont elles qui dirigent la production de toute façon. Il faut être attentif à leur développement tous les jours ! »

Au stade de papillons, ces insectes pondent entre 100 et 300 œufs par jour avant de mourir. Il faut 60 jours de production avant que la larve ne soit vendue en magasin.
Crédit photo : Lyonel Chocat

Une passion dévorante

Freddy s’est donc attaché peu à peu à ces papillons de nuit, au charme discret et aux ailes peu colorées. Posé contre le tronc d’un arbre, il est invisible ! Il fait partie de la famille des Pyralidae, redoutée du monde agricole et forestier car certaines variétés occasionnent de gros dégâts. « Mes teignes sont inoffensives, affirme Freddy, elles ingèrent un produit dans leur alimentation qui les rend stériles. Il y a des ruches à 300 mètres de l’élevage et il n’y a jamais eu de souci. J’ai une petite unité de production à la maison où je conserve mes papillons. Ils vont ensuite pondre et ce sont ensuite ces œufs que je subdivise et fait grandir. Je retrempe régulièrement la souche pour éviter la consanguinité afin de conserver une origine forte avec de belles larves. » Ce savoir-faire, cet homme qui joue les bourrus mais à un grand cœur ne l’a pas appris dans les manuels mais à l’école de la vie, en testant et analysant chaque petite modification apportée. « L’avantage, c’est que les larves t’indiquent très vite comment elles vont. Suivant comment elles grossissent ou bougent, on le voit tout de suite ! »

Ici, tout est fait à la main, depuis l’élevage des larves jusqu’à la mise en boîte. Cette dernière est biodégradable et fabriquée à l’aide des déchets de l’élevage.
Crédit photo : Lyonel Chocat

Une consommation incroyable

Freddy est le deuxième plus gros consommateur de sucre liquide derrière… Haribo France ! Il faut dire qu’il en passe 38 tonnes par an. Elles ont bon appétit ces jolies teignes ! Pour produire un plateau de 800 g de larves il faut 6 kg de nourriture. Sud Est Appâts produit chaque année entre 35 et 38 tonnes de teignes ! Ce sont 70  tonnes de farines de froment, maïs et poudre de lait, 15 tonnes de biscuit, 12 tonnes de miel qui sont englouties par les larves. L’insecte ne pesant vraiment pas lourd, ce sont des milliards de teignes qui grandissent dans l’entrepôt de Saint-Jean-de-Maurienne !

Nouveauté, les teignes momifiées sont désormais aromatisées. Elle sont efficaces sur les poissons surdensitaires comme sur les poissons sauvages. Elles sont vendues en exclusivité chez Décathlon.
Crédit photo : Lyonel Chocat

Le rush de l'ouverture

Cet ancien militaire avoue ne pas beaucoup dormir en règle générale, mais les mois précédents l’ouverture de la pêche de la truite, c’est encore pire ! Il faut avoir un rétro planning hyper calé. Comptez 60 jours entre le temps de créer la première chrysalide et le moment où le pêcheur aura la boîte dans la main. Il faut 7 à 8 tonnes de teignes la semaine de l’ouverture alors tout doit être organisé en amont, depuis le mois de décembre pour arriver à sortir cette production. Nous passons de huit salariés en CDI à la saison creuse à plus de 18 quand la production tourne à fond. Ici, tout est fait à la main, il y a 49 manipulations en tout, on ne peut pas mécaniser, les larves sont trop fragiles. Il faut les nourrir tous les jours, diviser les caisses d’élevage régulièrement, les passer d’une pièce chaude et humide dans une autre équipée d’extracteur d’air car quand elles mangent et produisent beaucoup de chaleur et il faut réguler la température. Puis il faut les récolter et les mettre en boîte, là aussi manuellement. Des boîtes entièrement biodégradables, fabriquées à partir de déchets de sa production, de fils tissés par les larves lorsqu’elles fabriquent leur cocon notamment. Freddy a un leitmotiv, ne rien gaspiller et essayer de réutiliser le plus possible les déchets de son élevage. Il a conçu de nouveaux produits extraordinaires, mais c’est une autre histoire que je vous raconterai très prochainement, un petit scoop à ne pas rater !

Farines, lait en poudre, sucre, miel sont mixés dans ce pétrin et serviront d’alimentation aux larves. Ces dernières produisent une chaleur importante quand elles se nourrissent.
Crédit photo : Lyonel Chocat

Le rêve américain

Au milieu de tous ces tests, Freddy est arrivé à momifier naturellement ses teignes. Elles conservent leur forme, leur contenu stomacal, un aspect souple tout en étant un peu plus ferme que la larve vivante. Il est possible de les colorer et les parfumer, avec des produits naturels insiste Freddy, afin de ne pas nuire au poisson. Ces teignes momifiées sont vendues chez Décathlon et sur le site www.greencatch.fr, le distributeur Europe. Elles connaissent un énorme succès au Canada et aux États-Unis. Bass Pro Shop et les magasins Walmart les vendent aux pêcheurs américains qui en sont friands pour capturer les truites bien sûr mais aussi les crapies et black-bass à petite bouche. Pour celui qui avait promis à son beau-père de faire grandir Sud Est Appâts, c’est une belle consécration !

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