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Les bases de la pêche aux leurres (partie 6) : s'adapter à la thermie et à l'hydrologie

La traque des truites sauvages aux leurres artificiels est plus dépendante des conditions de pêche que la pratique aux appâts naturels. Thierry explique ici combien l’activité des farios et leur agressivité envers les leurres sont influencées par la température de l’eau et les niveaux.

Il faut rappeler aux débutants, et même marteler, qu’une partie de pêche réussie commence souvent par une bonne connaissance des milieux naturels et de leur fonctionnement, surtout pour la truite. L’écueil le plus fréquent chez celui qui commence la pêche des salmonidés aux leurres est de se focaliser sur le matériel et de penser qu’il arrivera toujours à trouver le piège qui les fera craquer. Or, stratégiquement, il est bien plus rentable et plus intéressant intellectuellement de se dire qu’il y aura toujours une rivière, un affluent, un secteur, un type de poste, une altitude, un moment de la journée où les truites vont se mettre à sortir ou à mordre. La truite fario n’est pas le poisson le plus difficile à leurrer, à condition d’être au bon endroit au bon moment… Mais encore faut-il s’y trouver ! Et cela nécessite une bonne connaissance de son environnement halieutique proche ainsi qu’une analyse fine des conditions de pêche.

Le mois de septembre est souvent idéal pour la pêche au minnow coulant. Les débits sont bons et la température de l’eau redevenue tempérée après la fournaise estivale. 
Crédit photo : Thierry Bruand

Les conditions thermiques

De toutes les techniques de pêche de la truite, le leurre est certainement celle qui est la plus dépendante des variations de température de l’eau. Cela s’explique par le fait que le lancer mise davantage sur l’agressivité des farios que sur leurs simples besoins alimentaires. Cela est d’autant plus vrai que l’on pratique aux leurres durs (cuillers et poissons nageurs), censés imiter des petits poissons ou du moins des intrus. Plus la température de l’eau est basse, plus les truites auront tendance à être apathiques et peu enclines à courir derrière des leurres qui demandent toujours un peu de vitesse pour produire leur effet. C’est pour cela que le lancer n’est pas toujours la technique la plus efficace à l’ouverture, et ce parfois jusqu’à la mi-mai. Plus cette température devient « clémente », en 1re catégorie elle n’est jamais vraiment élevée, plus le degré d’agressivité et de « territorialité » des farios s’élève. Le réchauffement climatique favorise donc le leurriste, même si on ne peut pas franchement s’en réjouir. L’activité des farios envers les leurres se remet ensuite à baisser au-dessus de 16/17°, le seuil de stress « thermo-hydrique » communément établi se situant à 19°.

Quand les rivières sont à l’étiage, il faut souvent baisser la taille des leurres pour piéger les farios : ici un D Compact (Smith) de 3,8 cm.
Crédit photo : Thierry Bruand

Comprendre

Que faire de cette règle générale ? Se promener en permanence avec un thermomètre et prendre la température de l’eau toutes les 5 minutes ? Peut-être pas, mais le faire de temps en temps, dans nos coins favoris, donne des indications pour comprendre, sortie après sortie, selon quels paramètres la température des eaux évolue. Il s’agira ensuite d’adapter la stratégie. La thermie d’un cours d’eau varie selon une multitude de facteurs qui s’entremêlent. Elle dépend tout d’abord de la température de l’air qui, elle-même, fluctue dans le temps selon la saison, la météo du jour et le moment de la journée. Rappelons que l’altitude fait également baisser la température de l’air de 1° tous les 150 m en moyenne. Cette thermie peut aussi varier selon les formes d’alimentation de la rivière : type de régime hydrologique (nival ou pluvial), affluent qui refroidit ou qui réchauffe légèrement, restitution karstique qui tamponne, sources situées plus ou moins en altitude, influence d’un barrage en amont qui rend l’eau plus fraîche ou a contrario plus chaude, intensité de la fonte neigeuse ou glaciaire, type de milieux où circule la rivière (secteur exposé ou pas, boisé ou non, rocheux, etc.).

Les eaux basses et froides de début de saison ne sont pas les plus favorables pour la pêche aux leurres. La réussite est toutefois possible avec des animations lentes et un bon mental. 
Crédit photo : Thierry Bruand

Bien choisir ou s'adapter

Une juste appréciation de ces paramètres combinée à une bonne connaissance des cours d’eau de son périmètre peut donc permettre de choisir la bonne rivière, ou du moins le bon secteur en fonction des conditions du moment où l’on part. Ces éléments sont une aide précieuse à la décision. Bien évidemment, ceux qui habitent proche des secteurs montagneux sont avantagés car ils ont un panel de coins plus étendu, notamment avec l’étagement des altitudes. Quand on n’a pas trop le choix du terrain, ainsi que du moment où l’on peut partir, il faudra jouer sur les types de postes à prospecter. Ils devront être d’autant plus oxygénés et turbulents que l’eau est chaude. Inversement, les vitesses de prospection et l’animation doivent être plus lentes, profondes et insistantes en eau est froide. La catégorie de leurre utilisée ainsi que leur taille doit diminuer lorsque les eaux se réchauffent. Les micro-souples, qui jouent presque uniquement sur les comportements alimentaires, et les shads qui émettent des vibrations de faible intensité sont plus « thermo-polyvalents » que les leurres durs. Les leurres à palette , comme les cuillers, peinent toutefois un peu moins en tout début de saison que les jerkbaits.

Même au leurre, il ne faut jamais négliger les petits affluents qui sont d’excellentes portes de sortie quand les données thermiques ou hydrologiques sont mauvaises sur le cours d’eau principal.
Crédit photo : Thierry Bruand

Les conditions hydrologiques

Même s’il n’est pas forcément la peine d’être hydrobiologiste pour prendre des truites, acquérir quelques notions de base et les appliquer à la pêche aux leurres s’avèrent précieux pour progresser rapidement. En France, nous avons la chance d’avoir accès, presque en temps réel et gratuitement, grâce aux sites institutionnels, aux débits des principales rivières du territoire. La pêche aux leurres n’étant pas qu’une affaire de grande ou moyenne rivière, ces données permettent aussi, par extrapolation, de se faire une idée des niveaux d’eau dans les affluents. Il est toutefois important de noter que les réactions aux précipitations des tributaires sont plus rapides et moins étalées dans le temps, surtout en se rapprochant de la source, que celles observées dans le cours d’eau principal. Rien ne remplace toutefois la vision directe obtenue en appelant des amis ou en se rendant sur place.

Une rivière qui grossit et des eaux qui se troublent : une situation bien difficile pour le leurriste. La pêche à gratter en extrême bordure au leurre souple peut permettre de prendre quelques poissons. 
Crédit photo : Thierry Bruand

Ralentir la prospection

Les eaux hautes sont assez difficiles à négocier aux leurres, et l’augmentation du poids de ces derniers, réflexe tentant, est souvent une fausse bonne idée. En fait, il s’agira surtout de concentrer sa prospection en bordure dans les amortis et les contre-courants soit à la cuillère tournante en pêche aval de manière à « ralentir », soit en pêche amont avec une teigne artificielle ou un petit shad qui peuvent être ramassés sur le fond lorsqu’ils dévalent ou s’immobilisent un court instant. Quand les eaux sont froides en plus d’être hautes, c’est presque mission impossible ! Il vaut mieux alors, pour celui qui ne veut pêcher qu’au lancer, rechercher un plan B ou rester à la maison. Durant la période estivale, un coup d’eau peut être, en revanche, fameux, surtout si la rivière était en situation d’étiage. Le leurre profite autant que les autres techniques du regain d’activité des farios, surtout si les eaux ne se sont pas trop teintées. Le moment d’euphorie est toutefois court, autant à la montée qu’à la redescente, il faut donc être dans les starting-blocks et viser juste dans cette fenêtre.

Un orage faisant monter les eaux d’une rivière qui était à l’étiage est une opportunité à ne pas manquer. Cela fait souvent sortir les beaux sujets.
Crédit photo : Thierry Bruand

La turbidité

Là encore, les eaux teintées ponctuellement ou chargées plus régulièrement, torrent à régime nivo-glaciaire par exemple, ne sont en général pas très favorables aux leurres. Leur action mise pour partie sur la vision des truites. Elle est pénalisée ici en eaux troubles, contrairement au ver et au vairon qui jouent aussi sur le sens olfactif. Mais le leurriste, peut-être un peu mieux que le pêcheur en nymphe, peut tirer son épingle du jeu en augmentant un peu la taille du leurre, les vibrations (cranks et tournantes sont les meilleurs pour cela) et en optant pour des couleurs plus « contrastantes » telles que le blanc (mon favori) ou les tonalités fluo.

Amplitude thermique

L’amplitude thermique journalière désigne la différence de température de l’air entre le moment le plus froid et le plus chaud sur 24 heures. Appliqué à la température de l’eau, c’est un paramètre intéressant car les farios sont sensibles à ces écarts. La plus grande amplitude que j’ai constatée l’a été lors d’une sortie dans un ruisseau d’altitude circulant à 1 800 m dans une pelouse alpine. L’eau était à 4° vers 8 h et à 11° vers 16 h. J’ai arrêté de pêcher au bout d’1h30 le matin n’ayant pris, au micro-souple, qu’une seule fario. Le cours d’eau me semblait vide. Revenu en fin d’après-midi, j’ai enchaîné les poissons à la tournante. Instructif !

 

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