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Truite aux leurres : le pattern existe-t-il ?

En grande rivière de piedmont, traquer des grosses farios sauvages aux leurres exige une stratégie bien pensée, car le milieu est vaste. Une prise de plus de 50 cm dans la journée est déjà une belle réussite.

Crédit photo Thierry Bruand
Le terme de « pattern » est couramment utilisé par les pêcheurs de carnassiers pour désigner la démarche et l’ensemble des éléments permettant de « trouver la pêche ». Thierry s’interroge sur l’intérêt et la transposabilité de ce concept dans la traque des truites aux leurres.

Les fidèles lecteurs de notre revue se souviendront peut être, qu’en décembre 2009 Michel Tarragnat avait rappelé l’origine, la définition et l’évolution du concept de « fishing pattern » dans un article de référence. Il expliquait que ce terme avait été inventé aux États-Unis dans les années 1960 et désignait, initialement, des schémas récurrents de comportement des poissons en fonction des facteurs environnementaux et biologiques. La recherche du pattern consistait alors à analyser minutieusement des paramètres tels que la saison, la température de l’eau, la profondeur, la nature du fond, les habitudes alimentaires des différentes espèces afin de localiser les poissons et de déterminer la pêche. Dans ce contexte originel, la recherche du pattern se concentrait donc principalement sur la connaissance du milieu, en s’adressant autant aux pêcheurs aux appâts naturels qu’à ceux utilisant des leurres. Quelques décennies plus tard, les pêcheurs français de carnassiers aux leurres, toujours amateurs d’anglicismes, ont transposé ce concept dans l’Hexagone. Au fil du temps, ils l’ont adapté en y intégrant une forte dimension matérielle, notamment en insistant sur l’importance de ce qu’ils accrochent au bout de leur ligne. Certains allants même, dans une forme de dérive, jusqu’à réduire le concept à la simple quête du « bon leurre ».

La notion de « pattern » est difficilement applicable à la traque des salmonidés en rivière. Pourtant, mettre à l’épuisette une belle fario reste la récompense d’une partie de pêche bien menée. 
Crédit photo : Thierry Bruand

Un concept importé et élargi

Aujourd’hui, un pattern complet désigne donc non seulement la compréhension et l’analyse du milieu qui permettent de localiser les poissons - le fameux « être au bon endroit au bon moment » - mais aussi la sélection du type de leurre (catégorie, taille et couleur) et de l’animation appropriée pour inciter les poissons à mordre. Ce sont ces deux aspects qu’il convient d’analyser maintenant avec le prisme du pêcheur de truite.

Le pattern et la localisation des poissons

En y regardant de plus près, la notion de pattern s’avère parfaitement adaptée à la pêche des carnassiers en grand lac à partir d’une embarcation. C’est-à dire à un contexte où la localisation des poissons dans une immensité s’apparente à vrai jeu de piste encouragé et facilité par l’électronique. Pour la pêche des salmonidés, qui nous intéresse ici, c’est bien différent car les milieux sont – à quelques exceptions près comme les très grandes rivières de piedmont ou les lacs de barrage d’altitude – de taille modeste et avec un caractère linéaire très marqué.

La linéarité des prospections et la grande discrétion dans les approches sont des caractéristiques majeures de la pêche de la truite en rivière. Une configuration assez différente de celle des carnassiers. 
Crédit photo : Thierry Bruand

Bien lire les postes

La question de la localisation des poissons ne se pose donc pas du tout dans les mêmes termes. Si jeu de piste il y a, ce n’est pas, le plus souvent, à l’échelle du milieu prospecté. Dans un cours d’eau de première catégorie, de petite ou moyenne taille, configuration la plus fréquente, il ne s’agit pas vraiment de « trouver » les farios car on sait qu’elles sont là cachées derrière les pierres ou les berges. Le défi consiste plutôt à éplucher correctement les différents postes rencontrés en remontant le cours d’eau, chacun pouvant potentiellement abriter un poisson. On parle alors de « bonne lecture des postes » plutôt que de localisation et de « pattern ». Cela est d’autant plus vrai que, pour la truite, l’approche, incluant la discrétion et le positionnement par rapport au courant, est primordiale pour la réussite. Or elle ne rentre pas a priori dans la définition du pattern. Il arrive toutefois que certains types de postes d’un même cours d’eau - par exemple, les zones profondes et peu courantes en début de saison ou les radiers en période d’étiage - soient plus porteurs à un moment donné. Le pêcheur au leurre peut alors battre du terrain pour maximiser ses chances de rencontrer ces configurations, ce qui constitue une forme de « pattern » puisqu’il y a récurrence d’un modèle de comportement.

Pour localiser des farios actives prêtes à mordre aux leurres, il est parfois nécessaire de raisonner à l’échelle d’un bassin hydrographique, voire d’un massif. La connaissance de son terrain de jeu truiticole est un facteur clé de la réussite.
Crédit photo : Thierry Bruand

Bassin-versant et fenêtres de sortie

Quand les touches sont totalement absentes sur la portion de rivière retenue, le pêcheur doit se poser les bonnes questions. C’est à ce moment-là qu’il a parfois le réflexe de se concentrer excessivement sur la catégorie ou le modèle de leurre, cherchant celuis qui « marche ». Or, dans la grande majorité des cas, ce n’est pas la bonne stratégie. Si le secteur est « fermé » au moment où il pêche, aucun leurre ne pourra inciter les truites à mordre. Le cas de figure le plus évident est le passage préalable d’un confrère, mais bien d’autres raisons peuvent expliquer cette situation. C’est ici que la connaissance de son environnement halieutique est précieuse. Si la pêche est « nulle » sur le secteur prospecté à un instant T, rien ne garantit en effet qu’elle le soit en amont de la même rivière, dans un de ses affluents, ou dans le cours d’eau d’à côté par exemple. La notion de « pattern » devient alors transposable non pas à l’échelle d’un coin de pêche, mais à celle d’un bassin hydrographique. Le jeu de piste de la « localisation » consiste alors à analyser finement son bassin-versant en fonction des données topographiques, hydrologiques et météorologiques, ainsi que des enjeux de fréquentation. L’objectif est de trouver le secteur où il est possible d’avoir des touches aux leurres sur le créneau horaire choisi. Un retour sur la zone initiale est aussi envisageable mais à un autre moment.

Le pattern et les leurres et animations

Avant d’aborder les questions relatives aux leurres, il est toujours utile de remettre en perspective leur importance dans le succès global d’une partie de pêche. Comme me le confirmait un excellent guide lors d’un reportage récent, on peut estimer que, pour la truite du bord en tout cas, le succès dépend grosso modo à 80 % de la connaissance des milieux, à 15 % de la maîtrise technique et à 5 % du matériel, dont le choix du leurre. Ainsi, traiter de la question du « bon leurre » et de son animation (inclus dans la maîtrise technique) revient à se concentrer sur moins de 10 % des facteurs de réussite ! Cela explique pourquoi ce sujet est traité de manière relativement brève dans cet article et pourquoi il devrait en général recevoir une attention plus limitée.

Les poissons nageurs ont révolutionné la pêche de la truite au lancer. Attention toutefois à ne pas trop se focaliser sur cet aspect matériel car il reste un élément très secondaire dans la réussite globale. 
Crédit photo : Thierry Bruand

Le bon ordre

Contrairement à la situation citée plus haut avec une rivière qui semble vide, si on enregistre quelques tapes sur un secteur donné, il est parfois possible d’améliorer un peu la situation en ajustant leurre et animation. Cela demande alors une approche méthodique, en procédant étape par étape. Tout d’abord, il faut se concentrer sur la catégorie de leurre, avec trois grandes options principales qui peuvent influencer les résultats : la cuillère tournante, prisée pour l’attractivité de sa rotation ; le poisson nageur, reconnu pour ses vibrations et ses capaci tés d’alternance dans les animations ; et le microsouple (ou shad en grande rivière), apprécié pour sa discrétion. Une fois la catégorie de leurre déterminé, il est important de choisir la taille et surtout le poids adéquat, afin d’éviter de passer au-dessus des truites ou de s’accrocher constamment.

L’armement est un paramètre à ne pas négliger : qu’il s’agisse d’hameçons simples ou triples, ils doivent être régulièrement changés ou affûtés avant chaque sortie de pêche
Crédit photo : Thierry Bruand

« Être » dans la pêche

Il est ensuite possible de trouver quelques améliorations au niveau de l’animation et surtout des angles de prospection. On peut également ajuster l’armement et, en dernier recours, la couleur du leurre, bien que celle-ci soit à mon avis très secondaire si l’on s’en tient aux classiques : palette argent pour la cuillère, imitatif foncé pour le poisson nageur et blanc/crème pour la teigne artificielle. La démarche décrite ci-dessus s’apparente à la seconde phase du pattern chère aux pêcheurs de carnassier en bateau qui font souvent « tourner » les leurres. Les similitudes sont toutefois trompeuses. La pêche de la truite, rythmée par l’enchaînement des postes et l’importance du premier passage, se prête peu à ce genre de tâtonnements. Il est donc souvent préférable de choisir le leurre avant le premier coup de ligne et de s’y tenir, afin de pouvoir se concentrer pleinement sur l’approche, la bonne lecture des postes et les gestes appropriés.


Poissons surdensitaires et pattern

Que ce soit en compétition ou en pêche de loisir, la traque des arcs-en-ciel diffère significativement de celle des farios sauvages. La question de la localisation se pose très différemment car il s’agit, dans la plupart des configurations, de pêcher des concentrations. En revanche, le choix du leurre prend ici toute son importance surtout si les poissons sont remis à l’eau au fur et à mesure. En général, les leurres métalliques – tournante et ondulante – marchent fort au départ mais le rendement diminue progressivement. Le petit souple prend alors le relais, et les variations de couleur, y compris dans des coloris flashy, sont souvent nécessaires pour conserver des touches.

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