L'Arc est le principal affluent savoyard de l’Isère. Cette rivière de 130 km de long occupe une des plus longues vallées transversales des Alpes: la Maurienne. C’est en amont de Saint-Michel, là où les eaux sont encore claires, qu’elle est généralement pêchable. Le ratio taille/densité de truite est ici assez remarquable, parfait pour « plier du carbone » comme le disent les Savoyards. C’est là que je retrouve Hugo à qui j’ai lancé le défi de prendre des truites et si possible des belles, au leurre souple de type shad et rien qu’au shad ! En préparant son matériel sur le parking, il me dévoile sa stratégie du week-end : « C’est incontestablement le no-kill de Sollières, en amont, qui abrite les plus beaux spécimens, mais c’est aussi celui qui concentre la pression de pêche. Je le réserve pour demain matin, nous pourrons nous y rendre de bonne heure. Cet après-midi, je vais axer mes efforts sur le secteur situé en aval de Modane relativement moins couru. »
Limite pluie-neige
La session commence vers 15 heures, juste en amont de la confluence avec le torrent du Poucet. « C’est une portion relativement plate mais toujours intéressante à prospecter en début de saison », m’explique-t-il. L’ambiance est fraîche et humide, à la limite de la neige, mais notre champion est bien équipé : waders néoprène et vêtements techniques montagnards. Son premier choix de leurre se porte sur un Keitech Swing Impact de 5 cm blanc monté sur une tête plombée classique de 3,5 g. Cette couleur, peu imitative a priori, est selon lui passe-partout sur l’Arc.
Les premiers coups de ligne dans la partie la plus profonde du poste, où se concentrent généralement les truites, sont infructueux. C’est finalement assez près du bord, en pleine eau et quasiment en linéaire, qu’il capture une première fario d’un peu plus de 20 cm. C’est une bonne indication selon lui : « Les poissons sont dehors, dans les courants, loin des caches et des fosses. Il faut quelque chose de plus planant. » Première alternance de leurre : Hugo passe sur une tête plombée de 2,5 g et un shad plus imitatif au coloris naturel (Sico-Lure Mini Paddle). C’est bien vu puisque trois farios, dont deux d’environ 30 cm, seront ainsi capturées en prospection amont sur les 200 m qui nous séparent du pont. C’est finalement juste avant de remonter au parking, en repassant sur le premier poste, que Hugo finira par prendre un quatrième poisson correct, dans la fosse, en prospection aval cette fois-ci, là où il avait échoué initialement. Un choix judicieux.
La truite des gorges
Il reste encore 2 heures de pêche avant la nuit. La pluie fine s’est arrêtée, mais la température s’est encore abaissée et la question se pose de cesser pour aujourd’hui. Après un petit débriefe, nous décidons finalement de monter d’un kilomètre pour pêcher le secteur en amont d’Orelle. Changement d’ambiance, avec un parcours plus encaissé et des postes nettement plus marqués susceptibles d’abriter a priori de beaux poissons. La pêche s’avère toutefois très délicate. Après plusieurs tentatives sans résultat dans les courants et les bouillons, Hugo commence à douter : « Les coups du soir ne sont jamais fantastiques en mars et je ne suis pas sûr que les zones turbulentes soient les plus porteuses aujourd’hui. » Il change alors de tactique et se met à privilégier une pêche courte sous la canne. Il se focalise sur les bordures et les recoins entre les blocs.
Avec beaucoup d’acharnement, il finit par capturer, sous une immense dalle en ciment, une belle fario de 29 cm à la robe toute sombre. La dernière demi-heure ne donnera rien, il est temps d’aller se mettre au chaud. À la mi-temps, le bilan est correct : Hugo a réussi à capturer cinq jolies truites entre 25 et 30 cm dans des conditions météorologiques compliquées. Il manque un vrai beau poisson toutefois, ce qui est vraiment dommage.
Le parcours no-kill
Malgré la pluie qui est tombée une bonne partie de la nuit, le niveau d’eau n’est pas trop monté, c’est un soulagement. « Il a dû probablement neiger pas très loin en amont », précise Hugo. Un vent très frais descendant la vallée s’est maintenant levé. « Tout ne va pas être simple au niveau de la présentation mais le shad est la moins mauvaise option dans ces conditions. Le point positif, c’est que l’on ne devrait pas avoir une forte concurrence aujourd’ hui, les moucheurs vont rester chez eux », rajoute-t-il avec malice. La session commence au pied d’une petite falaise sur l’un des spots les plus réputés du secteur. C’est un large poste avec un énorme bloc créant un très bel amorti qui concentre généralement les grosses farios. Hugo le ratisse consciencieusement avec son shad blanc pendant un bon quart d’heure, sans succès. Cela confirme les observations d’hier, les poissons ne sont décidément pas actifs dans les zones turbulentes et profondes. Pas de quoi démobiliser notre champion qui connaît le coin comme sa poche. Il sait qu’il y a toujours des poissons à prendre quelque part. La zone en amont du premier poste est une ligne droite assez peu profonde avec un fort courant. Hugo, qui reste bien en retrait de la berge, concentre ses efforts sur les rares amortis d’extrême bordure formés par les tas de branches. Il pêche à gratter sous la canne avec des dérives ultracourtes. Il essaye même d’immobiliser complètement son leurre dans le courant en se positionnant en amont des petits embâcles. Nouvel échec qu’il explique, avec une pointe de mauvaise foi, par le manque de discrétion du photographe. En tout cas, j’ai compris le message !
Voilà les belles
Hugo alterne les leurres : un coup son blanc fétiche, puis le Sico-lure plus imitatif. Quand je lui demande selon quelle logique il permute, il me répond : « Honnêtement je ne pense pas que la forme, la couleur et a fortiori la marque d’un leurre aient beaucoup d’importance. C’est le poids que je fais varier. 1 g de plus ou de moins, cela peut vraiment changer la présentation et faire la différence. » De façon assez logique à cette saison, c’est en épluchant un vaste pool plus calme avec un courant laminaire que notre Savoyard va trouver les poissons. La première touche a lieu peu de temps après l’impact du shad, légèrement en amont d’une portion jugée prometteuse. Le rush est puissant mais Hugo, monté en 0,22 mm ne tergiverse pas et le poisson est maté rapidement. C’est une arc-en-ciel de 38 cm.
C’est en continuant d’éplucher minutieusement le pool avec des dérives quasi-parallèles à la berge et des animations très minimalistes que notre Mauriennais va capturer, pratiquement dans la foulée, une seconde arc-en-ciel. Elle a une jolie couleur rose-argent et dépasse largement les 40 cm cette fois-ci. Les poissons semblent stationner sur la berge d’en face, sous les sapins, et il faut prendre des risques. Avec le vent c’est toutefois difficile de régler la mire et un leurre finit dans les branches. Plutôt que d’éteindre le poste en allant le décrocher immédiatement, Hugo n’hésite pas à tirer sèchement pour casser. Il ira chercher son souple ultérieurement une fois le poste bien prospecté.
Seul au monde
C’est une excellente inspiration et la marque des très bons puisque, sur le coup de ligne suivant, il va toucher la grosse fario que j’espérais pour cet article. La défense est énergique mais le combat est rondement mené et le salmonidé est épuisé sans embûche. Verdict : 42 cm pour un poisson qui semble bien être une vraie truite de souche. « J’ai déjà pris beaucoup de poissons ici, mais paradoxalement, j’ai rarement dépassé les 40 cm pour une fario. C’est top d’avoir cette réussite le jour du reportage », me confie-t-il.
La partie de pêche peut continuer sereinement. Aucun pêcheur à l’horizon, Hugo semble bien disposer du parcours à truite phare de la Savoie pour lui tout seul. C’est une aubaine ! Il prospecte maintenant un bras qui offre à peu près la même configuration que le pool précédent. Très concentré malgré le froid de canard, notre compétiteur fait parler la poudre et parvient à capturer trois nouvelles arcs-en-ciel et une belle fario de 37 cm en à peine 15 minutes. Nous arrivons maintenant près du pont de Sollières, une bonne occasion d’aller faire quelques clichés surplombants. C’est une des excellentes zones du no-kill mais, comme me l’explique un lecteur de La Pêche et les poissons rencontré sur le pont, elle a vraiment été matraquée depuis l’ouverture. Deux nouvelles farios d’une trentaine de centimètres seront tout de même capturées par le jeune pêcheur. Il reste encore quelques centaines de mètres de parcours et probablement de quoi parvenir à l’objectif des 20 poissons maillés que nous nous étions secrètement fixé. Le vent qui s’est encore accéléré et un passage sans touche ont toutefois raison de sa motivation. On en restera donc à 15 poissons, tous pris au shad… comme convenu au début.
Le parcours du reportage à la loupe
L’Arc amont entre Saint-Michel-de-Maurienne et Termignon est un parcours salmonidés à forte réputation. Il attire de nombreux leurristes et moucheurs à l’échelle régionale et parfois même nationale. Son succès tient à la forte capturabilité des poissons. En plus de la reproduction naturelle effective, le secteur est en effet aleviné en juvéniles de truites fario et d’ombres auxquels il faut ajouter des déversements importants et réguliers de truites arc-en-ciel de belle taille. Le stock de poissons se renouvelle constamment si bien que le parcours supporte bien la pression de pêche. C’est donc un secteur idéal pour un week-end d’ouverture entre amis ou un séjour estival, d’autant que les gîtes sont très nombreux dans la région. Le schéma détaille, de l’aval vers l’amont, les tronçons les plus intéressants et accessibles avec la carte de la Savoie
1. Orelle (2,5 km). Secteur relativement plat, bonne densité de farios. Toutes techniques, prélèvement autorisé (25 cm). C’est ici qu’Hugo a commencé sa session.
2. Avrieux (1 km). Plus sauvage, très photogénique. Forte densité de farios et quelques ombres. Toutes techniques, un hameçon sans ardillon, un poisson conservé (25 cm).
3. Aussois (1 km). Fortes densités de farios en se rapprochant du barrage. No-kill leurres et mouches artificielles uniquement.
4. Sollières-Sardières (2,5 km). Profil relativement plat, photogénique. Très forte densité et gros poissons : farios, AEC et ombres. No-kill leurres et mouches artificielles uniquement. C’est là qu’Hugo a pratiqué le second jour.
Le matériel utilisé par Hugo
- Canne : Street Fighter Dropshooter (Fox Rage)
- Moulinet : Silver Creek 2500 (Daiwa)
- Tresse : G Soul Ohdragon PE 0,6 (YGK)
- Monofilament : 100% Fluorocarbon 22/100 (Caperlan)
- Têtes plombée s: Cube 2,5 et 3,5 g (Powerline) et Micro Ronde sans ardillon 2 et 3 g (Delalande)
- Gilet : Stealth Convertible Vest (Patagonia)
- Leurres : Swing Impact 5 cm (Keitech), Mini Paddle 5,8 cm (Sico-Lure), Cutt Shad 5 cm (Berkley)
Le conseil en + : passer et repasser
Notre Mauriennais à une manière bien à lui d’exploiter un secteur prometteur. Il fait d’abord une prospection vers l’amont avec un leurre assez planant (2/2,5 g), tout en discrétion sans rentrer dans l’eau, pour prendre les poissons les plus actifs notamment en bordure. Une fois le secteur ainsi épluché, il le refait en prospection aval avec un shad plus plombé (3/4 g) en n’hésitant pas à bien s’avancer dans l’eau pour pêcher plus court. L’angle différent et la masse de plomb supplémentaire lui permettent de pêcher plus lentement et de déclencher, régulièrement, de nouvelles attaques.